Photo-dessin
Pléiade, Atelier 7, 2008 / Coll. "Pères
Blancs"
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Le
conte comme outil pédagogique
Synthèse issue de
Le conte
africain et l'éducation de Pierre N'Dak, (
L'Harmattan, 1984 ) ; ainsi que de l'article
Le conte
africain : l'univers de l'oralité dans
le système d'enseignement ,
article
de Paolo Belpassi, paru dans la Revue internationale de
l'éducation, Institut de l'UNESCO pour
l'éducation, volume 40, nos 3-5, 1994,
Hambourg.
« Les contes africains sont un fait de
civilisation, le reflet de valeurs
idéologiques, un mode d'expression et de
pensée, un art et une forme de
littérature. L'étude des contes peut
permettre de mieux comprendre le monde africain ,
sa vision de l'univers, de Dieu, de l'homme, des
êtres et des choses, de mieux
apprécier sa culture et sa
littérature ». Pierre Ndak, Le
conte africain et l'éducation,
L'Harmattan, 1984.
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* Le conte africain
Le conte africain est
d'abord une manifestation de la société
traditionnelle dans laquelle la communication orale est
privilégiée ; c'est un
phénomène d'oralité. Le conte
traditionnel est un jeu oral et un art de la parole. Il
tient à tous les genres littéraires ( le
récit, le théâtre, la poésie, la
chanson... ), ce qui explique, entre autres, sa richesse. Le
conte a besoin pour s'exprimer d'un bon narrateur, mais
aussi de la présence d'un auditoire actif.
Dans de nombreuses
sociétés, notamment africaines, des
veillées de contes ou encore des concours du meilleur
conteur sont souvent et traditionnellement organisés.
Elles ont lieu généralement la nuit, en toute
saison, parfois pour célébrer un
événement exceptionnel. Chez certains peuples,
les contes peuvent être utilisés, à la
manière de proverbes, au tribunal coutumier, pour
illustrer un propos ou donner une leçon de morale. Le
conte permet de comprendre les structures et les lois qui
régissent la société traditionnelle. Il
diffuse des valeurs, des concepts religieux et des tabous.
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Pléiade Atelier 7, 2008 / Coll. privée
Les contes africains
sont merveilleux : ils procèdent en fait d'une
mentalité animiste. Les hommes, les êtres
surnaturels ou les divinités sont montrés en
harmonie ; la vision du monde y est optimiste. Mais le
réalisme n'est pas pour autant exclu du conte :
"au contraire, l'un et l'autre
s'allie pour donner une image exacte du monde
négro-africain, dans lequel il n'y a d'ailleurs pas
rupture entre le réel et le
surréel."
D'autre part, le conte
renforce la cohésion du groupe, développe
l'esprit de solidarité. Il aide à
l'intégration sociale des jeunes dans le milieu
social. Il est aussi un facteur de continuité de la
tradition en transmettant le patrimoine culturel. Le conte
s'inscrit en fait dans une communauté, et il est
marqué par les valeurs et les codes qui la
caractérisent. Il est issu de la tradition
populaire : plusieurs des éléments du
conte appartiennent à la mémoire collective.
On a souvent dit qu'il était fait par et pour le
peuple. D'ailleurs pendant longtemps il n'avait pas
d'auteur : il appartenait à tous. Cet aspect
explique que le conte comporte généralement un
aspect moral, voire didactique. Il ne perd pas pour autant
sa fonction ludique : le conte divertit et amuse. Son
rôle social est de cimenter la communauté.
Ainsi pour Pierre Ndak, « Le conte africain
est étroitement lié à la pratique
sociale, toujours en relation avec la société
vivante », et « la séance de contes, comme une pièce
de théâtre, est une représentation des
drames de la vie sociale ».
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Pléiade Atelier 7, 2008 / Coll.
privée
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* Le
conteur
Alors qu'il existe des castes
de griots, de forgerons, il n'y a pas de castes de
conteurs. Conter n'est généralement pas une
profession. Les conteurs professionnels sont le plus souvent
des griots.
Le conteur doit
posséder de nombreuses qualités :
l'intelligence, la mémoire, la culture,
l'imagination, l'humour, la diction, l'art de la parole...
et bien entendu, être bon orateur et bon
comédien !
L'étude des
contes africains permet de dégager une certaine
conception de l'enfant, acteur principal d'une série
de contes africains, de restituer sa socialisation. D'autre
part, s'intéresser aux contes nous permet de mieux
comprendre l'importance du conte traditionnel dans
l'éducation africaine.
Photo Pléiade, Atelier 7,
2008 / Coll. privée
* Le conte traditionnel et
l'éducation africaine
Dans les
interprétations les plus courantes, les contes de la
tradition orale africaine constituent une source riche de
thèmes qui se prêtent à
l'éducation morale. A travers son article sur le
conte et l'éducation, le dessein de Paolo Belpassi
est de nous montrer comment ces textes, riches aux niveaux
linguistique, narratif et thématique, peuvent
être mis à profit dans le cadre d'un programme
pédagogique multiculturel :
« Je
crois fermement que les textes de narration orale africaine
sont utilisables de bien des façons et avec profit
dans le cadre de programmes scolaires authentiquement
multiculturels, à différents niveaux
d'instruction... ».
Ils offrent en effet aux
élèves une variété
inépuisable de narrations « structurées », et permettent une forme narrative
particulièrement vivante.
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Pour Paolo Belpassi,
« ... l'introduction
de ces contes à l'école, et pas seulement dans
les premières phases de la scolarisation, offre une
occasion précieuse d'expérimenter et de
pratiquer l'utilisation artistique de la parole, les
possibilités créatrices inépuisables du
langage- à un niveau à la fois expressif et
esthétique-, comme c'est le propre des cultures
orales... ».
Lorsque l'on parle
d'éducation, on pense spontanément à
l'enfant. Or, les enfants sont très présents
dans les contes africains. Ils y représentent
l'homme. Les récits dans lesquels ils interviennent
sont variés et les sujets très
divers.
Il existe différents
types d'enfants dans les contes africains : l'enfant
ordinaire, l'orphelin, l'enfant prodige, malin, le
« pianique », l'enfant
Dieu-donné, les jumeaux... Ces différents
« types » sont en réalité des
aspects différents de la figure de l'enfant.
Les thèmes des
contes ont tous un rapport étroit avec la
morale. Ils révèlent en effet
des valeurs auxquelles la société
traditionnelle tient beaucoup :
l'obéissance, la discrétion, le
respect des engagements et l'hospitalité, la
serviabilité, la justice, la reconnaissance,
la bonté, l'amour et par dessus tout
l'intelligence. Ces valeurs constituent le
fondement même de la morale africaine, une
morale sociale qui indique à chacun comment
vivre et se conduire pour son bonheur personnel et
celui de la société toute
entière. Comme on le voit, les contes, en
nous transposant dans un univers fantastique,
merveilleux, ne perdent rien de leur objectif
essentiel : l'éducation de l'enfant et
la formation de l'homme. Aussi pour Pierre
N'Dak, « la
pédagogie même du conte africain est
à intégrer dans le système
d'enseignement... le conte traditionnel, ce moyen
d'éducation efficace de la masse, et de
l'éducation en particulier, peut-être
encore d'un grand intérêt dans le
monde moderne s'il est exploité à bon
escient ».
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Pléiade Atelier 7, 2008 / Collection
"Pères Blancs"
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Le conte africain est
donc une valeur capitale. Il est tout d'abord un des modes
d'expression de la pensée africaine et un reflet de
la civilisation traditionnelle ; par ailleurs, il est
un moyen privilégié d'éducation , en
même temps qu'il est un art.
Il est finalement trois choses
à la fois : un jeu, une école
d'éducation et de formation, un centre
d'apprentissage de l'art de la parole. Le conte a ainsi une
double fonction : celle de divertir et celle
d'instruire.
Le conte
représente donc une école de formation et
d'éducation. Sur le plan moral, il dicte des
règles de conduite, il est "une source de lumière pour la conduite
personnelle dans la vie et l'intégration harmonieuse
dans le milieu social ."
Le principe éducatif du conte est celui de la
pédagogie moderne ; c'est à dire que pour
qu'une histoire intéresse l'enfant, elle doit
être amusante, éveiller sa curiosité et
stimuler son imagination ; le bon conteur doit
provoquer de l'intérêt et de la
motivation.
Sur le plan affectif, le
conte contribue à la formation de la
sensibilité. L'enfant, qui va sympathiser avec le
héros, s'identifie à lui.
« A cause de cette identification, l'enfant imagine
qu'il partage toutes les souffrances du héros (...),
qu'il triomphe avec lui au moment où la vertu
l'emporte sur le mal... »
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privée
Sur le plan du
développement intellectuel, les contes
présentent souvent des situations difficiles, et font
prendre conscience des difficultés de la vie. Or, le
héros qui s'en sort de façon intelligente
encourage les enfants à trouver des solutions
à leurs propres problèmes. Il a donc un impact
positif sur la personnalité de l'enfant et la
maturité de son esprit.
Sur le plan de la
connaissance, il est instructif. Il tente en effet
d'expliquer la cause de certains phénomènes de
la nature ou de moeurs chez les hommes.
Le conte tient une
grande place dans la vie quotidienne des africains. Pour
B.
Dadié, ils sont des
monuments, des musées, des plaques de
rue !
Ils relatent des
préoccupations de la vie de tous les jours :
stérilité, sécheresse, famine. Le
thème de l'initiation est aussi très
présent. Le conte est donc à la fois
réalisme et
merveilleux.
Sur le plan de l'inconscient
ou de l'inavoué, il peut permettre de régler
des tensions sociales ou idéologiques. En effet, le
conte traite souvent de conflits résolus. A travers
la critique des relations se dégage la portée
morale du conte.
Les
haricots de la vieille grand-mère
Photo Pléiade Atelier 7, 2008 / Coll.
privée
*
Le conte
traditionnel : un centre d'apprentissage de l'art de la
parole.
Beaucoup de contes n'existent
que sous forme orale. En Afrique, seuls
quelques uns sont passés à la
littérature. Or si la transcription écrite
peut remplacer peu à peu cet art, on se rend mieux
compte aujourd'hui de la perte immense de ce patrimoine dont
on ne connaît que peu de secrets.
Le conte a une fonction
esthétique. Il assure l'enseignement de la forme et
du style, la formation à l'art de la parole.
L'art de conter, les talents du conteur développent
chez l'auditeur le goût de bien s'exprimer, l'envie de
savoir manier le verbe.
Photo Pléiade, Atelier 7, 2008 / Coll.
privée
Déroulement d'une séance de
contes
*
La séance d'ouverture
* Une formule
introductive
* Le récit du conte
entrecoupé de chants
* La formule
finale.
Lors de la séance
d'ouverture, une ambiance de gaieté va peu à
peu s'installer, grâce à des devinettes ou des
chants. Parfois la séance de contes commence par une
leçon d'histoire et d'anatomie animale... Il est
important pour les enfants de connaître les animaux
puisque le conte en met en scène très
souvent.
Le narrateur a un rôle
important puisque même si la plupart des contes sont
connus, c'est à lui de les recréer. C'est son
habileté à manier la parole qui va
impressionner ! Il va chercher à séduire
l'auditoire.
Si le conteur cherche à
distraire, émerveiller, émouvoir, instruire,
il veut aussi briller, faire preuve d'éloquence, de
culture, d'intelligence et d'imagination. La dynamique du
conte repose en fait sur une sorte de compétition
inavouée entre les participants.
Le rôle de l'agent
rythmique est important. Par des interventions, des mots
d'étonnement, des réflexions provocatrices...
Il stimule le conteur et réveille l'attention de
l'auditoire. Lors de la séance, tout le monde peut en
fait intervenir.
Le récit est par
ailleurs entrecoupé par des chants qui sont
« un élément capital de la substance
poétique du conte ». Le chant
ponctue la progression du récit et il est bien
dommage qu'il soit généralement amputé
dans les traductions.
La séance se terminera
par une formule, comme par exemple celle-ci :
« Tel est
mon mensonge du soir ! Les contes sont des mensonges...
mais des mensonges qui disent la
vérité."
Espace-conte et
coin-lecture, Photo
Pléiade, Atelier 7, 2008 / Coll. privée
Le siège du
conteur... Photo Pléiade, Atelier 7, 2008
/ Collection privée
Photo
Pléiade Atelier 7, 2008 / Collection
"Pères Blancs"
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Au Mali, les Dogons
concluront par la formule,
« le conte
a répondu, il se tait » ; au Togo, chez les
Ewé, le conteur terminera en disant :
« c'est ce
qu'une vieille qui revenait du champ tout à
l'heure vient de me dire, et je vous le transmets
fidèlement... ».
Les
séances de conte permettent la libre
expression et la libre création.
Malheureusement, elles sont de plus en plus rares
dans les villages. Pourtant, le conte
intéresse toujours. Or c'est un fait qu'il a
une valeur morale, sociologique, philosophique et
esthétique. Il constitue un
élément riche du patrimoine culturel.
Un effort est fait dans la transcription et la
conservation des contes. Dans cette Afrique en
évolution rapide, il est tout à fait
probable que les séances de contes
disparaîtront mais le conte ne périra
pas ; il survivra grâce aux livres, aux
bandes sonores, grâce à la radio et
à la
télévision
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« Le conte
est la meilleure école traditionnelle de formation
à l'art de la parole », nous dit
Pierre Ndak. Or l'art de la parole fait partie
intégrante de l'éducation. Grâce
à cet art, les conteurs vont familiariser les enfants
avec un vocabulaire et des tournures
grammaticales.
« Ecole de style et
de langue, le conte contribue à maintenir le
trésor de la langue dans sa
pureté ».
Le conte enrichit donc la
langue et la pensée, il stimule la
créativité et développe
l'éloquence ! Il développe enfin
l'expression et ainsi parallèlement la communication.
Photo Pléiade, Atelier 7, 2008 / Coll.
privée
La
naissance de Samandari
Il était une fois
une femme enceinte ; lorsqu'elle fut à terme, du sein
de sa mère, l'enfant se mit à parler; «
Mère je veux
naître
». Sa mère lui
répond : « Non,
mon enfant, regarde. Je n'ai pas encore puisé de
l'eau ». Et l'enfant de
répondre : «
Oui, va puiser ; ensuite
tu te mettras à genoux pour que je
naisse
».
La mère va puiser et,
à son retour, l'enfant lui dit: « Il est temps:
Viens donc me mettre au monde
». « Non, mon enfant,
répond la mère,
vois, je n'ai pas encore
glané du bois ».
« Oui, c'est cela, va glaner
du bois, mais quand tu l'auras ramené, tu
t'agenouilleras afin de me mettre au
monde ».
Lorsque sa mère eut
ramené son bois, l'enfant lui dit:
"Mère, il est temps ;
viens le faire maintenant". La femme lui
répond qu'elle n'a pas encore fait sa cuisine,
qu'elle doit faire du feu, que son père va
bientôt rentrer, et l'enfant lui dit:
« Oui, va, fais tout cela et ensuite agenouille-toi
pour m'enfanter
». Lorsqu'elle a tout
terminé, l'enfant, du sein de sa mère, se
remet à parler: «
Maintenant c'est fini, toutes affaires cessantes, tu vas
devoir m'enfanter ». La
parturiente alors s'agenouille et le met au monde ;
aussitôt après l'enfantement, son fils lui
demande où est son père ; cependant gourme et
duvet étaient encore sur sa tête ; il dit
à sa mère: «
Maman donne moi la nourriture que
je dois porter à mon père au
pâturage ». Sa
mère la lui donne et il s'en va. Lorsqu'il arrive
près de son père, celui-ci s'étonne
grandement à la vue d'un être humain aussi
jeune qui lui apporte à manger ; au vrai, il eut
grand peur se disant que c'était là un
fantôme qui vient à sa rencontre.
Aussitôt arrivé, il lui souhaite directement le
bonsoir - ce qui ne fit qu'accroître sa peur - et il
lui dit: « Voici ce que
je t'amène; mange, je t'en prie ».
Synthèse issue d'un article de Le
Novateur, (n°5, décembre 1997)
Chasseur dans
la savane... Photo-pochoir
Pléiade, Atelier 7, 2008 / Collection "Pères
Blancs"
Apports
pédagogiques du conte
Dans une classe de CP de
Bikoundjib, l'utilisation d'un petit album de contes
intitulé « Myriam et la Papaye verte » aurait produit des miracles... Beau et
coloré, il est fait de feuilles épaisses dont
les pages portent une écriture aux caractères
grand format. Les images de l'album retiennent l'attention
des enfants et excitent leur imagination.
Travailler à partir de
contes s'inscrit bien dans la logique du MOUVEN,
Mouvement des Enseignants
Novateurs, qui cherche avant
tout à éveiller l'attention de l'enfant,
à lui donner la parole et à l'amener à
participer à l'élaboration de son propre
savoir. Devant son échec l'enfant doit se remettre en
cause et se reprendre. C'est en tout cas dans cette optique
que l'enseignant de cette classe de CP proposa à ses
élèves de choisir un conte qui leur faisait
plaisir.
Une lecture à haute
voix permit aux enfants de comprendre que des
événements s'enchaînaient, que
c'était un conte puis un texte. Après avoir
posé des questions sur des parties mal comprises, les
enfants reprirent oralement et à leur manière
le récit du conte. Par petits groupes, ils
reproduisirent ensuite les illustrations du conte (
la famille de Mariam, la
petite fille cueillant la papaye... ).
L'enseignant a ainsi pu,
à partir de cet album, traiter des leçons de
langage (introduire des mots tels que famille, frère,
mère... ), permettre un
apprentissage de la lecture et de l'écriture (
introduction des lettres m et
p ). Le travail a d'autre part introduit un cours de
dessin.
Mais surtout, le conte a
permis de faire travailler l'imagination des enfants,
d'éveiller leur attention et leur curiosité.
En outre les enfants ont montré beaucoup de
motivation pour les travaux réalisés à
partir du conte.
Photo Pléiade, Atelier 7, 2008 / Coll.
privée
Créer des livres de
contes
Synthèse
réalisée à partir de l'article de
Yasuko Nagai, « Papouasie,
Nouvelle-Guinée: révélation de talents
cachés. Des gens qui n'ont jamais écrit dans
leur langue maternelle font des livres de
contes », paru
dans Alphabétisation et cultures
orales, EDUCATION DES ADULTES
ET DEVELOPPEMENT.
Cet article montre
comment une petite communauté de Papouasie
Nouvelle-Guinée a
réussi à créer des livres de contes. En
tant qu'enseignante linguiste et consultante en
alphabétisation, Yasuko
Nagai a voulu aider les
Maiwala à mettre en place une maternelle
vernaculaire. Au début, les gens croyaient qu'elle
écrirait des livres à leur place, comme cela
avait été fait dans le passé.
Cet article décrit
également le processus de
développement de la confiance en soi qui
s'est opéré chez les enseignants
autochtones. Ils ont pris conscience de la richesse
de leur savoir, de leur aptitude à
écrire des livres de contes et à
mettre en place des programmes scolaires, des
méthodes pédagogiques adaptés
à leur culture. Les Maiwala ont
utilisé des éléments
traditionnels, le chant et la danse par exemple,
pour créer des livres de contes originaux.
La
Papouasie
Nouvelle-Guinée (PNG) est une
île du Pacifique Sud. C'est une nation très
diversifiée au niveau géographique,
linguistique et culturel. Les dialectes y sont
très nombreux et varient d'une
communauté à l'autre :
3 600 000 personnes
réparties sur un territoire de 462 840 km2
seulement parlent plus de 860 langues vernaculaires
et dialectes (Office gouvernemental d'information
de PNG, 1980).
A l'origine les
peuples de Papouasie
Nouvelle-Guinée possédaient leur propre
système éducatif traditionnel, qui
permettait à chaque enfant d'acquérir
sa propre confiance en soi avec les connaissances
nécessaires dans un environnement familier.
Mais les missions, dans les années 1870 et
1880, y introduisirent l'éducation
occidentale, consolidée plus tard par les
administrateurs coloniaux. Or, cela entraîna
l'éloignement des enfants de la vie
communautaire.
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Taillé dans le bois, l'homme de
la forêt...
Photo Pléiade, Atelier 7, 2008 /
Collection "Pères Blancs"
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Yasuko Nagai fut
mutée en 1989 à Maiwala.
L'idée d'un enseignement en langue locale laissait au
départ les populations sceptiques car elles avaient
été habituées à parler
uniquement en anglais, mais la langue locale fut finalement
adoptée.
Ci-contre, photo Pléiade, Atelier 7, 2008 /
Coll. privée
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Elaboration
du programme en Maiwala
Yasuko montra aux
populations un grand livre de contes qu'elle avait
confectionné dans une langue locale apparentée
au Maiwala. De là vint l'idée d'écrire
des histoires en langue locale. Le Maiwala n'ayant
jamais été écrit auparavant, la
première chose à faire était donc
d'inventer une orthographe. Les participants avaient une
idée bien précise de la façon dont ils
voulaient écrire leur langue. Leur connaissance en
anglais les aida dans cette tâche.
Ils fouillèrent les
légendes locales et tentèrent de se souvenir
de leurs expériences et de leurs rêves
d'enfants. Les histoires étaient intéressantes
et créèrent de l'enthousiasme. Il était
cependant difficile de les exprimer par écrit. Chacun
pensait, écrivait, rédigeait, illustrait... Ce
fut un excellent travail d'équipe...
Certains firent alors preuve
de beaucoup de créativité. L'invention
d'histoires leur permit d'élaborer un programme et de
former le personnel. Ils écrivaient leurs histoires
dans l'esprit de leur environnement local. Les enseignants
comprirent peu à peu la nécessité de
faire de l'apprentissage scolaire un processus plus naturel
et plus agréable, comme à la maison.
Au cours des deux
années qui suivirent, les enseignantes de
Maiwala, avec l'aide de Yasuko, permirent
à l'école de se rapprocher de la
communauté grâce à l'usage de la langue
locale. Toutefois il y avait encore un fossé entre
l'école et le quotidien de la communauté. Ses
membres prirent de plus en plus conscience du rôle
actif qui leur incombait s'ils voulaient résoudre le
problème de l'aliénation des enfants.
En 1998, Yasuko revint
à Malaiwa. Avec l'aide
de deux autres enseignantes, elle eut beaucoup
d'idées pour créer à nouveau des livres
de contes... Il y eut un livre de contes intitulé
Ainaga ( le tam tam
Kundu ). R. en était
l'auteur, elle s'inspirait de ce qu'elle avait vécu
pour faire renaître les danses Maiwala.
Photo Pléiade, Atelier 7, 2008 / Collection
"Pères Blancs"
Le
tam-tam Kundu
On retrouve dans le
conte des éléments de la vie quotidienne, la
vie en société, son organisation, sa
hiérarchie, ses cérémonies ou ses
rites... Il est un élément très
important du patrimoine culturel, un reflet de la
civilisation dont il émane... Or, le conte a une
portée pédagogique évidente : sa
raison d'être est de transmettre un
enseignement ! Tous les travaux à partir du
conte sont permis... Il est en outre un mode d'expression
total, il se prête facilement à
l'interdisciplinarité et permet des activités
qui ouvrent le cadre strictement scolaire. Le conte est une
matière vivante qui grâce à son pouvoir
attrayant et amusant entraîne une grande
motivation ! Moyen de communication, support
pédagogique, il est un outil précieux qui
permet la créativité personnelle et place
l'enfant au coeur de l'acquisition des connaissances.
Photo Pléiade, Atelier 7, 2008 /
Collection "Pères Blancs"
Travail réalisé
par Chr. de M. (étudiante stagiaire)
sous le pilotage du
Centre de Ressources
Documentaires - mai 2000 /
Hambourg
Lire
l'intégralité de l'article LE
CONTE, VECTEUR DE SENSIBILISATION
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