Né au 16è siècle avec
la découverte de l'Amérique et nourri par les
récits des voyageurs, l'intérêt des Européens pour les
Indiens d'Amérique culmine au
18è siècle. C'est Montaigne qui, en France,
inaugura cette vogue, dans ses Essais...
Cet intérêt pour l'Indien et,
à travers lui, pour la vie "naturelle" ( cf. Chateaubriand
parti en Amérique pour y trouver
"l'homme de nature"...) relève en
fait d'une démarche ancestrale : la quête du paradis perdu...illustrée par bien des récits de voyages,
de rêves, d'utopies insulaires...( cf.
Navigation de Saint-Brendan,clic
).
A en croire les récits des
voyageurs de cette époque, les "qualités" et "vertus"
des peuples primitifs sont directement liées au fait que ces
peuplades vivent au contact direct de la nature encore
indomptée. Montaigne se fait l'écho de cette
idée quand il écrit que ces "nations sont encore commandées par les lois
naturelles". En fait, en évoquant les
qualités de ces peuples lointains, l'Européen parle
aussi de lui, de ce qui lui manque...
Montaigne, qui a voyagé, mais sans
jamais quitter l'Europe ( cf. Journal de Voyage en Italie ),
décrit le cadre de vie de ces populations en s'inspirant des
témoignages et récits de voyageurs, oraux ou
écrits : une végétation paradisiaque, un cadre
enchanteur où se déroule une vie libre et naturelle,
loin de tous les maux et défauts des sociétés
européennes ...
Au 17è siècle, les
Français consolident leurs positions sur le continent
américain (
Canada et Louisiane). On voit ainsi se
développer, sous le règne de Louis XIV, une abondante
"littérature de voyage" : marins, soldats, marchands,
administrateurs coloniaux et missionnaires, chacun y va de son
récit, de sa chronique, de son "journal de bord"... Ainsi
le baron de La
Hontan (né en 1666) ( cliquez pour en savoir plus... ) part tenter sa chance en Amérique à
l'âge de 17 ans. Lieutenant du Roi, il se rend au Canada et en
Terre-Neuve, observe les Indiens et partage la vie des Hurons : son
récit de voyage et ses "Dialogues curieux"
(1703-1705) dénigrent la civilisation européenne et
annoncent la pensée qui va se développer au 18è
siècle... La Hontan, en avançant des idées
égalitaristes, prône ouvertement la
révolution...
Dans les Dialogues, un
Huron, Adario, raisonne sur la
société française. Il compare l'état de nature à
l'état de
civilisation. Il dénonce la
propriété privée, la tyrannie des riches,
l'inégalité des conditions en France. Il montre la
supériorité de la religion naturelle sur le
christianisme et de la morale naturelle sur les contraintes du monde
civilisé. La
Hontan popularise, à la suite des
missionnaires, la personne de l'indien "libre, sain et heureux"
parce qu'il obéit à la Nature, sa mère.
Jean-Jacques ROUSSEAU s'inspire de ces
idées pour écrire en 1755 le Discours sur l'origine et les fondements de
l'inégalité parmi les hommes. Rousseau conduit une réflexion sur les rapports
entre la nature et la culture. L'exemple de l'indien
américain, libre et heureux au contact direct de la nature,
lui permet de démontrer que le progrès des techniques
en Europe n'améliore pas forcément les conditions de
vie de l'homme.
Quelques années plus tard, DIDEROT
découvre également "le bonheur de l'état de nature", et il écrit : "Voulez-vous que je vous dise un beau paradoxe : je suis convaincu qu'il ne peut y avoir de vrai
bonheur pour l'espèce humaine que dans un état social
où il n'y aurait ni roi, ni magistrat, ni prêtre, ni
lois, ni tien, ni mien, ni propriétés
mobilières, ni propriétés foncières, ni
vices, ni vertus."
Ainsi les philosophes utilisent le
modèle de la société indienne afin de mieux
critiquer le gouvernement royal et les privilèges de la
société française du XVIIIè
siècle. En quelque sorte, l'exemple de l'Indien a
contribué à développer les idées
d'égalité, de liberté et de fraternité
dans l'Europe des grands royaumes.
..........
Le voyage de Chateaubriand en
Amérique, à la fin du XVIIIè
siècle, permet à ce dernier de
découvrir de près, sur le terrain ces
"Premières
Nations" que d'autres ont
rencontrées dans les récits des voyageurs et
des explorateurs...