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Pour mieux connaître
les circonstances qui accompagnèrent la naissance du
concept de "cité-jardin" et pour
bien comprendre l'esprit dans lequel il fut proposé,
puis appliqué, il convient de se reporter - et tel
est l'objet de cette page - aux réalités
sociales qui marquent la fin du XIXè siècle et
le début du XXè, ainsi qu'aux
divers écrits - notamment
romanesques - qui précédèrent,
accompagnèrent et suivirent l'ouvrage de
Howard. Le rôle et l'influence de
la littérature de
fiction ne sont pas des
moindres dans des domaines tels que l'urbanisme et
l'architecture où l'imaginaire précède,
accompagne, nourrit le réel... Il suffit, pour mieux
souligner les liens qui unissent ces modes d'expression
apparemment si éloignés, de considérer
la place qu'occupent l'architecture et l'urbanisme dans
les oeuvres littéraires
d'anticipation, et ce dès avant le XIXè
siècle : création
de villes audacieuses aux antipodes des cités
européennes, maisons aux structures et fonctions
inédites, apparition de nouveaux matériaux,
transports révolutionnaires et transformations
fondamentales de la société : travail,
loisirs, agriculture, industrie, commerce... etc...
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Ce projet conçu en
1934 resta à l'état de maquette géante,
accompagnée de trois livres successifs...
"Broadacre
City" ( "la ville-campagne") , fut présentée par son
auteur comme un schéma de réorganisation du
paysage urbain. Le nom "oxymorique" donné à
cette ville en souligne le trait caractéristique : la
rupture, la cassure
de la dichotomie entre ville et campagne. F.L. Wright
fut l'un des premiers
à sentir que l'avènement de l'automobile avait
sonné le glas de la concentration urbaine dense et
insalubre qui caractérisait la ville du XIXè
siècle. Il proposait une ville au plan
décentralisé, où les fonctions et les
services nécessaires à la vie moderne seraient
disséminés dans la campagne, au milieu des
champs, des vergers et des bois...
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Dans son premier livre
d'urbanisme, The
Disapearing City
( 1932 ), F.L. Wright
prône la dispersion de la ville américaine, en
s'appuyant sur une conception
démocratique de
la vie sociale qui ne peut s'apanouir, selon lui, que dans
la dissolution du pouvoir centralisateur... La forme
dispersée de la civilisation moderne doit s'appuyer
sur les innovations technologiques du XXè
siècle, comme l'automobile individuelle, moyen de
locomotion que Wright considère comme le plus
démocratique. Il avait également pressenti
l'importance des moyens de télécommunication
modernes comme un autre instrument potentiel de dispersion
de la ville... Il jugeait donc obsolètes la concentration de la ville
américaine et ses gratte-ciel... Pour plus de détails sur l'oeuvre de
l'architecte américain F.L. Wright
: cliquez.
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Mais contrairement à
F.L. Wright
qui avait basé sa métamorphose
du paysage urbain sur les nouvelles possibilités
offertes par le développement des progrès
techniques, notamment par l'avènement de la voiture,
Howard avait pensé sa cité-jardin en
piéton : cette ville neuve devant concentrer tous les
besoins d'une communauté réduite, la marche y
était privilégiée, sauf pour les liens
avec d'autres cités et l'approvisionnement : dans ce
cas, le chemin de fer fait son apparition...
C'est là
le principal point d'achoppement du rêve
d'Ebenezer
Howard, qui
ne parviendra pas, de son temps, à rassembler plus de
15 000 habitants, sur les 30 000 espérés pour
sa ville de Letchworth, bâtie non loin de Londres en 1903.
On retrouve ce handicap, avec quelques autres, et non des
moindres, dans la Cité-Jardin du
Stockfeld...
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En fait, comme le
soulignait récemment un universitaire, M.N.
Denis, lors d'un congrès sur "Les pathologies urbaines" (Rouen, déc. 2002) dans sa
communication intitulée "Une utopie au
service d'une politique municipale du logement populaire : la cité-jardin du
Stockfeld à Strasbourg de 1911 à nos
jours", si la
cité-jardin du Stockfeld, "créée selon des plans
architecturaux modernes et novateurs, est restée, au
moins jusqu'à la seconde guerre mondiale,
fidèle à sa vocation qui était de loger
les populations laborieuses les plus démunies de
Strasbourg, elle était mal conçue au
départ pour développer les
éléments fonctionnels indispensables à
la vie urbaine en termes de commerce, travail, transports,
éducation et échanges culturels "...
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Aussi cette "cité"
apparaît-elle aujourd'hui comme "un ensemble vieilli et sans dynamisme,
n'ayant jamais constitué une communauté
économique et sociale vraiment autonome". Mais il est vrai que, depuis les
années 60, une association de
locataires s'est peu
à peu constituée et la cité
a été classée sur la liste
supplémentaire des monuments historiques, d'où
"une nouvelle conscience
patrimoniale et communautaire",
à partir de laquelle "on
peut considérer que le schéma idéal
d'une organisation spatiale spécifique et d'un "chez
soi" conçus comme instruments de
régénération des classes populaires a,
dans ce cas, parfaitement réussi..." ( Voir
également, à ce sujet, notre page
"Indiens et
Bâtisseurs"...).
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