Semaine

du Lundi 4 mai au

Dimanche 10 mai

2009

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Photos et montages Pléiade Atelier 7 / Jérusalem 2000 - Strasbourg 2009

 

 

Architextures, formes et volumes de la Cité idéale

nouveau quartier juif de Jérusalem


Quand on nous parle de "villes nouvelles", de "nouveaux quartiers", quand on nous sert le discours de l'innovation architecturale ou de l'audace urbanistique, il est rare - sauf ignorance surprenante - que ne soient pas évoquées l'imagination des grands utopistes de l'humanité et quelques unes de leurs réalisations, celles qui ne sont pas restées à l'état de "simples" plans sur le papier - tant il est vrai que, jusqu'à nos jours, la fonction d'utopiste a toujours intégré les compétences de l'architecte et celles de l'urbaniste, tous deux chargés d'aménager, d'organiser l'habitat et son environnement, la "résidence" humaine... Y.C.

 

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Le "nouveau" quartier juif, à Jérusalem-Est, affiche d'emblée un étonnant modernisme qui a su respecter l'environnement de la Vieille Ville... Ayant été complètement détruit par la Légion arabe au cours de la guerre de 1948, il a été rénové à la fin des années 60, après la réunification de la ville sous le drapeau israélien. Ce quartier domine l'esplanade du Mur Occidental (
Kotel en hébreu ), que les chrétiens appellent « Mur des Lamentations » ...

La beauté de Jérusalem a la clarté et l'étrangeté des rochers qui l'entourent. Sa couleur est celle de la pierre calcaire du pays. De nos jours encore, cette harmonie est préservée car l'utilisation du calcaire est obligatoire pour toutes les réparations et toutes les constructions neuves. La réussite architecturale du nouveau quartier juif est en partie liée à ce choix. La géométrie des ombres portées, au gré de la course du soleil, sur les sobres façades des immeubles modernes rivalise avec l'éclat cru et laiteux de la pierre du pays, que la lumière plus chaleureuse du couchant vient adoucir en y répandant la teinte chatoyante et dorée du miel... Le bleu du ciel, entrevu çà et là, semble lui-même découpé par les courbes et les droites d'une architecture qui marie avec bonheur la diversité des formes et le style traditionnel, mais renouvelé, des constructions de la Vieille Ville, toute en dômes et en terrasses...

Il ne reste qu'à laisser la végétation investir les espaces disponibles et courir le long des murs percés de fenêtres parfois rares, souvent étroites, pour compléter ce tableau à la tonalité proprement orientale ... ( cf. La Pierre qui fleurit ). Y.C.

 


Le piéton de Jérusalem franchit insensiblement les frontières invisibles qui partagent la Vieille Ville en quatre secteurs "confessionnels"... Que l'on vienne du quartier chrétien ou du quartier arménien, l'accès au quartier juif est essentiellement marqué par un certain renouveau du tableau urbain et de sa géographie... La clarté d'une pierre plus récente ou "rajeunie"et les lignes novatrices d'une tradition revisitée intriguent, éveillent, interrogent le visiteur, qui prend peu à peu conscience d'avoir changé de "territoire", dépassé une limite imperceptible, investi un nouvel espace socioculturel... Dans l'apparente fantaisie de ses ramifications comme dans la forte physionomie de son habitat, cette partie reconstruite de l'antique cité est riche d'un héritage irriguant l'innovation à longueur de ruelles enchevêtrées, à grandes volées d'escaliers plus ou moins dérobés, qui tantôt débouchent sur l'intimité verdoyante des cours, terrasses, placettes et autres recoins, tantôt s'engouffrent dans l'énigme de ces sombres passages voûtés où "le pavé rampe" sous les bâtisses...
Y.C.

 


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Ville austère et silencieuse. On se perd dans un labyrinthe de ruelles étroites. Elles montent et descendent en zigzag, entre des maisons hautes où les fenêtres sont des trous, des lucarnes barrées ou des judas. Les pierres romaines s'encastrent dans ces murs avec les pierres chrétiennes et musulmanes. On a démoli souvent, mais on a rebâti avec les ruines, dans le même style de poterne et de forteresse. A chaque instant des passages où le pavé rampe sous les maisons."................

Edouard Schuré, Sanctuaires d'Orient, Livre IV ... 1898


 

La propreté des lieux, l'harmonie du paysage architectural, l'originalité de cette écriture de pierre dont le style surprenant n'en arbore pas moins le petit air familier du "déjà vu", jusqu'à l'atmosphère feutrée de ce labyrinthe minéral - tout concourt au calme et à la sérénité, même si, çà et là, quelque vague soupçon d'inquiétude affleure aux abords d'une fenêtre grillagée ou d'une porte blindée dont les verrous ne dépareraient pas la Citadelle de David... Y.C.



Loin de l'uniformité des tours sans âme et des barres en béton qui placent "haut" la barre de la laideur et de l'absurde, les maisons du quartier juif de Jérusalem, à taille humaine, alignent avec harmonie des formes variées, des volumes diversifiés, des visages aux traits originaux mais au tracé proche : à chaque maison sa personnalité, qui souscrit cependant, dans sa modernité même, aux exigences d'un style millénaire, d'une culture partagée, d'un patrimoine commun... Souplesse et faculté d'adaptation d'un habitat capable d'évoluer sans trahir ses origines...
Y.C.

 

La Chambre Haute

 


POINT DE VUE : "
Les maisons de Jérusalem sont de lourdes masses carrées, fort basses, sans cheminées et sans fenêtres ; elles se terminent en terrasses aplaties ou en dômes et elles ressemblent à des prisons ou à des sépulcres. Tout serait à l'oeil d'un niveau égal, si les clochers des églises, les minarets des mosquées, les cimes de quelques cyprès et les buissons de nopals ne rompaient l'uniformité du plan. A la vue de ces maisons de pierres, renfermées dans un paysage de pierres, on se demande si ce ne sont pas là les monuments confus d'un cimetière au milieu d'un désert ? "...

Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem... 1811


 

 

 

 

 

Les marches du Palais

 

 

 

 

 


Le "nouveau" quartier juif, à Jérusalem-Est, que nous arpentons en touristes songeurs, s'oppose foncièrement aux urbanismes de l' utopie, car cette dernière rompt avec toute tradition et rejette tout héritage... La conception esthétique des "cités radieuses" est radicalement - tragiquement - "nouvelle", en ce sens qu'elle est le lieu d'une double rupture, absolue, avec le passé et avec le désordre apparent de la nature... avec tout ce qui peut rappeler, de près ou de loin, le chaos originel de la formation du monde... Dans la Grèce du Vè siècle, un esprit savant, pour échafauder ses rêves urbains, ne retient de la nature que son champ le plus élevé : le "cosmos" ( en grec : "arrangement " ), son ordre et ses lois, opposés au désordre somptueux des cités orientales dont se rapproche pourtant cette agglomération bâtie de guingois qui, sous le nom d'Athènes, étale aux pieds du Parthénon son inextricable lacis de ruelles, sa prolifération sylvestre, son urbanisme "végétal" lié aux nécessités du lieu... Il en va de même à Jérusalem, dont la disposition épouse la topographie locale, ses bosses et ses creux, ses collines et ses vallons... De là le courant tourmenté de ces ruelles qui, dans la Vieille Ville, notamment dans son "nouveau" quartier juif, montent, descendent, serpentent... improbables sentiers urbains ... Y.C.


 

 

 


Pour mieux saisir la réalité du quartier juif de Jérusalem-Est, établir clairement son identité, définir avec justesse ses caractéristiques et cerner au mieux son originalité,

on peut procéder par comparaison ou plutôt par opposition en évoquant d'autres entités urbaines fondées sur des principes différents...

Par exemple, en 494, le grec Hippodamos, citoyen de Milet, projette de reconstruire sa ville, totalement détruite par les armées de Darius, roi des Perses ... Cette initiative n'a, en soi, rien d'inédit ... Bien des villes, détruites et reconstruites au fil de notre histoire guerrière, empilées les unes sur les autres, ont connu le sort de Milet... Les archéologues n'ont-ils pas dénombré sept villes de Troie ? ... Pourtant, le projet d' Hippodamos échappe à la tradition : notre architecte ne veut pas se limiter à rebâtir la ville ... Il innove en instaurant un nouveau modèle urbain : il crée la "ville en damier", la ville orthogonale, faite de rues identiques et se coupant "à angle droit". Dans sa Politique, Aristote présente ainsi la reconstruction de Milet : " Hippodamos, fils d'Euryphon, citoyen de Milet, celui qui inventa le tracé géométrique des villes... " En fait, le plan en damier existait avant Hippodamos. Quand Hérodote décrit Babylone, il parle d'avenues perpendiculaires les unes aux autres. Les figures géométriques, tant circulaires que rectangulaires, abondent dans les édifices, temples ou monuments des civilisations orientales. Mais alors, à quoi tient l'originalité d' Hippodamos ? D'où lui vient cette réputation de premier utopiste (connu) de l'Histoire ? ...

 

 

 

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.. Le renom d' Hippodamos tient au simple fait - lourd de conséquences - qu'il soumet à la loi géométrique le dessin même de la ville, l'agencement de ses rues, la forme de ses places, les volumes de son habitat... et la vie quotidienne des citadins ! Ici, les angles et les lignes droites ne relèvent plus d'une symbolique religieuse mais s'inscrivent dans l'ordre de la rationalité : gloire aux mathématiques humaines, plus compréhensibles et maîtrisables que les calculs des dieux ... Ici, l'homme "s'émancipe" ... En fait, la ville, désacralisée à grands coups d'angles droits, devient un système "organisé", où liberté rime avec uniformité. De nos jours encore, New-York et Sarcelles, parmi bien d'autres cités, reproduisent ce plan orthogonal ...

 

 


L'utopiste Hippodamos est à la fois architecte et urbaniste, sociologue et théoricien politique... Il rêve d'une cité composée d'artisans, d'agriculteurs et de soldats... Après lui, la double fonction d'architecte et d'utopiste nourrira les rêves de Campanella, Cabet, Thomas More et Charles Fourier. Ils imaginent tous des cités "bien construites", où les hommes sont égaux et la société "
parfaite". Or, sur ce terrain de l'ambition humaine, Dieu a déjà eu l'occasion de préciser son point de vue : en condamnant la tour de Babel, symbole mythique de l'orgueil, "Celui-qui-écrit-droit-avec-des-lignes-courbes" a clairement manifesté son rejet de l'utopie... Ce constat nous ramène au quartier juif de Jérusalem-Est...

 

 

 


A Jérusalem, capitale des trois monothéismes, la référence à Dieu et aux traditions religieuses reste au centre des modes de vie, quelles qu'en soient les formes d'expression ... Il n'est donc guère étonnant qu'en ce lieu l'architecte d'un nouveau quartier urbain destiné à héberger une population fortement attachée à ses croyances et à ses traditions ancestrales "
ignore" le plan orthogonal et dédaigne le rêve utopiste d'un urbanisme qui, rompant avec tout héritage, soumet en outre la cité à la seule logique humaine et se permet du même coup de renvoyer Dieu à son domaine réservé : le "Ciel"... Au XXè siècle de notre ère, les concepteurs du "nouveau" quartier juif de la Vieille Ville de Jérusalem innovent donc sans divorcer, "inventent" sans faire table rase, renouvellent le patrimoine pour l'enrichir sans le trahir, insufflent à la pierre un esprit dont la nouveauté s'enracine dans le terreau de la mémoire... Y.C.


 

 

 

 

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Vers la Pierre qui fleurit

Yves Clady © Copyright 1998 - 2009


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