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L'élection d'un pape : le rituel

Jean-Paul II

Fiche technique

Conclave 2005

Angelo RONCALLI 1881 - 1963

Pastor et nauta Le Pasteur et le Nautonier

Election de Jean XXIII

1958 - 1963


Où l'on voit comment la jeune
Fée Electricité vole au secours de sa soeur aînée, la Fumée...

Extrait de Jean XXIII, curé du monde, par Pietro Ambrogiani, La Guilde chrétienne, 1959

"Un peu après 17 heures, le Mercredi 28 octobre 1958, un cri s'éleva place Saint-Pierre :

- Fuma ! Elle fume !

 

Il y avait encore peu de monde... (...) Instruits par l'expérience des trois journées précédentes, les Romains n'attendaient pas avant dix-huit heures la fumée de l'après-midi. Les journalistes découvriront que c'est un peintre en bâtiment, nommé Giuseppe Volpi, qui a, le premier, annoncé la fumée. La foule hésita un moment mais, quand sonna le quart de cinq heures à l'horloge de Saint-Pierre, elle se laissa gagner par l'émotion. Le doute n'était plus possible : pour la sixième fois, le Maître des Cérémonies brûlait les bulletins de vote dans le poêle de la Sixtine.

Avait-il, comme précédemment, ajouté au foyer de la paille humide ou de la poudre pour noircir la fumée en signe de scrutin négatif ? Nul ne pouvait le dire. Mais pour beaucoup, cela ne faisait pas de doute. Tous les regards étaient fixés sur la mince cheminée de la Sixtine, qui expulsait maintenant de petites volutes grises...

- Eccolo ! Eccolo ! criaient les assistants.

Mais la discussion habituelle sur la couleur s'arrêta brusquement : la petite fumée avait disparu.

Une fois de plus le Conclave venait de lancer aux Romains un de ces signaux de fumée indéchiffrables et irritants dont il semblait avoir le secret. Un journaliste du Tempo releva le propos d'un touriste :

-Il serait tellement plus simple de hisser un drapeau noir pour un scrutin négatif, blanc pour un positif. Pourquoi cette fumée équivoque et traîtresse ?

 
Mais cette proposition ne provoque que des sourires désapprobateurs.

Cela fait trois jours que les cardinaux sont murés dans les locaux du Conclave. L' Extra omnes - tout le monde dehors - a été prononcé le 25 octobre à seize heures, seize jours après la mort de Pie XII.

Le premier jour, samedi 25 octobre, la foule est restée longtemps sur la place Saint-Pierre avant de rentrer se coucher. (...)

Le dimanche matin, moment de grande intensité dramatique : à onze heures la première fumée - blanche - monte dans le ciel. La foule pousse des cris de joie, des mouchoirs s'agitent, des torches de papier s'allument... Mais aux cris de joie succède une grande rumeur de désapprobation : lentement mais sûrement, la fumée vire au gris, puis au noir...

Le dimanche après-midi, tout Rome vient jeter un coup d'oeil sur la cheminée de la Sixtine, grande vedette du jour.

Soudain, vers dix-huit heures, une nouvelle fumata sort - aussi blanche que celle de la matinée...

Rendue circonspecte par sa mésaventure, la foule, attentive, met quelque temps avant de manifester sa joie. Mais la fumée continue de sortir sans s'obscurcir de la mince cheminée noire...

De nouveau les mouchoirs tournoient, les papiers de couleur et les petites torches s'agitent. Mais la fumée, insensiblement, tourne au gris puis, soudain, après cinq minutes, brusquement, au noir... Une fois de plus, le peuple de Rome a été berné par sa Sixtine.

Le lundi, à la foule nerveuse, le Secrétaire du Conclave épargne l'épreuve du signal nègre-blanc. On saura plus tard qu'il a décidé maintenant d'utiliser des bougies fumigènes, donnant une fumée nettement obscure. Bien que n'ayant aucun contact avec l'extérieur ( l'utilisation d'un appareil de radio dans l'enceinte entraîne l'excommunication immédiate ), il a compris aux cris de joie, suivis des clameurs de déception, que la cheminée ne savait plus son rôle !

Le mardi matin, nouvelle fumée noire. Résignés, les Romains se donnent rendez-vous pour la fumée de l'après-midi. Celle-là, ils ne la manqueront pas. (...)

Voici qu'à dix-huit heures la Sixtine émet sa première bouffée de fumée grisâtre, celle-là même que le peintre Giuseppe Volpi, doté d'une vue perçante, est le premier à distinguer. Cela recommence ! Que penser ? Inquiets, nerveux, les Romains gardent les yeux fixés sur la Sixtine. Après quelques minutes, de nouvelles bouffées sortent de la cheminée : grises, indécises, aussitôt dissoutes dans l'air. La foule qui a grossi est silencieuse.

L'attente recommence. Comme chaque soir, au crépuscule, les deux fontaines s'illuminent. Mais c'est une autre lumière qui, inattendue, donne naissance à un énorme cri de joie : celle qui apparaît derrière la fenêtre de la loge de la Bénédiction. Un cri :

- E bianca ! ( Elle est blanche ! )

Et un autre :

- Nous avons un Pape !

Le même cri s'élève de la Via de la Conciliazione, des colonnades latérales brusquement noires de monde... Nous avons un Pape ! D'après certains observateurs, il y eut après cette explosion d'enthousiasme un nouveau moment de doute... Dans certains secteurs, les cris se seraient tus car, pendant trente ou quarante secondes, rien de nouveau ne vient confirmer la nouvelle : des sceptiques pensent sans doute que la fenêtre a pu s'éclairer par hasard...

Puis les regards se portent vers la fenêtre de la chambre du Maréchal, close par une palissade de bois, car elle communique avec les locaux du conclave. A droite de cette fenêtre obturée, une autre vient de s'illuminer et de s'ouvrir. La foule voit distinctement un groupe d'ecclésiastiques en noir et en blanc ( certains, à la jumelle, distinguent même les cornettes blanches des religieuses de Santa Marta ), agitant des mouchoirs. Tout ce groupe, sans le savoir, est déjà excommunié pour avoir adressé des signaux à la foule avant la fin du conclave. Avec indulgence, demain, le nouveau Pape lèvera la sanction.

Cette fois, le doute n'est plus possible. "Elle était blanche", "le Pape est fait".

Extrait d'un ouvrage de Pietro Ambrogiani, Jean XXIII, curé du monde, éd. de la Guilde chrétienne, 1959 ( pages7 à 10 )

Fumée n.f. Mélange de gaz, de vapeur d'eau et de particules plus ou moins ténues, qui se dégage des corps en combustion. Fig. Choses vaines : la fumée de la gloire. Au pluriel, excitation produite au cerveau par les boissons alcooliques : les fumées du vin - ou passion qui trouble l'âme : les fumées de l'orgueil.

Nouveau Petit Larousse illustré, "Je sème à tout vent" Librairie Larousse, Paris, 1946

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