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L'épreuve
Soundiata-Keïta, célèbre
empereur du Mali, fit venir tous les grands du pays et leur
dit : " J'ai
hérité de mon père." On lui répondit :
" cela est vrai,
mais avant d'être roi, regarde : il y a non loin du
village un baobab. Ton père n'a pu le faire tomber.
Ton grand-père n'a pu le faire tomber ; si tu le fais
tomber, toi, tu seras roi du Manding aux yeux de
tous."
Or, ce
baobab, chaque fois qu'on l'abattait, se
relevait aussitôt et recommençait à
vivre.
Soundiata-Keïta demanda :
" A qui appartient
ce baobab ?"
Tam-Diara-Fodé se leva et
répondit : "C'est à moi qu'appartient ce
baobab. En lui vit l'âme de mes
aïeux qui furent anciens parmi les anciens de Manding.
Et nul ne pourra faire tomber ce baobab. Il a été créé
par le Génie-Puissant pour régner sur la
Terre."
Tam-Diara-Fodé s'entretint un long
moment avec son baobab, dans une langue inconnue. Mais
déjà Soundiata s'était avancé
vers l'arbre. Et voici qu'il posa un de ses pieds sur
Tam-Diara-Fodé et l'autre sur le baobab. Ceci fait, il porta un coup rude à
l'arbre qui tomba, racines en l'air. Sa chute fut accueillie
par un long soupir des anciens. Tam-Diara-Fodé
commanda au baobab de se relever. Mais Soundiata, de son
côté, commandait au baobab de se coucher. Une mystérieuse
tendance naquit au sein du baobab, qui obéissait tantôt à
Tam-Diara-Fodé quand celui-ci parlait, tantôt
à Soundiata quand ce dernier commandait à son
tour. Et l'âme du baobab, sollicitée d'un côté
et de l'autre par deux volontés bien fortes,
forcée d'obéir à l'une et à
l'autre, faisait faire à l'arbre entier un lourd
mouvement d'oscillation qui était douloureux à
voir. Mais le baobab recevait une secousse plus forte quand la
voix de Soundiata éclatait. Quand il eut la
tête en bas et les racines en haut,
Tam-Diara-Fodé quitta l'espoir de lui redonner la
vie. Et, en effet, le baobab ne se releva jamais.
Abdoulage
SADJI (
L'Education
Africaine ).
Meilleurs
écrits de l'Union Française. Ed. de la Colombe.
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