( Stockfeld signifie «champ gagné sur la forêt» )


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Jules VERNE

Les cinq cents millions de la Bégum .. (1879 )

Ce romancier français, né à Nantes en 1828 et mort à Amiens en 1905, fut l'un des écrivains majeurs de l'anticipation et de la prospective dont les héros sont physiciens, astronomes, ingénieurs ou, plus généralement, inventeurs. Très attentif à la portée sociale de ses romans, il ne pouvait pas rester indifférent aux problèmes urbains. C'est à ce titre qu'il écrivit Les cinq cents millions de la Bégum où il oppose deux conceptions de la ville : "France-Ville", la ville idéale ( très inspirée d' Hygeia de Richardson ) et "Cité de l'Acier", la ville de toutes les horreurs, qui symbolise les grandes conurbations industrielles. Si Jules Verne a surtout anticipé dans le domaine des machines et des moyens de communication, sa foi dans la puissance créatrice de la technique ne lui a pas inspiré la vision optimiste d'une ville-machine. Avec Les cinq cents millions de la Bégum, il a donc préféré - à l'instar de l'écrivain britannique Richardson*, auteur du roman Hygeia, au titre révélateur - une formule plus humaine où l'apport essentiel du progrès se résume dans l'hygiène...

* Note : Jules Verne reconnaît lui-même cette filiation dans une note du chapitre 10 de son ouvrage : "Ces prescriptions, ainsi que l'idée générale du Bien-Etre, sont empruntées au savant Docteur Benjamin Ward Richardson, membre de la Société royale de Londres."
Extraits du roman

 

Discours du Dr Sarrasin

Le modèle hygiéniste

"Messieurs, parmi les causes de maladie, de misère et de mort qui nous entourent, il faut en compter une à laquelle je crois rationnel d'attacher une grande importance : ce sont les conditions hygiéniques déplorables dans lesquelles la plupart des hommes sont placés. Ils s'entassent dans des villes, dans des demeures souvent privées d'air et de lumière, ces deux agents indispensables de la vie. Ces agglomérations humaines deviennent parfois de véritables foyers d'infection. Ceux qui n'y trouvent pas la mort sont au moins atteints dans leur santé ; leur force productive diminue et la société perd ainsi de grandes sommes de travail qui pourraient être appliquées aux plus précieux usages. Pourquoi ne réunirions-nous pas toutes les forces de notre imagination pour tracer le plan d'une cité-modèle sur des données rigoureusement scientifiques ? ( Oui ! Oui ! c'est vrai ! ) Pourquoi ne consacrerions-nous pas ensuite le capital dons nous disposons à édifier cette ville et à la présenter au monde comme un enseignement pratique... ? "

Un article de l' "UNSERE CENTURIE", revue allemande

"Le comité directeur de Franceville s'était contenté de poser un certain nombre de règles fixes, auxquelles les architectes étaient tenus de se plier :

1° - Chaque maison sera isolée dans un lot de terrain planté d'arbres, de gazon et de fleurs. Elle sera affectée à une seule famille.

2° - Aucune maison n'aura plus de deux étages ; l'air et la lumière ne doivent pas être accaparés par les uns au détriment des autres.

3° - Toutes les maisons seront en façade, à dix mètres en arrière de la rue.

4° - Les murs seront faits de briques tubulaires brevetées, conformes au modèle.

5° - Les toits seront en terrasse, légèrement inclinés dans les quatre sens, couverts de bitume, bordés d'une galerie assez haute pour rendre les accidents impossibles, et soigneusement canalisés pour l'écoulement immédiat des eaux de pluie.

6° - Toutes les maisons seront construites sur une voûte de fondations, ouverte de tous côtés, et formant sous le premier plan d'habitation un sous-sol d'aération en même temps qu'une halle. Les conduits d'eau et les décharges y seront à découvert, appliqués au pilier central de la voûte, de telle sorte qu'il soit toujours aisé d'en vérifier l'état et, en cas d'incendie, d'avoir immédiatement l'eau nécessaire. L'aire de cette halle, élevée à cinq ou six centimètres au-dessus du niveau de la rue, sera proprement sablée. Une porte et un escalier spécial la mettront directement en communication avec les cuisines.

7° - Les cuisines, officines ou dépendances seront, contrairement à l'usage ordinaire, placées à l'étage supérieur et en communication directe avec la terrasse, qui en deviendra ainsi la large annexe en plein air.

8° - Le plan des appartements est laissé à la fantaisie individuelle. Mais deux dangereux éléments de maladie, véritables nids à miasmes et laboratoires de poisons, en sont impitoyablements proscrits : les tapis et les papiers peints. (Les) murs (sont) revêtus de briques vernies. On les lave comme on lave les glaces et les vitres, comme on frotte les parquets et les plafonds. Pas un germe morbide ne peut s'y mettre en embuscade.

9° - Chaque chambre à coucher est distincte du cabinet de toilette. On ne saurait trop recommander de faire de cette pièce où se passe un tiers de la vie, la plus vaste, la plus aérée et, en même temps, la plus simple. Elle ne doit servir qu'au sommeil.

10° - Chaque pièce a sa cheminée. Quant à la fumée, au lieu d'être expulsée par les toits, elle s'engage à travers des conduits souterrains qui l'appellent dans des fourneaux spéciaux établis aux frais de la ville. Là, elle est dépouillée des particules de carbone qu'elle emporte, et déchargée à l'état incolore, à une hauteur de trente-cinq mètres dans l'atmosphère.

Telles sont les dix règles fixes imposées pour la construction de chaque habitation particulière.

Les dispositions générales ne sont pas moins soigneusement étudiées."


La ville orthogonale

"Et d'abord, le plan de la ville est essentiellement simple et régulier, de manière à pouvoir se prêter à tous les développements. Les rues, croisées à angle droit, sont tracées à distances égales, de largeur uniforme, plantées d'arbres et désignées de numéros d'ordre.

De demi-kilomètre en demi-kilomètre, la rue, plus large d'un tiers, prend le nom de boulevard ou avenue, et présente sur un de ses côtés une tranchée à découvert pour les tramways et les chemins de fer métropolitains. A tous les carrefours, un jardin public est réservé.

Pour obtenir le droit de résidence à France-Ville, il est nécessaire de donner de bonnes références, être apte à exercer une profession utile ou libérale, dans l'industrie, les sciences ou les arts, de s'engager à observer les lois de la ville. Les existences oisives n'y seraient pas tolérées.

Les édifices publics sont déjà en grand nombre. Les plus importants sont la cathédrale, un certain nombre de chapelles, les musées, les bibliothèques, les écoles et les gymnases, aménagés avec un luxe et une entente des convenances hygiéniques véritablement dignes d'une grande cité.

Inutile de dire que les enfants sont astreints dès l'âge de quatre ans, à suivre les exercices intellectuels et physiques, qui peuvent seuls développer leurs forces cérébrales et musculaires. On les habitue tous à une propreté si rigoureuse, qu'ils considèrent une tache sur leurs simples habits comme un déshonneur véritable."
L'hygiène en détail

"Cette question de la propreté individuelle et collective est du reste la préoccupation capitale des fondateurs de France-Ville. Nettoyer, nettoyer sans cesse, détruire et annuler, aussitôt qu'ils sont formés, les miasmes qui émanent constamment d'une agglomération humaine, telle est l'oeuvre principale du gouvernement central. A cet effet, les produits des égouts sont centralisés hors de la ville, traités par des procédés qui en permettent la condensation et le transport quotidien dans les campagnes.

L'eau coule partout à flots. Les rues pavées de bois bitumé, et les trottoirs de pierre sont aussi brillants que le carreau d'une cour hollandaise. Les marchés alimentaires sont l'objet d'une surveillance incessante. Cette police sanitaire, si nécessaire et si délicate, est confiée à des hommes expérimentés, à de véritables spécialistes, élevés à cet effet dans les écoles normales.

Leur juridiction s'étend jusqu'aux blanchisseries. Aucun linge de corps ne revient à son propriétaire sans avoir été véritablement blanchi à fond.

Les hôpitaux sont peu nombreux, car le système de l'assistance à domicile est général. Il est à peine besoin d'ajouter que l'idée de faire d'un hôpital un édifice plus grand que tous les autres et d'entasser dans un même foyer d'infection sept à huit cents malades, n'a pu entrer dans la tête d'un fondateur de la cité modèle.

On ne finirait pas si l'on voulait citer tous les perfectionnements hygiéniques que les fondateurs de la ville ont inaugurés. Chaque citoyen reçoit, à son arrivée, une petite brochure où les principes les plus importants d'une vie réglée selon la science sont exposés dans un langage simple et clair."

Jules VERNE, Les cinq cents millions de la Bégum, Ed. J. Hetzel, Paris 1879 ( pages 25-26, 100-103.)

Photos / montages / peintures et dessins numériques..

Yves Clady..©.Copyright juillet-août 2004

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