Modeste sentinelle à l'entrée de
la Cité-Jardin du
Stockfeld, l'église
Saint-Ignace monte la garde depuis 1847... Qui
était ce fameux Ignace ?
Récit
( figurant à la page 41 de
l'ouvrage évoqué ci-dessus )
" Certains auteurs
assurent qu'Ignace fut ce petit enfant que
Notre-Seigneur plaça au milieu des
apôtres lorsque, pour leur donner une
leçon d'humilité, il leur dit : " Si
vous ne devenez semblables à de petits
enfants, vous n'entrerez jamais dans le royaume des
cieux." Ce qui est certain, c'est qu'il
était un familier des premiers disciples du
Sauveur, disciple lui-même de Saint Jean,
l'Apôtre bien-aimé.
Ignace fut un grand
évêque, un homme d'une rare
sainteté ; mais sa gloire est surtout son
martyre. Conduit devant l'empereur Trajan, il subit
un long interrogatoire : " C'est donc toi, vilain
démon, qui insultes nos dieux ?
- Nul autre que vous n'a
jamais appelé Théophore un mauvais
démon.
- Qu'entends-tu par ce mot
Théophore ?
- Celui qui porte
Jésus-Christ dans son coeur.
- Crois-tu donc que nous ne
portons pas nos dieux dans notre coeur ?
- Vos dieux ! ...ce ne
sont que des démons ; il n'y a qu'un Dieu
créateur, un Jésus-Christ, Fils de
Dieu, dont le règne est
éternel.
- Sacrifie aux dieux, je te
ferai pontife de Jupiter et père du
Sénat.
- Tes honneurs ne sont rien
pour un prêtre du Christ"
Trajan,
irrité, le fait conduire en prison.
" Quel
honneur pour moi, Seigneur, s'écrie le martyr, d'être mis aux fers
pour l'amour de vous !"...
et il présente ses mains aux chaînes
en les baisant à genoux. L'interrogatoire du
lendemain se termina par ces belles paroles
d'Ignace : "
Je ne sacrifierai point ; je ne crains ni les
tourments, ni la mort, parce que j'ai hâte
d'aller à Dieu." ...
Condamné aux bêtes, il fut conduit
d'Antioche à Rome par Smyrne,
Troade,
Ostie. Son
passage fut partout un triomphe ; il fit couler
partout des larmes de douleur et d'admiration :
"Je vais
à la mort avec joie,
pouvait-il dire. Laissez-moi servir de pâture
aux lions et aux ours. Je suis le froment de Dieu ;
il faut que je sois moulu sous leurs dents pour
devenir un pain digne de Jésus-Christ. Rien
ne me touche, tout m'est indifférent, hors
l'espérance de posséder mon Dieu. Que
le feu me réduise en cendres, que
j'expire sur le gibet d'une mort
infâme ; que sous la dent des tigres furieux
et des lions affamés tout mon corps soit
broyé ; que les démons se
réunissent pour épuiser sur moi leur
rage : je souffrirai tout avec joie, pourvu que je
jouisse de Jésus-Christ." Quel langage et quel amour ! Saint
Ignace, dévoré par un lion,
répéta le nom de Jésus
jusqu'au dernier soupir. Il ne resta de son corps
que quelques os, qui furent transportés
à Antioche. "
Commentaires
Quelle histoire ! ...
mais surtout quel rapport avec la
Cité-Jardin du
Stockfeld,
hormis le fait que ce faubourg strasbourgeois
relève d'une paroisse dédiée
à ce saint ? On n'y broie les os de personne
et, dans les potagers, les carrés de salades
ne sont pas irrigués par des flots de sang
échappés de corps
martyrisés...
Tourner sans plus
attendre la page de cette sanglante digression
serait oublier que saint
Ignace fut le
patriarche
d'une prestigieuse cité, sise sur les bords
de la rivière Oronte, dans
une plaine
fertile entourée
de montagnes grandioses, en Syrie
septentrionale. Elle porte
aujourd'hui le nom d'Antakya
( prononcez
Han-Ta-Quilla ).... et l'Oronte est
devenue la rivière Asi.
Comme capitale
des Rois
Séleucides, elle
était réputée pour ses
richesses et son luxe. Ville
commerçante prospère, grand centre de
l'industrie textile et riche en ateliers où
l'on travaillait les métaux précieux,
Antioche jouissait d'un grand prestige et jouait
un rôle important en Orient.
Disposées en amphithéâtre, des
montagnes protégeaient la ville,
complétées par douze
kilomètres de murailles
crénelées renforcées de cent
cinquante tours. Des hauteurs du mont
Silpius,
la cité s'étageait jusqu'aux bords de
l'Oronte. Ses champs, jardins et vergers
faisaient l'admiration de ses
visiteurs...
Une ville-campagne à l'orientale,
avec sa
ceinture verte et son urbanisme
fastueux...
Des cultures s'étendaient
à perte de vue tout autour de la ville :
oliviers et vignes soigneusement cultivées,
lesquelles donnaient des vins plus doux que ceux de
Rhodes. De ses innombrables jardins
sortaient toutes sortes de fines nourritures.
Aucune autre cité d'Orient n'était
aussi bien approvisionnée en eau : les
fontaines et les sources étaient abondantes
; des norias alimentaient les vergers.
Antioche était plus fraîche
que Palmyre , prisonnière des sables.
Ses habitants avaient reçu une forte
empreinte de la civilisation grecque. La ville
fleurie d'Antioche, où les poètes
pullulaient, avait un charme
inégalable...
Du temps des
Romains, Antioche
sur l'Oronte,
capitale de la province romaine de Syrie, garda
une culture et un commerce florissants et ce fut
l'un des berceaux du christianisme. C'est d' ailleurs ici que fut
employé pour la première fois le nom
de "chrétien". Saint
Barnabé, saint Paul et saint
Pierre y
passèrent tous les trois. Il faut se
représenter une cité fastueuse,
célèbre pour sa large avenue à
trois voies ( une pour les piétons, une pour
les chars et la troisième pour les
véhicules lourds )... Bordée de
colonnades, elle conduisait à une
monumentale statue de Jupiter.
Cette
avenue était coupée à angle
droit par une autre rue, toute de marbre
revêtue, qui faisait l'orgueil de la ville
par ses statues et ses colonnes. Vers le nord, le
fleuve
Oronte formait une île sur laquelle
était bâti l'ancien palais
des Séleucides, une luxueuse résidence
parée d'un portique grandiose,
le Tétrapylon, où aboutissaient toutes les
colonnades de la ville.
C'est
de cette ville "idéale" que saint Ignace fut
l'évêque, au début du
deuxième siècle de notre
ère...
|
QUESTION : quelle est la place du "spirituel" dans l'urbanisme
d'anticipation ? Du réel à l'imaginaire et
inversement...
|