S T O C K F E L D

Photos ..Yves Clady..©.Copyright juillet-août 2004

(Stockfeld signifie «champ gagné sur la forêt»)

Introduction ... Plans ... Transports ... Stockfeld 1 ... Stockfeld 2 ...Safari ... "Indiens" et bâtisseurs ...Ecologie ... Architecture et habitat ... Galerie d'art....Flâneries photographiques ...Ignace d'Antioche ... Thomas More ... Richardson .... Jules Verne ... William Morris ..Ebenezer Howard ...F.L Wright... Documentation ..... Restauration
1911 -1912... Construction d'une cité-jardin à Strasbourg : le Stockfeld. Ayant créé un office du logement en 1905, la Ville souhaite effectuer une percée à travers des taudis insalubres en l'accompagnant d'une opération de relogement en banlieue.

9 Très présente dans le conseil d'administration de la Société des logements, elle lui demande de fonder une cité-jardin sur une réserve foncière de la ville. Les caisses d'assurances sociales apportent leur concours. 459 logements sont construits.

Contrairement à la cité-jardin de Dresde (Dresden - Hellerau), le quartier du Stockfeld est réservé aux classes populaires....Détails


La notion de "cité ouvrière" qui fleurit à la fin du 19ème siècle se distingue de celle de "cité-jardin" apparue en 1902 sous la plume de l'Anglais Ebenezer Howard (bio) dans son ouvrage intitulé "Garden-Cities of Tomorrow" ( Les Cités-jardins de demain ). Cette cité-jardin offre les avantages respectifs de la ville et de la campagne sur un terrain dont la municipalité est propriétaire. À la différence des cités ouvrières périphériques marquées par la dépendance, elle doit intégrer harmonieusement tous les secteurs du travail et de la vie sociale, comme une ville à part entière. Ce n'est pas la cas du Stockfeld, qui reste un quartier de la banlieue de Strasbourg, mais cette initiative prise par les autorités de cette ville en 1911 / 1912 - donc en période allemande, l'Alsace, occupée depuis 1870, redevenant française en 1918 - intervient peu de temps après la deuxième réédition de l'ouvrage évoqué ci-dessus et dont le succès fut considérable, en Europe comme en Amérique :

l'anglais Ebenezer HOWARD a incontestablement inspiré les urbanistes strasbourgeois de l'époque, qui virent dans le démarrage d'un chantier au centre-ville et la nécessité de reloger les familles ouvrières expulsées l'occasion de tenter l'expérience d'une cité-jardin en banlieue... Pour plus de détails sur la mise en application de ce projet et son devenir, se reporter à la page "Indiens" et bâtisseurs ... On pourra également mesurer le degré de fidélité des bâtisseurs de 1911 et leurs écarts par rapport à la vision de Howard en prenant connaissance des quelques extraits majeurs de son livre figurant à la page 2 de ce dossier...

Pour mieux connaître les circonstances qui accompagnèrent la naissance du concept de "cité-jardin" et pour bien comprendre l'esprit dans lequel il fut proposé, puis appliqué, il convient de se reporter - et tel est l'objet de cette page - aux réalités sociales qui marquent la fin du XIXè siècle et le début du XXè, ainsi qu'aux divers écrits - notamment romanesques - qui précédèrent, accompagnèrent et suivirent l'ouvrage de Howard. Le rôle et l'influence de la littérature de fiction ne sont pas des moindres dans des domaines tels que l'urbanisme et l'architecture où l'imaginaire précède, accompagne, nourrit le réel... Il suffit, pour mieux souligner les liens qui unissent ces modes d'expression apparemment si éloignés, de considérer la place qu'occupent l'architecture et l'urbanisme dans les oeuvres littéraires d'anticipation, et ce dès avant le XIXè siècle : création de villes audacieuses aux antipodes des cités européennes, maisons aux structures et fonctions inédites, apparition de nouveaux matériaux, transports révolutionnaires et transformations fondamentales de la société : travail, loisirs, agriculture, industrie, commerce... etc...

Aujourd'hui, même si les "cités verticales" n'ont pas disparu aux Etats-Unis et continuent de symboliser l'élan créatif et conquérant des Américains, la plupart des citoyens n'y vont plus que pour travailler... Ils préfèrent vivre à l'extérieur de ces concentrations : le territoire des Etats-Unis n'est-il pas couvert, aujourd'hui, de milliers de "cités-jardins" ?...

Certes, le "faubourg-jardin" du Stockfeld n'est pas une cité-jardin comparable à celles des Américains, et certainement pas à l'utopie de l'architecte américain Frank Lloyd WRIGHT ( 1867 - 1959 ), adepte de la cité-jardin : son projet de BROADACRE ( Broadacre City Usonia ) propose une cité tellement "idéale" qu'elle ne fut jamais réalisée...

Ce projet conçu en 1934 resta à l'état de maquette géante, accompagnée de trois livres successifs... "Broadacre City" ( "la ville-campagne") , fut présentée par son auteur comme un schéma de réorganisation du paysage urbain. Le nom "oxymorique" donné à cette ville en souligne le trait caractéristique : la rupture, la cassure de la dichotomie entre ville et campagne. F.L. Wright fut l'un des premiers à sentir que l'avènement de l'automobile avait sonné le glas de la concentration urbaine dense et insalubre qui caractérisait la ville du XIXè siècle. Il proposait une ville au plan décentralisé, où les fonctions et les services nécessaires à la vie moderne seraient disséminés dans la campagne, au milieu des champs, des vergers et des bois...

Dans son premier livre d'urbanisme, The Disapearing City ( 1932 ), F.L. Wright prône la dispersion de la ville américaine, en s'appuyant sur une conception démocratique de la vie sociale qui ne peut s'apanouir, selon lui, que dans la dissolution du pouvoir centralisateur... La forme dispersée de la civilisation moderne doit s'appuyer sur les innovations technologiques du XXè siècle, comme l'automobile individuelle, moyen de locomotion que Wright considère comme le plus démocratique. Il avait également pressenti l'importance des moyens de télécommunication modernes comme un autre instrument potentiel de dispersion de la ville... Il jugeait donc obsolètes la concentration de la ville américaine et ses gratte-ciel... Pour plus de détails sur l'oeuvre de l'architecte américain F.L. Wright : cliquez.

 

Mais contrairement à F.L. Wright qui avait basé sa métamorphose du paysage urbain sur les nouvelles possibilités offertes par le développement des progrès techniques, notamment par l'avènement de la voiture, Howard avait pensé sa cité-jardin en piéton : cette ville neuve devant concentrer tous les besoins d'une communauté réduite, la marche y était privilégiée, sauf pour les liens avec d'autres cités et l'approvisionnement : dans ce cas, le chemin de fer fait son apparition...

C'est là le principal point d'achoppement du rêve d'Ebenezer Howard, qui ne parviendra pas, de son temps, à rassembler plus de 15 000 habitants, sur les 30 000 espérés pour sa ville de Letchworth, bâtie non loin de Londres en 1903. On retrouve ce handicap, avec quelques autres, et non des moindres, dans la Cité-Jardin du Stockfeld...

En fait, comme le soulignait récemment un universitaire, M.N. Denis, lors d'un congrès sur "Les pathologies urbaines" (Rouen, déc. 2002) dans sa communication intitulée "Une utopie au service d'une politique municipale du logement populaire : la cité-jardin du Stockfeld à Strasbourg de 1911 à nos jours", si la cité-jardin du Stockfeld, "créée selon des plans architecturaux modernes et novateurs, est restée, au moins jusqu'à la seconde guerre mondiale, fidèle à sa vocation qui était de loger les populations laborieuses les plus démunies de Strasbourg, elle était mal conçue au départ pour développer les éléments fonctionnels indispensables à la vie urbaine en termes de commerce, travail, transports, éducation et échanges culturels "...

Aussi cette "cité" apparaît-elle aujourd'hui comme "un ensemble vieilli et sans dynamisme, n'ayant jamais constitué une communauté économique et sociale vraiment autonome". Mais il est vrai que, depuis les années 60, une association de locataires s'est peu à peu constituée et la cité a été classée sur la liste supplémentaire des monuments historiques, d'où "une nouvelle conscience patrimoniale et communautaire", à partir de laquelle "on peut considérer que le schéma idéal d'une organisation spatiale spécifique et d'un "chez soi" conçus comme instruments de régénération des classes populaires a, dans ce cas, parfaitement réussi..." ( Voir également, à ce sujet, notre page "Indiens et Bâtisseurs"...).

 
Aujourd'hui comme hier, la Cité-Jardin du Stockfeld est plutôt pauvre en commerces de proximité - hormis un salon de thé, un restaurant et un salon de coiffure -, ce qui constituait en 1912 et jusque dans les années 50 une source de difficultés pour les familles ouvrières arrachées à leurs taudis du centre-ville mais fort dépourvues en moyens de locomotion... A présent la voiture s'est banalisée, comme aux Etats-Unis - ce que F.L. Wright avait su prévoir -, au point que les couches populaires y ont facilement accès... Les habitants du Stockfeld peuvent aller faire leurs courses en ville ou dans les hypermarchés de la banlieue strasbourgeoise... à commencer par la "supercoop" qui se trouve face à l' église Saint-Ignace, à l'entrée de la Cité-Jardin. Mais, comme me l'a confié une "ancienne" du secteur, pour les personnes âgées isolées, les difficultés demeurent : il reste aux plus valides la ligne de bus qui relie le quartier au centre-ville, avec les astreintes horaires liées à ce moyen de locomotion...

Le rêve d'Ebenezer Howard et de quelques autres "visionnaires"... : de l'anticipation littéraire à la réalité...

Entre autres sources d'inspiration plus ou moins libertaires, l'idée d' E. HOWARD semble issue du "roman" Hygeia, (cliquez), ouvrage paru en 1876. Ce livre novateur, qui fut initialement une communication faite au congrès de 1875 de la Social Science Association, eut pour auteur un autre britannique, Benjamin Ward RICHARDSON (1828-1896) (cliquez)...

Cet hygiéniste convaincu est sensible à la réalisation de petites villes avec des maisons basses et confortables, liées au milieu naturel et où le jardin a toute sa place.

Le français Jules VERNE, dans les 500 millions de la Begum (cliquez), fait de France-Ville une réplique d'Hygeia. L'écrivain français Anatole FRANCE, dans Sur la pierre blanche, est lui-même influencé par RICHARDSON et sans doute par un concitoyen de ce dernier, William MORRIS ( voir ci-dessous...).

Quelques années avant Ebenezer HOWARD, un autre anglais, William MORRIS, dans sa belle utopie « News from nowhere », en 1890, affine une vision libertaire de maisons insérées dans les aires rurales, entourées de verdure, et proche d'une Tamise régénérée où tout pousse sans problème. Les berges du fleuve sont devenues de superbes jardins et vergers d'abondance.

C'est finalement le socialisant Ebenezer HOWARD (1850-1928) qui fait la synthèse de différentes idées émises avant lui.

HOWARD limite les villes à moins de 30 000 habitants, et insiste pour que les espaces verts en occupent les 5/6°. Il souhaite une grande diversité dans ces petites cités et ne veut en aucun cas ériger un modèle forcément sclérosant. Son éloge de la diversité et de l'hétérogénéité est constant. Il prône d'ailleurs des villes, certes plutôt circulaires, mais adaptables au milieu local. Vers Londres, la petite ville de Letchworth (1903), une des premières cités-jardins ( garden-cities ), ne comptera finalement qu'environ 15 000 habitants vers 1933. L'autre essai concerne la localité de Welwyn (1903-04). Vers 1960 ces deux cités n'atteignent chacune qu'environ 20 000 habitants. Elles ont en tout cas révélé l'importance de l'architecte Raymond UNWIN, auquel Howard a confié la construction de ces deux "garden-cities"... de ces deux "utopies" réalisées...( A suivre )...

Vers le...


Introduction ... Plans ... Transports ... Stockfeld 1 ... Stockfeld 2 ...Safari ... "Indiens" et bâtisseurs ...Ecologie ... Architecture et habitat ... Galerie d'art....Flâneries photographiques ...Ignace d'Antioche ... Thomas More ... Richardson .... Jules Verne ... William Morris ..Ebenezer Howard ...F.L Wright... Documentation ..... Restauration

Photos / montages / peintures et dessins numériques..

Yves Clady..©.Copyright juillet-août 2004

Accueil

Courriel ... clady@noos.fr