Album de famille 1 . Album de famille 2 .. La mémoire partagée . Galerie de portraits .. 14 - 18 . 39 - 45 ... Huguette . Irène . Lucie . Odile . Madame St. . Madame S. . Mme H.

Souvenirs d'une Alsace reconnaissante ... Les aquarelles de Ferdinand ... Les greniers de la mémoire ... Galerie photos "LECLERC" ... Le métier de BIOGRAPHE

60è anniversaire

de la

Libération de Strasbourg

Novembre 1944 - Novembre 2004

De mémoire vive... Paroles d'Aînés

Souvenirs

recueillis par les élèves de la Première ES1

du Lycée Saint-Etienne de Strasbourg

 

 
Illustration de Renée Ehrmann pour l'ouvrage de Marie-Joseph BOPP, L'Alsace sous l'occupation allemande, paru en 1945

 

Des souvenirs plein la tête...

Madame V., âgée de 88 ans, " alsacienne de corps et d'esprit " comme elle le dit si bien, a choisi de nous parler d'un événement qui a marqué son existence.

Nous sommes en 1939, la guerre éclate : beaucoup de personnes évacuent les grandes villes, dont Strasbourg. La plupart des Strasbourgeois se dirigent vers la Dordogne mais Madame V. , âgée alors de 22 ans, choisit de rester.

Le jour, elle travaillait dans une banque et le soir elle étudiait afin de passer son concours d'infirmière.

" Je préférais faire quelque chose d'utile pour la patrie... "

Recrutée en tant qu'infirmière par les Allemands, elle fut emmenée à Schirmeck, au Sanatorium (hôpital de proximité en temps de guerre).

Elle et d'autres jeunes infirmières étaient bien traitées. Les Allemands les appelaient " Fransöze ".

Quelques mois plus tard, elles furent toutes envoyées à l'hôpital de Haguenau qui, par ailleurs, était " très sale ".... Puis, dès leur arrivée, les Allemands leur dirent : " Rentrez chez vous ". Madame V. retourna chez elle, près de la Gare, rue Tiergarten : là, elle constata avec désolation et tristesse que son immeuble avait été touché à environ 75 % par les bombardements...

" C'était pas toujours très gai... de voir une grande ville abandonnée ... "

Mme V. trouva du travail à la Meinau... Il s'y trouvait alors beaucoup de prisonniers. Par ailleurs elle essaya de donner sa nourriture à l'un d'entre eux, mais elle se heurta à l' " interdiction formelle de partager son pain avec les prisonniers ".

Quelques mois plus tard, elle retrouva un travail dans une banque allemande et la vie reprit son cours...

Madame V. n'oubliera jamais cette époque et, comme beaucoup, elle ne souhaite pour rien au monde revivre le passé...

Souvenirs recueillis par AL et C

 

" Le Palais Rohan n'est pas sorti indemne des bombardements."

 

" Un char de la deuxième DB accueilli par la population, place Kléber."

Photographie des Archives municipales de Strasbourg

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Les SOUVENIRS de GUERRE de Madame S.

La Seconde Guerre mondiale fut une période marquante de ma vie.

Je me rappelle allant à l'école des soeurs à Sarrebourg jusqu'en 1939, puis par la suite dans une école française à Strasbourg où le Vendredi, un abbé venait nous faire le catéchisme. Mais ce que j'appréciais le plus, c'étaient les récréations, parfois longues, où l'on dégustait lait et chocolat.

Quand la guerre faisait rage, je suis partie avec mes parents dans un petit village entre Saverne et Wangenbourg. Mais les Allemands gagnant Strasbourg, on a fait rapatrier les familles, y compris la nôtre... J'avais alors seize ans. Je ne me rappelle plus très bien où l'on avait proposé à mon père de s'installer, en Allemagne, mais celui-ci avait refusé et je me souviens que l'on a emménagé dans un quartier de Cronenbourg, à côté d'usines fabriquant des pièces détachées pour les avions.

J'étais jeune et s'ouvrait alors la possibilité pour moi de rentrer dans les bureaux où, avec huit autres jeunes filles à peu près du même âge que moi, j'ai appris la dactylographie et la sténographie, que l'on avait la possibilité de mettre en pratique dans l'usine - à la Meinau.

Je venais à sept heures le matin et tapais des documents jusqu'à la pause de midi, heure à laquelle je me dirigeais alors vers la cantine pour déjeuner, puis je revenais et reprenais indéfiniment le même travail pour enfin être libérée à cinq heures du soir.

Une fois par mois, je me rendais obligatoirement au bunker, qui se trouvait à l'emplacement de ce qui est aujourd'hui le siège de Citroën, et j'y passais la nuit avec trois autres personnes, dormant sur des lits superposés, comme les militaires, et veillant pour alerter par téléphone, si un bombardement advenait, les autres administrations qui fonctionnaient jour et nuit.

On n'avait nullement le droit de sortir sauf pour aller à la cantine que je trouvais fort acceptable malgré les manques qu'occasionnait la guerre.

Je me souviens encore des patates que l'on mangeait et des épinards qui n'étaient autre chose que des orties...

Je revois encore la fois où j'ai raté le tram à Cronenbourg... Quand je rejoignis l'usine de la Meinau, évidemment en retard, je dus aller dans le bureau d'un officier allemand qui avait une prestance de SS et qui déclara à tout va que c'était du sabotage que mon retard. Mais on ne me jeta pas en prison. (...)

En 44, l'arrivée de Leclerc et de la 2è DB mit sous tension bon nombre d'Allemands.

(...) Durant les combats, je me suis échappée de l'usine avec une compagne de travail... Je savais qu'elle et moi nous risquions notre vie à travers les balles qui sifflaient. Je suis remontée ainsi de la Meinau jusqu'au Neudorf puis à la place de l'Etoile, où l'on dut ramper ; et j'ai encore en mémoire les morts qui jonchaient le sol. Puis j'ai longé le quai des Bateliers et suis arrivée à l'église Saint Paul qui était fermée.

Sous l'afflux des balles, je me suis abritée dans un coin, toujours avec ma compagne, attendant une accalmie. Le moment voulu, j'ai gagné l'avenue des Vosges puis la place de Haguenau où les chars de Leclerc, à notre grande surprise et à notre grande joie, venaient d'arriver.

Mais, à travers moi, émergent encore d'autres souvenirs dont celui de mon père qui travaillait aux chemins de fer... Un soir,il était rentré avec, dans son portefeuille, une cocarde qui n'avait pas échappé à mon regard. Je savais qu'il se rendait chez le coiffeur et allait par la suite boire un verre avec des amis, ce qui me laissait aisément supposer d'où provenait cette cocarde ; néanmoins le fait qu'il pouvait appartenir à la Résistance était quelque chose qui restera toujours pour moi une énigme.

Animée par la curiosité et l'envie de posséder une chose interdite par l'occupant, j'ai ainsi subtilisé, un soir, alors que mon père dormait, la fameuse cocarde de son portefeuille, qui avait sauvé mon père lors d'un contrôle et d'une fouille au commissariat.

Il y a encore une multitude de souvenirs ou d'anecdotes que je me remémore aujourd'hui. Je revois encore comment il fallait que l'on roule en bicyclette, les uns derrière les autres, ou alors mon père qui écoutait Radio-Londres avec moi et qui guettait le passage de patrouilles allemandes ou bien encore les soldats du régiment allemand qui réveillaient le quartier à cinq heures du matin en allant faire des exercices... Et il y avait aussi ce soldat de la Libération, dont j'ai oublié la nationalité et qui venait faire du café chez nous.

Aujourd'hui je vis à Strasbourg même, en la maison Saint Arbogast, où je prends le temps de vivre dans cette Alsace européenne, loin des conflits d'avant qui déchirèrent deux nations.

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DOCUMENTATION COMPLEMENTAIRE

Dactylographie n. f. Technique de l'écriture à la machine. (Abrév.: dactylo).

Sténographie n. f. Procédé d'écriture très simplifié, grâce auquel on peut noter un texte aussi vite qu'il est prononcé. (Abrév. cour.: sténo).

" Démonstration de force " pour montrer la présence du Reich à Strasbourg.

 

REMERCIEMENTS à Madame S.

B et PH

Illustration de Renée Ehrmann pour l'ouvrage de Marie-Joseph BOPP, L'Alsace sous l'occupation allemande, paru en 1945

A L I N E

Les dents de la guerre...

 Après avoir sonné et être montés au quatrième étage d'un immeuble du quartier de la Robertsau, nous avons été accueillis par une bénévole des Petits Frères de Pauvres, puis nous avons fait connaissance avec Madame A.T., née en 1917, à Strasbourg même... Après nous avoir dit que beaucoup de choses l'avaient marquée dans sa vie, elle nous a donc fait part de ses souvenirs, en particulier ceux remontant à la deuxième guerre mondiale et ceux concernant sa famille.

En 1939, toute la ville de Strasbourg fut évacuée... Mme A.T. se trouvait alors à la frontière du port du Rhin. Tous les habitants devaient partir avec trente kilos de bagages et se rassembler à Bischheim. A ce moment, elle se présenta comme bénévole à la Croix Rouge pour transférer les gens dans des trains. Elle et sa famille partirent en Dordogne... Le voyage en train dura un mois, car il passait par Paris et d'autres villes. Les adultes occupaient des wagons normaux et les enfants des wagons à bestiaux. Bien que conscients de la situation, les enfants parvenaient à jouer... Pour assurer leur survie, l'Etat reversait tous les mois à chaque évacué (enfant ou adulte) la somme de dix francs.

En 1940, Aline prit la décision de revenir avec sa famille à Strasbourg. Un monsieur Juif l'avait prévenue que les Allemands occupaient la ville. Elle lui répondit que, s'il le pouvait, lui aussi y retournerait, mais elle eut peur de l'avoir vexé et regrette encore aujourd'hui ce qu'elle lui a dit.

Au même moment, les troupes françaises se retiraient devant les Allemands... Entretemps, Aline avait retrouvé son frère dans une ferme de Dordogne où on le soignait. Elle lui demanda ce qu'il faisait là, au lieu de rester à Paris... Grâce à une chance inouïe, celui-ci put rejoindre Strasbourg avec sa famille. En cours de route, ils croisèrent les trains qui allaient vers les camps de concentration.

De retour en Alsace, la vie reprit son cours : chacun se remit à travailler. Petit à petit, la ville se repeuplait. Pendant quatre ans, ils furent occupés par les Allemands : ils étaient obligés de travailler avec eux. Aline dut apprendre la sténographie allemande et travailla dans des usines ou des magasins de confection allemands.

En ce qui concerne son mari, elle le rencontra à une fête, "la matinée dansante". Sa mère étant morte, les Allemands l'enterrèrent au bord de la voie ferrée et elle quitta la maison. Sa future belle-mère lui proposa de s'installer chez elle...

Son futur beau-père se remaria et sa seconde femme le rejoignit dans la même maison. Comme il ne supportait plus sa belle-mère, le compagnon d'Aline lui annonça qu'ils allaient se marier, alors qu'ils vivaient ensemble depuis seulement un an. Il espérait ne pas être enrôlé...

En février 1943, alors qu'elle venait de mettre au monde un enfant, on chercha son mari : il était enrôlé de force du côté allemand. Avant de partir, il dit à sa femme : "Ne t'en fais pas, je reviendrai". Cette phrase aida Aline à tenir bon jusqu'à la fin de la guerre.

Pour pouvoir se nourrir, ainsi que son enfant, elle confectionnait des tailleurs pour les femmes de son quartier avec les costumes de soldats de leurs époux et les échangeait contre de la nourriture. Petit à petit, les femmes se promenaient avec ces vêtements dans les rues.

En 45, elle entendit frapper à la porte. Elle alla ouvrir en pensant que son père lui rendait visite... et se retrouva face à son mari. Elle n'en croyait pas ses yeux, étant donné qu'elle avait reçu une lettre l'informant qu'il était porté disparu. Il lui avait envoyé des lettres qu'elle ne reçut qu'après la guerre, expédiées par le quartier général.

C'est un de ses meilleurs souvenirs, car son mari faisait partie de ceux qui étaient revenus. Il était rentré avec les Américains qu'il avait ralliés, après avoir pris la fuite du front allemand, en Italie, à la bataille de Cassino... Le livre "Les Malgré-Nous" contient l'histoire de son mari, dont l'auteur s'est inspiré : les Américains, venus de Tunisie, avaient débarqué à Tarente pour remonter ensuite à Cassino. Il y avait là des tranchées individuelles, où les soldats, armés de grenades ou de mitraillettes, recevaient de la nourriture. Parfois, pendant une heure ou deux, les tirs cessaient. Un jour, le mari d'Aline proposa à trois de ses compagnons d'armes d'essayer de s'enfuir à la fin de l'attaque suivante.

C'est ainsi qu'ils se rendirent aux Américains qui les acceptèrent sans les fusiller. Ils furent interrogés pour savoir s'ils n'étaient pas des espions. Après s'être assuré de leur statut, on les envoya dans des hôpitaux de tout confort, où on leur donna des vêtements...

Puis on leur proposa de débarquer en France avec les Américains, sous de faux noms, mais le mari d'Aline décida de garder le sien. Finalement, ils débarquèrent non pas en Normandie, mais à Saint-Tropez.

Après le débarquement, le mari d'Aline eut l'autorisation du quartier général de chercher sa femme pour qu'elle soit en sécurité avec son enfant, en cas de réoccupation. Grâce à eux, il fut libéré des services de la guerre lorsqu'il était en Autriche. De retour à Strasbourg, il se remit à travailler dans la confection.

Pour conclure, cette bonne heure passée ensemble nous a permis de rassembler tous ces souvenirs évoquant la guerre, à travers l'histoire de la famille de Mme A.T. ... Nous avons pu ressentir la solitude et la tristesse qu'elle a éprouvées lors de la guerre, mais au moins elle a fait partie du petit nombre de personnes qui ont pu revoir leurs familles ou leurs conjoints après la guerre.

Souvenirs recueillis par L et N

 

Raymond

...incorporé de force...

Raymond est né le 1er Mai 1920 à Kirrwiller. Son enfance est partagée entre Strasbourg, lieu de résidence de ses parents, et sa ville natale où il grandit encadré par ses grands-parents, sa tante et son oncle. Ceux-ci l'accueillent avec enthousiasme et affection, ses parents étant fort occupés par leur travail.

De sa sixième à sa septième année, il fréquente l'école de Kirrwiller avant de partir étudier à l'école Schoepflin de Strasbourg jusqu'à l'âge de 12 ans.

N'ayant pas un fort penchant pour les études, il entreprend un apprentissage à l'entreprise SEEGMULLER, spécialisée dans le déménagement... Il y sera engagé par la suite.

Le début de la Seconde Guerre mondiale entraîne une succession de péripéties qui marquera profondément sa vie. Dans un premier temps, il est incorporé de force par l'armée allemande en juin 40. Le 25 août 1942, il est engagé par le Service du Travail Obligatoire (STO) et doit ensuite faire une préparation militaire en Suisse. Par la suite, il reçoit une convocation de la Wehrmacht pour se rendre à la caserne de Koenigshoffen. Pendant deux semaines, il doit apprendre le maniement des armes. Mais pendant cette période, la question prédominante qui l'anime est de savoir ce qui l'attend. Il part finalement pour la Russie où, après trois mois de "classes", il doit monter au front, à Leningrad... Il entend alors pour la première fois les explosions des obus et les rugissements des orgues de Staline.

A partir de 1944, lors de la retraite de l'armée allemande, il échappe par miracle à un tir de tank russe. Considéré comme disparu en Lettonie, il se rend en Estonie où, une nouvelle fois, il bénéficie d'une chance inouïe en frôlant la mort sous une pluie d'obus destinée à un convoi de wagons de munitions, alors qu'il est affecté à la réparation d'une ligne de chemin de fer.

La nuit du 8 au 9 mai 1945, l'armée russe le fait prisonnier. C'est une période de souffrances et de privations qu'il évoque avec émotion. Il a du mal à justifier sa nationalité française, à cause de son nom à consonance germanique.

Enfin libéré, il traverse Berlin en ruines, immense ville totalement anéantie par les bombardements. Par la suite, il essaye d'oublier les souvenirs de ces dures épreuves en se plongeant dans diverses passions telles que le Racing Club de Strasbourg ( grande équipe de football d'avant-guerre - et d'après... ), mais surtout le cinéma dont il parle avec beaucoup de passion...

Ce qu'il apprécie avant tout dans le 7è art, c'est le jeu des comédiens. Il fait part d'une admiration débordante envers des acteurs tels que Pierre Fresnay et Raimu. En évoquant sa passion pour le cinéma, il oublie sa timidité. En effet, celle-ci lui permet certainement de rêver à plus d'assurance, en s'identifiant à certains personnages des films qu'il voit... Mais malgré tous ses efforts pour nouer de nouveaux liens, comme les cours de danse qu'il suit avec assiduité, son manque de confiance en lui l'empêche d'élargir son cercle d'amis. Néanmoins il trouve la femme de sa vie et l'épouse... Cette dernière s'éteindra en 1974, lui laissant une fille adoptive qu'il évoque avec tendresse...

Souvenirs recueillis par H et R

 

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Illustration de Renée Ehrmann - 1945 ........................

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........................ Edition originale 1945 / Fonds Pléiade

........................ Couverture illustrée par Renée Ehrmann

Illustration de Renée Ehrmann pour l'ouvrage de Marie-Joseph BOPP, L'Alsace sous l'occupation allemande, paru en 1945

 

Rue Mercière, à Strasbourg, en novembre 1944 ( ci-dessus ) et en novembre 2004 ( ci-dessous )

Photo Pléiade Y. Clady copyright Novembre 2004

 

Novembre 2004, place Kléber, à STRASBOURG / Photo Pléiade Y. Clady copyright Novembre 2004

Galerie photos "LECLERC"

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