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. Le renom d'
Hippodamos tient au simple fait - lourd de
conséquences - qu'il soumet à la loi
géométrique le dessin même de
la ville, l'agencement de ses rues, la forme de ses
places, les volumes de son habitat... et la vie
quotidienne des citadins ! Ici, les angles et les
lignes droites ne relèvent plus d'une
symbolique religieuse mais s'inscrivent dans
l'ordre de la rationalité : gloire aux
mathématiques humaines, plus
compréhensibles et maîtrisables que
les calculs des dieux ... Ici, l'homme
"s'émancipe" ... En fait, la ville,
désacralisée à grands coups
d'angles droits, devient un système
"organisé", où
liberté rime avec uniformité. De nos
jours encore, New-York et Sarcelles, parmi bien
d'autres cités, reproduisent ce
plan
orthogonal ...
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L'utopiste Hippodamos est à la fois
architecte et urbaniste, sociologue et
théoricien politique... Il rêve d'une
cité composée d'artisans,
d'agriculteurs et de soldats... Après lui,
la double fonction d'architecte et d'utopiste
nourrira les rêves de Campanella, Cabet,
Thomas More et Charles Fourier. Ils imaginent tous
des cités "bien construites", où les
hommes sont égaux et la
société "parfaite". Or, sur ce terrain de l'ambition
humaine, Dieu a déjà eu l'occasion de
préciser son point de vue : en condamnant la
tour de Babel, symbole mythique de l'orgueil,
"Celui-qui-écrit-droit-avec-des-lignes-courbes" a clairement
manifesté son rejet de l'utopie... Ce
constat nous ramène au quartier juif de
Jérusalem-Est...
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A Jérusalem, capitale des trois
monothéismes, la référence
à Dieu et aux traditions religieuses reste
au centre des modes de vie, quelles qu'en soient
les formes d'expression ... Il n'est donc
guère étonnant qu'en ce lieu
l'architecte d'un nouveau quartier urbain
destiné à héberger une
population fortement attachée à ses
croyances et à ses traditions ancestrales
"ignore" le plan orthogonal et
dédaigne le rêve utopiste d'un
urbanisme qui, rompant avec tout héritage,
soumet en outre la cité à la seule
logique humaine et se permet du même coup de
renvoyer Dieu à son domaine
réservé : le "Ciel"... Au XXè
siècle de notre ère, les concepteurs
du "nouveau" quartier juif de la Vieille Ville de
Jérusalem innovent donc sans divorcer,
"inventent" sans faire table rase,
renouvellent le patrimoine pour l'enrichir sans le
trahir, insufflent à la pierre un esprit
dont la nouveauté s'enracine dans le terreau
de la mémoire... Y.C.
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