A
L I N E
Les dents de la
guerre...
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Après avoir
sonné et être montés au quatrième
étage d'un immeuble du quartier de la Robertsau, nous
avons été accueillis par une
bénévole des Petits
Frères de Pauvres, puis
nous avons fait connaissance avec
Madame A.T., née en 1917,
à Strasbourg même... Après nous avoir
dit que beaucoup de choses l'avaient marquée dans sa
vie, elle nous a donc fait part de ses souvenirs, en
particulier ceux remontant à la deuxième
guerre mondiale et ceux concernant sa famille.
En 1939, toute la ville de
Strasbourg fut évacuée... Mme A.T. se trouvait
alors à la frontière du port du Rhin. Tous les
habitants devaient partir avec trente kilos de bagages et se
rassembler à Bischheim. A ce moment, elle se
présenta comme bénévole à la
Croix Rouge pour transférer les gens dans des trains.
Elle et sa famille partirent en Dordogne... Le voyage en
train dura un mois, car il passait par Paris et d'autres
villes. Les adultes occupaient des wagons normaux et les
enfants des wagons à bestiaux. Bien que conscients de
la situation, les enfants parvenaient à jouer... Pour
assurer leur survie, l'Etat reversait tous les mois à
chaque évacué (enfant ou adulte) la somme de
dix francs.
En 1940, Aline prit la
décision de revenir avec sa famille à
Strasbourg. Un monsieur Juif l'avait prévenue que les
Allemands occupaient la ville. Elle lui répondit que,
s'il le pouvait, lui aussi y retournerait, mais elle eut
peur de l'avoir vexé et regrette encore aujourd'hui
ce qu'elle lui a dit.
Au même moment, les
troupes françaises se retiraient devant les
Allemands... Entretemps, Aline avait retrouvé son
frère dans une ferme de Dordogne où on le
soignait. Elle lui demanda ce qu'il faisait là, au
lieu de rester à Paris... Grâce à une
chance inouïe, celui-ci put rejoindre Strasbourg avec
sa famille. En cours de route, ils croisèrent les
trains qui allaient vers les camps de
concentration.
De retour en Alsace, la vie
reprit son cours : chacun se remit à travailler.
Petit à petit, la ville se repeuplait. Pendant quatre
ans, ils furent occupés par les Allemands : ils
étaient obligés de travailler avec eux. Aline
dut apprendre la sténographie allemande et travailla
dans des usines ou des magasins de confection
allemands.
En ce qui concerne son mari,
elle le rencontra à une fête, "la matinée dansante". Sa mère étant morte, les Allemands
l'enterrèrent au bord de la voie ferrée et
elle quitta la maison. Sa future belle-mère lui
proposa de s'installer chez elle...
Son futur beau-père se
remaria et sa seconde femme le rejoignit dans la même
maison. Comme il ne supportait plus sa belle-mère, le
compagnon d'Aline lui annonça qu'ils allaient se
marier, alors qu'ils vivaient ensemble depuis seulement un
an. Il espérait ne pas être
enrôlé...
En février 1943, alors
qu'elle venait de mettre au monde un enfant, on chercha son
mari : il était enrôlé de force du
côté allemand. Avant de partir, il dit à
sa femme : "Ne t'en fais pas, je
reviendrai". Cette phrase aida
Aline à tenir bon jusqu'à la fin de la guerre.
Pour pouvoir se nourrir, ainsi
que son enfant, elle confectionnait des tailleurs pour les
femmes de son quartier avec les costumes de soldats de leurs
époux et les échangeait contre de la
nourriture. Petit à petit, les femmes se promenaient
avec ces vêtements dans les rues.
En 45, elle entendit frapper
à la porte. Elle alla ouvrir en pensant que son
père lui rendait visite... et se retrouva face
à son mari. Elle n'en croyait pas ses yeux,
étant donné qu'elle avait reçu une
lettre l'informant qu'il était porté disparu.
Il lui avait envoyé des lettres qu'elle ne
reçut qu'après la guerre,
expédiées par le quartier
général.
C'est un de ses
meilleurs souvenirs, car son mari faisait partie de
ceux qui étaient revenus. Il était
rentré avec les Américains qu'il
avait ralliés, après avoir pris la
fuite du front allemand, en Italie, à la
bataille de Cassino... Le livre "Les Malgré-Nous" contient l'histoire de son mari, dont
l'auteur s'est inspiré : les
Américains, venus de Tunisie, avaient
débarqué à Tarente pour
remonter ensuite à Cassino. Il y avait
là des tranchées individuelles,
où les soldats, armés de grenades ou
de mitraillettes, recevaient de la nourriture.
Parfois, pendant une heure ou deux, les tirs
cessaient. Un jour, le mari d'Aline proposa
à trois de ses compagnons d'armes d'essayer
de s'enfuir à la fin de l'attaque
suivante.
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C'est ainsi qu'ils se rendirent
aux Américains qui les acceptèrent sans les
fusiller. Ils furent interrogés pour savoir s'ils
n'étaient pas des espions. Après s'être
assuré de leur statut, on les envoya dans des
hôpitaux de tout confort, où on leur donna des
vêtements...
Puis on leur proposa de
débarquer en France avec les Américains, sous
de faux noms, mais le mari d'Aline décida de garder
le sien. Finalement, ils débarquèrent non pas
en Normandie, mais à Saint-Tropez.
Après le
débarquement, le mari d'Aline eut l'autorisation du
quartier général de chercher sa femme pour
qu'elle soit en sécurité avec son enfant, en
cas de réoccupation. Grâce à eux, il fut
libéré des services de la guerre lorsqu'il
était en Autriche. De retour à Strasbourg, il
se remit à travailler dans la confection.
Pour conclure, cette bonne
heure passée ensemble nous a permis de rassembler
tous ces souvenirs évoquant la guerre, à
travers l'histoire de la famille de Mme A.T. ... Nous avons
pu ressentir la solitude et la tristesse qu'elle a
éprouvées lors de la guerre, mais au moins
elle a fait partie du petit nombre de personnes qui ont pu
revoir leurs familles ou leurs conjoints après la
guerre.
Souvenirs recueillis par L
et N
Raymond
...incorporé de
force...
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Raymond est né le 1er
Mai 1920 à Kirrwiller.
Son enfance est partagée
entre Strasbourg, lieu de résidence de ses parents, et sa
ville natale où il grandit encadré par ses
grands-parents, sa tante et son oncle. Ceux-ci l'accueillent
avec enthousiasme et affection, ses parents étant
fort occupés par leur travail.
De sa sixième à
sa septième année, il fréquente
l'école de Kirrwiller avant de
partir étudier à
l'école Schoepflin de Strasbourg jusqu'à l'âge de 12 ans.
N'ayant pas un fort penchant
pour les études, il entreprend un apprentissage
à l'entreprise SEEGMULLER,
spécialisée dans le
déménagement... Il y sera engagé par la
suite.
Le début de la
Seconde Guerre
mondiale entraîne une
succession de péripéties qui marquera
profondément sa vie. Dans un premier temps, il est
incorporé de force par l'armée allemande en
juin 40. Le 25 août 1942, il est engagé par le
Service du Travail Obligatoire
(STO) et doit ensuite faire une
préparation militaire en Suisse. Par la suite,
il reçoit une convocation de la Wehrmacht pour se
rendre à la caserne de Koenigshoffen. Pendant
deux semaines, il doit apprendre le maniement des armes.
Mais pendant cette période, la question
prédominante qui l'anime est de savoir ce qui
l'attend. Il part finalement pour la Russie où,
après trois mois de "classes", il doit monter au
front, à Leningrad... Il entend
alors pour la première fois les explosions des obus
et les rugissements des orgues de
Staline.
A partir de 1944, lors de la
retraite de l'armée allemande, il échappe par
miracle à un tir de tank russe.
Considéré comme disparu en Lettonie, il se rend en
Estonie
où, une nouvelle fois, il bénéficie
d'une chance inouïe en frôlant la mort sous une
pluie d'obus destinée à un convoi de wagons de
munitions, alors qu'il est affecté à la
réparation d'une ligne de chemin de fer.
La nuit du 8 au 9 mai 1945,
l'armée russe le fait prisonnier. C'est une
période de souffrances et de privations qu'il
évoque avec émotion. Il a du mal à
justifier sa nationalité française, à
cause de son nom à consonance germanique.
Enfin libéré, il
traverse Berlin en ruines, immense ville totalement
anéantie par les bombardements. Par la suite, il
essaye d'oublier les souvenirs de ces dures épreuves
en se plongeant dans diverses passions telles que
le Racing Club de
Strasbourg ( grande équipe
de football d'avant-guerre - et d'après... ), mais
surtout le cinéma dont il parle avec beaucoup de
passion...
Ce qu'il apprécie avant
tout dans le 7è art, c'est le jeu des
comédiens. Il fait part d'une admiration
débordante envers des acteurs tels que Pierre Fresnay
et Raimu. En évoquant sa passion pour le
cinéma, il oublie sa timidité. En effet,
celle-ci lui permet certainement de rêver à
plus d'assurance, en s'identifiant à certains
personnages des films qu'il voit... Mais malgré tous
ses efforts pour nouer de nouveaux liens, comme les cours de
danse qu'il suit avec assiduité, son manque de
confiance en lui l'empêche d'élargir son cercle
d'amis. Néanmoins il trouve la femme de sa vie et
l'épouse... Cette dernière s'éteindra
en 1974, lui laissant une fille adoptive qu'il évoque
avec tendresse...
Souvenirs recueillis par H
et R
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Illustration de Renée Ehrmann
- 1945 ........................
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Edition originale 1945
/ Fonds Pléiade
........................ Couverture illustrée
par Renée Ehrmann
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Illustration de
Renée Ehrmann
pour l'ouvrage de Marie-Joseph BOPP, L'Alsace
sous l'occupation
allemande, paru en
1945
Rue Mercière, à
Strasbourg, en novembre 1944 ( ci-dessus ) et
en novembre 2004 ( ci-dessous )
Photo Pléiade
Y. Clady copyright Novembre 2004
Novembre 2004, place Kléber,
à STRASBOURG / Photo
Pléiade Y. Clady
copyright Novembre 2004
Galerie photos
"LECLERC"
Exposition
sur l'Holocauste
( documents rapportés
des
Etats-Unis par la
Seconde
Columbus 2004-05
)
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