Suite...

 

Avez-vous vécu ce que vous écrivez ?

"Bonjour, monsieur. Tout d'abord, je vous remercie d'être venu à cette conférence.

- Merci à vous de m'avoir invité !

- Durant ces vingt prochaines minutes, nous allons essayer d'éclaircir quelques points sur vos livres, notamment ceux que vous avez écrits sur l'Amérique.

- Euh, allons au coeur du sujet, je vous prie.

- Bien. Certaines personnes, des philosophes entre autres, pensent que vous avez tout inventé, que vous n'êtes jamais allé en Amérique. Est-ce vrai ?

- Non, bien sûr que non ! Pendant une période de ma vie, je suis bien allé en Terre-Neuve et, à travers mes écrits, j'ai relaté la vie de plusieurs hommes. Oseriez-vous contredire les témoignages d'hommes d'Eglise qui ont voyagé avec moi de Saint-Malo à Baltimore ?

- Non, bien sûr que non ! Mais est-ce vous qui avez vécu ce que vous écrivez ou s'agit-il de la vie d'autres hommes ?

- Certains passages sont issus d'une expérience personnelle tandis que d'autres relatent des faits dont je ne suis pas le principal acteur.

- Vous avouez alors ne pas avoir vécu tout ce que vous avez écrit. Vous avouez avoir transcrit des faits racontés par des américains qui, d'ailleurs, ne sont peut-être pas tous vrais.

- Oui, mais là n'est pas la question ! Je suis bel et bien allé en Terre-Neuve !

- Certains philosophes disent que vous avez cru aller aux Etats-Unis alors qu'en fait vous êtes resté en France...

- Que ceux qui prétendent cela osent me le dire en face ! A l'aide de quels arguments soutiennent-ils leur thèse ? Allez, dites-le moi !...

- Je ne sais pas, mon métier n'est pas de vous juger... J'ai rassemblé divers témoignages et...

- Pouvez-vous alors m'expliquer ce que ces "philosophes", qui s'estiment à même de juger quelqu'un, me reprochent ?

- Ils vous reprochent le manque de précisions dans vos descriptions !

- Un proverbe dit : " ceux qui prêchent, prêchent par excès et non par défaut ". Or, on me reproche le manque de détails et non l'abondance de mes descriptions !

- Dans certains de vos livres, comme ATALA, vous semblez obscurcir certaines étapes de votre vie. Pourquoi procéder ainsi ?

- Pourquoi croyez-vous que certaines personnes s'intéressent à moi ? C'est tout simplement parce que j'ai une part de mystère en moi que je ne veux pas révéler...

- Vous insinuez donc que vous voilez volontairement certaines étapes de votre vie ?

- Seul Dieu le sait !

- Dans tous les cas, je vous remercie pour cette interview !

- De rien !... Au revoir !

- Au revoir."

Antoine B.

 

 

La hache de guerre...

A son retour d'un long et rude voyage en Amérique, Chateaubriand annonce dans un journal français la sortie de son prochain livre, Atala. Ainsi, le lendemain, un journaliste vient l'interviewer...

  << Bonjour Monsieur, une rumeur suggère que vous n'êtiez pas en Amérique. Pouvez-vous vous défendre face à cela ? Qu'avez-vous vu là-bas ?

- J'ai ici un document remis par le Président américain lui-même, avec sa signature. J'ai donc visité la Maison Blanche, navigué sur le Mississippi, vécu avec les indiens, passé par les magnifiques plages de Floride et traversé les chutes du Niagarra pour aller voir le Mexique et le lac Titicaca, en Amérique du sud...>>

     Avec cette déclaration, le journaliste était un peu plus persuadé de la réalité de ce voyage, mais il s'obstinait toujours à évoquer cette rumeur :

<< Ainsi, vous seriez allé en Amérique... Mais ne serait-ce pas vous qui avez écrit cette lettre du Président avec une fausse signature? Qui me dit que cela est vrai ? Ne serait-ce pas une image puisée dans d'autres livres ?

- Non, vous n'y êtes pas : j'ai ici encore le billet du bateau qui m'y a amené. Pourquoi devrais-je acheter des billets pour ne pas les utiliser? Puis les autres auteurs sont de vulgaires écrivains. Pourquoi devrais-je les piller ?... >>

     Ainsi l'intervieweur le crut et ils commencèrent à parler de son voyage:

<< Combien de temps êtez-vous resté là-bas ? Quelles ont été vos plus belles rencontres lors de votre voyage ?

- Je suis parti pendant six mois, durant lesquels j'ai pu rencontrer le Président, mais j'ai aussi pu vivre avec des indiens. >>

Mais l'intervieweur, ignorant que les indiens étaient en paix et qu'un homme blanc aurait pu vivre avec eux, crut qu'il inventait cette histoire. Alors Chateaubriand sortit de son sac un journal évoquant la paix entre les indiens et les blancs et déclara qu'ils avaient enterré la hache de guerre. Ainsi le journaliste, ayant assez de renseignements pour son article, le salua en s'en alla.

Sébastien

 

 

"Le poète avait vaincu le voyageur "...

Lors de mes nombreux passages à la bibliothèque, je tombai sur un récit de Chateaubriand. Dans ce nouveau livre du voyageur François René, je découvris plusieurs facettes inédites du « Nouveau Monde ». L'Amérique, terre inconnue, me fascinait. C'est un goût prononcé pour l'aventure, la découverte de l'inconnu qui me poussa à parcourir ce livre. Me vint alors l'idée d'interviewer son auteur. Je voulais éclaircir quelques points imprécis, d'abord sur les paysages américains, ensuite sur ces héros, les Natchez, "hommes libres de la nature", et enfin sur les victimes françaises des affrontements avec les indiens.

Plus tard, dans un quartier d'Orléans, je rencontrai enfin l'écrivain

« Bonjour, Mr. de Chateaubriand, dis-je en lui serrant la main.

BonjourÉMonsieur ? demanda-t-il, curieux.

Monsieur de Staulant. Je suis journaliste.

- Que me vaut l'honneur de votre visite, monsieur ?

- C'est au sujet de votre livre : j'aimerais, si cela ne vous dérange pas, vous poser quelques questions.

- Mais je vous en prie. Entrez. »

Apparemment ravi de ma visite, il m'introduisit dans un petit salon fort avenant.

« De quel ouvrage s'agit-il ?, demanda l'homme intéressé.

Il s'agit de celui concernant votre épopée en Amérique.

Je vous écoute.

Bien. Tout d'abord, en découvrant votre description des lieux, de la botanique, des couleurs dominantes, je me demandais simplement si tout ce spectacle vous était réellement connu.

Evidemment. Cela ne fait aucun doute. Etant soldat, je devais faire ce voyage afin de contribuer à rétablir l'ordre dans la colonie française de Louisiane.

- Je ne pense pas que votre réponse va convaincre le journaliste que je suis. De plus, il semblerait que votre périple passe par l'Ohio, le Mississipi, et les terres de Floride. N'est-ce pas un itinéraire impossible, si l'on tient compte du peu de temps dont vous disposiez ?

J'admets ne pas être passé par tous les lieux dont vous parlez. Pour les décrire, j'ai dû emprunter un peu à un autre récit, répondit l'homme légèrement déstabilisé.

- Effectivement, Joseph Bédier, dans ses articles critiques, mentionne vos sources. »

Chateaubriand ne sachant pas quoi répondre, je décidai tout de même de continuer mon interview :

« J'ai également une question concernant les mÏurs des « hommes libres » dont vous parlez, dis-je rapidement. Comment, en cinq mois, avez-vous pu étudier si précisément l'histoire de ces indiens et de leurs coutumes ? Surtout, la manière dont vous en parlez est étrangement semblable au style d'un de vos autres livres, Atala par exemple, remarquai-je.

-        JeÉJe reconnais également avoir repris beaucoup d'éléments de mon récit onirique intitulé Atala, balbutia Chateaubriand. Mais cela ne veut pas dire que ce que j'ai écrit sur les Natchez est faux, dit-il précipitamment.

-        Je ne dis pas le contraire, monsieur de Chateaubriand. J'ai également vérifié tout cela dans les rapports des précédentes expéditions militaires. Ce que vous auriez très bien pu faire avec votre statut de soldat », dis-je perplexe.

Un long silence s'installa dans le petite pièce. L'écrivain me regardait d'un air effaré. Il paraissait paniqué. Mais il dit enfin :

« Seriez-vous en train de douter de l'authenticité de mon épopée ?

-  C'est bien là la raison de ma visite chez vous., dis-je.

- Et avez-vous autre chose à me demander ?

- Oui. A propos du comportement des soldats de St Clair. Pourquoi ne parlez-vous donc pas du massacre de ces derniers ?

- C'était presque voulu : dans une épopée comme celle-ci, on s'intéresse davantage aux hauts faits des acteurs principaux. Il arrive que l'on passe sous silence le sort des victimes. J'avoue, cependant, que malgré mes nombreuses notes désordonnées, sans dates, le côté poétique a pris le dessus sur le narratif. »

Au vu de ces réponses, j'étais à même de penser qu'il y avait beaucoup de choses qui, dans le texte de Chateaubriand, étaient inexactes et imaginées. Il n'a pu, malgré son vrai voyage aux Amériques, éviter le côté imaginatif des écrivains qui l'ont précédé : Voltaire, Rousseau et d'autres encore. Il avait raison : « Le poète avait vaincu le voyageur. ».  

Yanne

 

Supposons qu'il y est allé...

Deux amis journalistes discutent de leurs auteurs et de leurs livres favoris. La discussion se transforme alors en un débat sur l'authenticité des écrits de Chateaubriand, l'auteur préféré de François.

« Cher ami, as-tu lu le roman de Chateaubriand, cet auteur exceptionnel dont je t'ai parlé il y a plus d'un mois ? As-tu apprécié son récit intitulé Atala ? demande François à son ami journaliste.

- En effet je l'ai lu, mais j'ai certains doutes quant à l'authenticité et à la véracité de ses propos concernant l'Amérique. Je me demande même s'il s'est rendu sur ce nouveau continent, s'il a vraiment entrepris ce voyage périlleux à travers l'océan Atlantique...

- Comment peux-tu dire une chose pareille ? Bien évidemment qu'il y est allé ! Comment aurait-il pu décrire aussi bien les fabuleux paysages qu'il a rencontrés s'il n'avait jamais mis un pied en Amérique ?

- Il aurait très bien pu s'inspirer de photos, de récits de voyageurs et de toutes les rumeurs qu'il a entendues sur ce sujet !

- Oui, bien sûr, mais Chateaubriand était un être curieux et assoiffé de nouvelles contrées, de nouveaux continents, de nouveaux pays... C'était un homme honnête, et jamais, au grand jamais, il n'aurait menti dans ses récits. De plus, il l'a dit lui-même : comme il était en manque d'inspiration et qu'il ne parvenait pas à décrire ce pays qu'il ne connaissait que par bribes, il a décidé d'entreprendre ce voyage en Amérique pour en découvrir les multiples facettes et être capable de le décrire de manière plus réaliste. Des moines qui ont voyagé avec lui sur le bateau les menant jusqu'au Nouveau Monde ont témoigné de sa présence à leurs côtés. Il est allé en Amérique, insiste François.

- Supposons qu'il y est allé. Comment aurait-il pu, en si peu de temps, se rendre dans tant d'endroits différents, comme l'Ohio, la Floride, Washington ou le Mississippi ? Et cette fameuse histoire selon laquelle il se serait entretenu avec le président des Etats-Unis d'Amérique... C'est tout simplement impossible ! Jamais une personne telle qu'un président n'aurait prêté attention à un petit écrivain français.

- Au contraire, tu te trompes. En effet, on a retrouvé des preuves indiscutables selon lesquelles Chateaubriand s'est bel et bien entretenu avec le président de l'Amérique. De plus, nous savons aussi qu'il s'est rendu à New York. Mais il décrit si bien l'Ohio, la Floride ou encore le Mississippi que, sans aucun doute possible, nous pouvons affirmer qu'il a réellement parcouru ces terres étrangères.

- J'adhère à certains de tes propos, mais à d'autres, je ne peux y croire. Selon moi, Chateaubriand s'est rendu en Amérique, à New York et à Washington, mais il n'a pas mis les pieds en Floride, ni dans l'Ohio. Je ne crois qu'à ce qui est prouvé, même si, au fond de moi, j'aimerais être aussi naïf que toi...

- Je ne suis pas naïf, mais réaliste, rétorque François. Je suis convaincu que Chateaubriand n'a rien inventé, que les faits qu'il a vécus et les choses qu'il a vues se sont déroulés sous ses yeux et qu'il n'est pas un charlatan essayant d'embobiner le peuple français en écrivant des mensonges sur l'Amérique et le peuple américain. Tout ce qu'il décrit dans Atala me semble authentique, et je ne changerai pas de point de vue. Cependant, libre à toi de croire ce que tu souhaites croire : je te laisse le bénéfice du doute. Mais si tu respectes Chateaubriand et si tu apprécies ses livres, tu devrais croire en son voyage et en son périple en Amérique. Sur ce, je te laisse réfléchir, et reviens me voir lorsque le doute aura disparu en toi. »

Léa

 

La féérie n'est pas le fruit de mon imagination de poète...

Nous voici en l'an 1805. Nous assistons ici-même à une conversation entre Chateaubriand et un journaliste, monsieur Ferdinand, envoyé par la Gazette...

« Monsieur François-René de Chateaubriand, je suppose que vous êtes au courant de la polémique que vous avez déclenchée avec les récits de votre voyage en Amérique ?

- Tout à fait, oui ; trop de questions se posent actuellement à mon sujet : des débats, des paris ont lieu à ce propos...

- En effet, bien des personnes se posent la question de savoir si vous avez vraiment parcouru les côtes américaines comem vous l'avez rapporté dans quelques-uns de vos romans, par exemple Atala ou René, ou bien même dans votre journal de bord.

- Oh, monsieur Ferdinand, j'en suis navré ; je constate moi-même que les lecteurs de mes ouvrages y trouvent une certaine incrédibilité... Cependant, les paysans, les créatures et les faits étaient réellement tels que je les ai décrits dans mes livres. La féérie n'est pas le fruit de mon imagination de poète !

- Certes, mais remarquez-vous que votre récit est davantage convaincant dans le roman Atala que dans votre journal de bord, censé décrire parfaitement vos pérégrinations ?

- Monsieur, sachez que je suis un homme d'action ! Ce voyage, ne me faites pas mentir, je l'ai vécu, et en ai minutieusement rapporté les faits jour après jour. Les critiques littéraires, les polémiques, je ne peux rien contre cela, et je ne sais comment vous persuader de la réalité de mes ouvrages.

- Veuillez m'excuser, monsieur de Chateaubriand, nous allons clore ce débat : la Gazette vous remercie de tout coeur !

- Attendez, sachez tout de même que, par la simple lecture des récits rapportés par les religieux m'ayant accompagné, vous aurez la preuve que je me suis rendu sur ce continent qu'est l'Amérique. Vous aurez par la suite la preuve que, oui, vraiment, François-René de Chateaubriand s'est bien rendu en Ohio, dans le Mississipi, et aux chutes du Niagara. J'ai été vu à New-York, ainsi qu'à Philadelphie... Alors, cher monsieur, et je m'adresse par votre intermédiaire à tous les lecteurs de cette Gazette, je vous en prie, cessez ces polémiques, ne me questionnez plus guère... Au revoir. »

Flore

Mais que lui reprochez-vous donc ?

Un soir de novembre 1805, rue de Saint Jean, dans le salon de Monsieur Duracelle, où étaient réunis plusieurs invités, Monsieur  Laval et Monsieur Durandeau vinrent à parler d'Atala, le dernier ouvrage de Chateaubriand.

« Si, si je vous l'assure ! Il le fit, ce voyage en Amérique, et ce ne sont pas les preuves qui manquent, vociféra Monsieur Laval.

- Je le sais bien, cette histoire fut à la une du Parisien la semaine passée. Mais je vous rappelle aussi que les contre-preuves répondent à l'appel. Mais laissons cela : je ne mets pas en doute son voyage en Amérique, mais la véracité son récit, répondit Monsieur Laval.

- Son récit ? Mais que lui reprochez-vous donc ? s'emporta Monsieur Durandeau.

- Il est fabriqué de toutes pièces, tout y sonne faux, déclama M. Durandeau. Les descriptions sont extrêmement pointues, beaucoup trop à mon sens. Prenons par exemple la description de la végétation de l'Ohio : tous les botanistes reconnus éclateraient de rire s'il leur venait à lire ce passage. En outre, comment voulez-vous, en cinq mois à peine, en apprendre autant sur la faune et la flore de l'Amérique, et sur  la langue et la culture de sa population ?

- Et quand bien même ! Il s'est sans doute inspiré d'autres ouvrages, que cela change-t-il ? Beaucoup d'écrivains ont fait, font et feront de même. Il voulait simplement rendre son ouvrage plus parlant, plus vivant, répondit avec humeur Monsieur Laval.

- Certes, mais cet ouvrage perd alors tout son charme. Nous ne saurons jamais comment se fait la vraie découverte de l'Amérique par un de nos contemporains.

 - Monsieur...

- Et comment interprétez-vous ce changement de personne du narrateur ?, coupa Monsieur Laval. Je vais vous le dire : quand il est à la première personne, nous sommes dans le vrai du récit, le vécu par l'auteur, et quand il est à la troisième personne, Chateaubriand nous avoue qu'il a triché, si je puis dire.

- Sans doute avez-vous raison, mais vous voyez bien qu'il l'avoue, comme vous dites,  au lecteur, il n'est donc pas aussi malhonnête que vous le prétendez.

 - Si, je le pense. Car je doute que ces aventures avec les Natchez soient réelles. Ce livre est plutôt un roman qu'un récit de voyage.

- A mon avis, cher Monsieur, nous ne saurons jamais le fin mot de cette histoire. Et je suis intimement persuadé que dans trois siècles encore des personnes auront cette même discussion. 

- Qui sait ? », répondit Monsieur Durandeau, avec un léger sourire.

Anne

 

Un voyage extraordinaire

Comme prévu, le Mardi 21 Septembre, je me rends chez M. de Chateaubriand. Il est trois heures précises et dans la rue Victor Hugo, cela sent encore la pluie, qui vient tout juste de cesser. Je daigne enfin agiter la cloche de la demeure de M. de Chateaubriand. C'est un vieil ami, que j'apprécie beaucoup, et, comme à son habitude, il m'accueille avec une gentillesse particulière.

« Ah ! Bonjour cher ami ! Voilà bien longtemps que nous nous sommes croisés ! Entrez, Vladimir ! Mais quelle est donc la raison de votre soudaine visite ?

- Je suis là pour m'entretenir avec vous au sujet de votre voyage en Amérique, afin que le journal La Guillotine fasse paraître un article à votre sujet. Je suis, par ailleurs, très heureux de vous voir !

- La Guillotine veut parler de moi dans un article ?

- Effectivement, Monsieur. En effet, beaucoup de rumeurs courent dans les rues selon lesquelles votre livre, Atala, dans lequel vous racontez votre périple en Amérique, serait une pure fiction.

- Oh je vois ! Et bien pour faire taire ces langues bien pendues, je répondrai à vos questions, Vladimir !

- Alors, commençons de suite. »

Nous prenons place dans de larges et confortables fauteuils et démarrons l'entretien...

« Comme je vous l'ai dit, certains bruits courent, affirmant que vous n'êtes, en réalité, jamais allé en Amérique. Pouvez-vous prouver que cela est faux ?

- Doux Jésus ! J'ai vu l'Amérique de mes propres yeux ! Je jure ici même, devant Dieu, m'y être rendu. J'ai tout vu de l'Amérique, sans exception. J'ai vu des Hommes aussi noirs que l'ébène, forcés de travailler jour et nuit. Ils se faisaient fouetter s'ils n'obéissaient pas aux ordres. J'ai rencontré des Hommes simples comme vous et moi. J'ai vu des forêts plus grandes que tout Paris, des arbres d'une hauteur extraordinaire ! Toute cette nature, d'une incroyable beauté, paraît irréelle. Les couleurs y sont plus vives que celles de tous les tableaux existants à ce jour. Les Hommes qui y vivent sont d'une simplicité surprenante. C'est un autre Monde, je vous l'affirme !

- Effectivement, cela paraît incroyable ! Mais par quels moyens vous êtes-vous rendu sur ces terres si étranges ? Étiez-vous accompagné ?

- Bien sûr, voilà une autre preuve de ma sincérité, d'ailleurs. Je suis allé en Amérique avec des prêtres. Nous sommes partis de St-Malo en bateau. Interrogez-les si vous le souhaitez ; ils ont également fait un récit de leur voyage. »

Le jugeant offensé par mes questions, je décide de cesser.

«  Je crois en effet que vous avez ramené là assez de preuves pour faire taire le peuple !

- J'ose espérer, Vladimir !

- J'en suis convaincu ! Notre entretien paraîtra dans La Guillotine du Vendredi 24 septembre, avec quelques extraits de votre roman.

- J'en suis ravi ! Puis-je vous proposer un verre ?

- J'accepte avec grand plaisir ! »

Devant un feu de cheminée, nous nous racontons nos souvenirs d'antan.

Julie

Ne trouvez-vous pas étrange

que Chateaubriand ait deux façons de s'exprimer ?

  Deux amis se retrouvent au bistrot de la place Vendôme. L'un deux, Jean, apporte un journal de bord intitulé Voyage en Amérique, un livre provoquant de nombreuses polémiques.

Jean pose l'ouvrage sur la table d'un geste ferme, cherchant le regard de son compagnon.

Jean : « Ah ! Ce journal est merveilleusement bien écrit ! »

Luc : « ...écrit par un menteur, un faux écrivain-voyageur ! »

Jean : « Pas du tout, Chateaubriand est bien allé en Amérique. Certaines preuves le démontrent bien... »

Luc : « Oui, la partie nautique n'est plus contestable grâce aux récits des prêtres qui ont voyagé avec lui. Il reste à prouver que les expéditions sur les terres de Nouveau Monde ont bien eu lieu. »

Jean : « Eh bien, très cher ami, permettez-moi de vous dire que Chateaubriand a bien visité l'Amérique. Certes, nous ne possédons pas de preuves comme pour la traversée de l'océan, mais des témoins oculaires sont sûrs de l'avoir aperçu à New York et à Philadelphie. Des traces de son passage ont même été trouvées dans les archives du Congrès Américain. »

Luc : «  Est-il vraiment allé aux chutes du Niagara ? A-t-il vraiment longé l'Ohio et le Mississipi ? Est-il allé jusqu'en Floride ? Alors, Jean, qu'avez-vous à me répondre ? »

Jean, déstabilisé par les paroles offensives de son ami, passe ses mains dans les cheveux et fronce les sourcils.

Jean : «  Mais... »

Luc, profitant de l'égarement passager de son voisin, lui coupe la parole.

Luc : « Cette fois ci, avez-vous des preuves ? »

Le brouhaha du café et le claquement régulier de la porte battante du bistrot parisien empêchent Jean de se concentrer.

Jean : « Non. »

Luc : « D'ailleurs ne trouvez-vous pas étrange que Chateaubriand ait deux façons de s'exprimer ? A Paris, nombre de lecteurs partagent mon opinion. Sa narration correspond aux événements vécus par l'auteur. Par contre, l'utilisation de la troisième personne peut nous laisser croire que Chateaubriand est allé puiser dans les récits d'autres écrivains. »

Un petit sourire discret s'ébauche sur les lèvres fines et bien dessinées de Jean.

Jean :  "Certes, vos arguments sont plausibles mais je persiste à croire que Chateaubriand a bien traversé l'Amérique, est allé aux chutes du Niagara, a longé l' Ohio et le Mississipi et a fini son périple en Floride..."

Luc : « Je reste sur mes positions ! »

Les deux compères sont dérangés par le serveur, un homme grand au regard clair, qui clôt la discussion. Luc et Jean font part de leur commande, deux grandes bière fraîches, juste avant de conclure que ce livre n'a pas fini de faire polémiquer les lecteurs du monde entier.

Ils trinquent ensuite à leur belle amitié et songent aux prochaines critiques des futures oeuvres de Chateaubriand.

Kim

 

Une vie libre et naturelle...

  La scène se passe dans une petite pièce fort charmante. Il y a simplement une petite table et deux chaises au beau milieu de la salle.

             Il est quatorze heures, le célèbre journaliste, monsieur Martin, entre dans la pièce. Derrière lui apparaît un homme de taille moyenne. Il doit avoir entre trente et trente-cinq ans, pas plus.  Son nom est François - René de Chateaubriand. Celui dont tout l'hexagone parle, ces derniers temps ! Les deux hommes prennent place. Comme prévu, l'interview commence à quatorze heures quinze.

L'atmosphère est placide : monsieur Martin pose des questions abordables...

<< Comment s'est passé votre voyage en Amérique ? >>

Chateaubriand répond clairement: << Cette expédition était pour moi une expérience inoubliable. Elle était certes longue, coûteuse, fatigante et dangereuse, mais j'ai pu découvrir tant de choses que les civilisations européennes ignorent ! >>

Monsieur Martin reprend: << Pouvez- vous nous communiquer ce que vous avez découvert sur ces terres méconnues ? >>

L'invité répond: << J'ai découvert une civilisation qui vit au contact direct de la nature, une végétation paradisiaque, un cadre de vie enchanteur où se déroule une vie libre et naturelle, loin des maux et des défauts de nos sociétés...Voyez-vous, cher monsieur, ces Indiens d'Amérique sont libres et heureux de vivre au contact direct de la nature, alors que le progrès des techniques, ici en Europe, n'améliore pas forcément les conditions de vie de l'homme...>>

  Viennent ensuite des questions plus pertinentes :

<< Dans quelles régions vous êtes-vous rendu précisément ? >> demande monsieur Martin.

Chateaubriand lui répond qu'il est passé par l'Ohio, le Mississippi, les Florides, New York, Philadelphie et qu'il a eu l'occasion de rencontrer Washington.

<< Pourtant des rumeurs circulent en ce moment, selon lesquelles que vous n'êtes pas passé par l'Ohio, le Mississippi ainsi que les Florides...>> dit monsieur Martin.

Chateaubriand a l'air un peu surpris par ce que le journaliste vient de lui dire. Il exprime son profond étonnement concernant ces rumeurs. Il rétorque ensuite: << Je n'ai rien inventé dans mon ouvrage, cher monsieur. Je suis bien passé par ces régions, et c'est ainsi que j'ai pu découvrir une végétation paradisiaque, la société indienne...>>

          Cependant, le journaliste persiste: << Votre périple est en tout cas au coeur d' une polémique qui a agité le monde des critiques littéraires, cher monsieur de Chateaubriand. En effet, j'ai entendu dire que les pages que vous avez vous- mêmes écrites dans le roman Atala, à propos de ce périple en Amérique, sont plus authentiques et plus convaincantes que dans votre ouvrage Voyage en Amérique. Pouvez- vous nous parler de ce sujet, je vous prie, monsieur, si vous le voulez bien ?

 - Atala est peut- être plus authentique et plus convaincant que le journal de l'Amérique ; mais permettez moi de vous dire, monsieur, qu'en exerçant mon métier d'écrivain, je sais ce que j'ai à faire et à ne pas faire. Comme tous les écrivains de ce vaste monde, je suis seul maître de mes ouvrages. Dans Atala, je rapporte spécialement ce que j'ai vu, contrairement à l'autre ouvrage... >> répond l'auteur.

<< Mais comment se fait- il alors que des événements comme le massacre de près de deux mille Américains par des Indiens de l'Ohio en 1791 n'ait pas été évoqué sans votre roman ? >>

Chateaubriand, tout à fait à son aise, répond:

<< Dans mon livre, je n'ai décrit que ce qui me semblait infaillible. Je m'explique: tout ce que j'ai vu de mes propres yeux ou exécuté durant les cinq mois que j'ai passés au côté des Indiens d'Amérique sont évoqués dans mon ouvrage. Le massacre de ces Américains n'a donc pas été décrit dans mon livre pour la bonne et seule raison que je n'ai rien vu de tout cela. > >   

Il est quinze heures, l'entretien est terminé. Les deux hommes prennent congé et sortent l'un après l'autre, en fermant la porte derrière eux.

Evelyne

 

J'étais trop occupé à rêver...

Chateaubriand, tout juste rentré de son grand voyage en Amérique, s'apprête à recevoir un journaliste du plus célèbre quotidien parisien.

Celui-ci venant d'arriver, Chateaubriand le prie de s'asseoir dans le salon pour qu'il puisse commencer son interview.

<< Bien, Monseigneur, nous pouvons à présent commencer cet entretien tant demandé par ma gazette ; êtes vous prêt ?

- Oui monseigneur, je suis tout ouïe.

 Je vais commencer directement par la question que tout le pays se pose : êtes-vous véritablement parti pour les Amériques durant ces cinq mois ou bien vous êtes-vous simplement caché pour influencer l'opinion ?

-  J'ai visité le Nouveau-Monde, assurément, durant cinq mois et douze jours exactement. 

-  Pouvez-vous avancer des preuves sur ce que vous venez de dire ? Car les détracteurs de votre voyage ici, en France, n'ont pas chômé pour démontrer que vous n'y étiez jamais.

-  Ah ! Eh bien, des preuves, je vais vous en proposer quelques unes : tout d'abord, le tout nouveau pays des Etats-Unis d'Amérique m'a accordé un droit de séjour et ceci figure toujours dans les archives locales. J'ai aussi demandé aux britanniques un mandat pour séjourner sur le territoire Canadien. Enfin, troisième preuve : j'ai ramené ici deux hommes: l'un Amérindien, l'autre québecquois, qui pourront vous affirmer que j'étais bien là-bas. >>

Ayant terminé ce long monologue, Chateaubriand se tait et attend une nouvelle question du journaliste.

<< Merci Monseigeur. Maintenant, pouvez-vous nous décrire la végétation de ce pays ?

-   Mais naturellement. La côte nord-est de l'Amérique du nord présente une végétation composée de conifères très denses et peu différents des nôtres. Ensuite si l'on s'enfonce très loin dans les terres, au sud-ouest de la région des grands lacs, le climat est plus aride et il y a des zones semi-désertiques.

- Voilà... et la faune à présent ?

-  Oh, la faune est très proche de la nôtre  sauf au  nord où vivent de grands cerfs et d'énormes vaches nommées '' bisons '', dans le territoire des grandes plaines.

- Très étrange, tout cela. Et pour ce qui est des habitants ?

-  Les habitants des ces terres lointaines sont plutôt pacifiques... Sauf quand on leur déclare la guerre. Ils maîtrisent très bien le cheval, ils sont très proches de la nature et ont un excellent sens de l'orientation. Par contre, ils ne sont pas très évolués en ce qui concerne les techniques industrielles. Physiquement, ils sont très proches de nous, bien qu'ils ressemblent davantage aux habitants des terres d'Asie.

-  Mais pourquoi n'avez-vous pas cité tous ces détails dans votre livre ?

-  J'étais trop occupé à rêver. Les paysages sont magnifiques et on a beaucoup à apprendre des habitants locaux. Ce livre est plutôt un recueil poétique qu'un récit de voyage.

- Merci beaucoup, Monsieur. Cet interrogatoire est terminé. Ce fut un plaisir, au revoir.

- Un plaisir partagé. Adieu >>

Le journaliste partit, laissant Chateaubriand perdu dans ses pensées...   

Grégoire

 

      

 

 

photo Pléiade 2004


Vers la page 1 des polémiques 2008

Carnet de voyage en Amérique, octobre 2008 : PUZZLE

Polémiques d'historiens à propos de la réalité du voyage de Saint Brendan, moine irlandais du VIè siècle ( Seconde Amérique 1998 )...

Débats francoricains en Octobre 2004

Lien externe : LIRE ET PARTIR : les pays des grands auteurs...