SCENES DE LA VIE MUSULMANE

Le Caire, le 17 mars 1907

 

J'ai encore parcouru Le Caire arabe (...). Il y a de jolies choses à voir : d'abord la porte Bab Zoueilah, voûtée, flanquée de deux tours où on pendait les khalifes détrônés et les croisés, enchâssée maintenant en plein quartier arabe près de la très belle mosquée El-Mouayad ...(...) Puis nous avons gagné la grande mosquée El-Hassan, près de la citadelle ; les murs sont d'une hauteur colossale, rappelant un peu l'extérieur du Palais des Papes d'Avignon ; elle est en pleine réparation, mais on aura de la peine à lui rendre sa splendeur primitive : dans une sorte de placard se montre une des anciennes portes, de bronze lamé d'or et d'argent. - Enfin nous avons terminé par la visite de la mosquée d'Ibn Touloun, dont je vous ai parlé en septembre, la plus ancienne des mosquées du Caire encore debout, et une des plus grandes comme superficie. Elle fut construite par le fameux khalife Ibn Touloun qui dormait flotté sur un lac de mercure, et est certainement majestueuse, avec son immense cour entourée de portiques aux décorations encore sévères.

(...) Ce qui double l'intérêt de ces visites de mosquées, c'est qu'on vit encore dans le cadre où elles se sont construites ; je lisais dernièrement le récit qu'un poète arabe fait d'une promenade à âne au vieux Caire, en 1240 ; or, il décrit les ânes et les moeurs des âniers de manière que son histoire figurerait sans modifications dans les notes de voyage d'un touriste de Cook. (...)



J'ai assisté ce matin à un retour de pèlerinage de
La Mecque suivant toutes les règles. Je crois vous avoir dit que chaque pèlerin est ramené de la gare chez lui en triomphe, en grand costume arabe et souvent...assis dans un fiacre. Mon homme de ce matin était noblement à cheval, précédé de deux chameaux portant un palanquin, puis d'un personnage grotesque coiffé d'un objet que je ne saurais comparer qu'à une corne d'abondance ou à une trompe d'éléphant, - puis de deux autres chameaux portant deux guerriers brandissant des sabres, - puis de danseurs bizarrement costumés exécutant des danses violentes mais d'un rythme fort élégant - enfin de deux derniers chameaux sur lesquels étaient juchés des enfants qui frappaient à tour de bras sur des timbales. Pour ces circonstances les chameaux sont carapaçonnés d'une étrange sorte : de pesantes étoffes rouges à dessins dorés leur pendent comme des plaques, par-derrière, sur les flancs, des deux côtés de la tête surmontée d'un panache ; là-dessous, ils continuent à ruminer d'un air sournois, tournant avec lenteur, d'un mouvement circulaire mais toujours dans un même plan, leur tête aux deux gros yeux d'un noir étincelant. Tout le cortège s'engageait lentement dans la rue qui longe les grands hôtels, entravant la circulation, mais pour la plus grande joie des touristes probablement. Le côté touchant de la cérémonie est de voir les indigènes accourir en foule vers le saint qui revient de La Mecque pour lui baiser les mains ; il y a encore là une idée très religieuse et très élevée.

Préambule

A propos des vestiges pharaoniques

Progrès technique / Villes-oasis

Scènes et richesses du désert

Scènes de la vie de collège

Scènes de la vie musulmane

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