Travaux de groupes en Seconde Canada 2003-2004. Textes collectifs.
Cet ensemble de développements libres servira de fil conducteur pour aborder la technique de la dissertation...
Introduction / situation ... En 1791, Chateaubriand, alors âgé de 22 ans et passionné de géographie et d'histoire naturelle, s'embarque pour l'Amérique, où il va rester cinq mois et dont il parcourt en tous sens les régions de l'Est, surtout dans le Nord, enivré des beautés de la nature et des grandeurs de la solitude... Il en rapporte de volumineuses notes, des descriptions, récits, études, l'embryon des Natchez, des fragments du Voyage en Amérique, des extraits de voyageurs et de naturalistes... En 1797, pendant son exil à Londres, période où domine en lui un pessimisme historique profond que révèle son Essai sur les Révolutions, écrit cette même année, il rédige son roman ATALA et des fragments de son futur Génie du Christianisme. De retour à Paris, il publie ATALA le 2 avril 1801 : des fragments de ce récit avaient déjà paru dans le Mercure. Ce récit est l'évocation idyllique de la vie et de l'âme des "sauvages", dans le goût du temps, mais chef-d'oeuvre d'un style nouveau, harmonieux et coloré. Le succès en fut considérable, auprès des lettrés aussi bien que du grand public. Initialement, ce roman devait faire partie d'un autre ouvrage, qui paraîtra un an après ATALA, le 14 avril 1802 : Le Génie du Christianisme, dont le succès contribua à répandre un catholicisme sentimental de pauvre contenu dogmatique, mais de grande vertu convaincante, et qui nourrit une bonne part de l'imagination romantique. ( D'après Philippe van Tieghem, Dictionnaire des littératures, article "Chateaubriand", pages 822-823, QUADRIGE / PUF Paris 1984 ).
Documentation ...
Extrait d'un article de presse. "Lorsque Chateaubriand, jeune aristocrate provincial, lit Jean-Jacques Rousseau, il se prend d'affection pour une pure nature que la corruption sociale n'a pas encore avilie. Cela le conduit à observer avec bienveillance les premiers soubresauts de la Révolution, dont il perçoit néanmoins très tôt les dérives. La Terreur ( 1792-1794 ), qui le pousse vers l'exil, est une cassure définitive. Elle le fait non seulement revenir vers le christianisme de ses premières années, mais le mène aussi en quête d'une modération qu'il recherche dans toutes les conceptions politiques de son époque, de la monarchie à l'utopie et à la démocratie. Ici apparaît la figure de John Milton, grand poète anglais du XVIIè siècle, homme d'exigence, de fidélité et de tolérance, qui a exercé une profonde influence sur Chateaubriand : "La passion miltonienne de la liberté, fille de la révélation chrétienne, (...) parente de la passion de l'indépendance de Rousseau (...) agréait d'autant plus à Chateaubriand qu'elle est le contrepoids naturel à la passion de l'égalité, elle aussi fille du christianisme" ... ( Extrait du récent ouvrage de Marc Fumaroli , Chateaubriand, Poésie et Terreur, Ed. de Fallois ). L'égalité, moteur de la démocratie individualiste : Alexis de Tocqueville, un contemporain de Chateaubriand, en a exposé mieux que d'autres la puissance et les effets pervers. Dans son livre sur Chateaubriand, l'académicien Marc Fumaroli achève son parcours chez Tocqueville et fait dialoguer après coup les deux hommes. Un même pessimisme aristocratique les réunit ; mais aussi l'idée que la divine providence oriente désormais l'histoire vers une démocratie qui pourrait, toutefois, si les hommes en viennent à se détourner de Dieu, "se dégrader et se retourner un jour en anesthésie totalitaire de la liberté".

in JOURNAL du DIMANCHE du 28 décembre 2003.

Analyses des différents groupes ( perspectives et problématiques choisies par les élèves... )


Page de titre de la première édition d'
Atala, Paris, an IX (1801). ( Collection de la Vallée aux Loups ).

La religion façonne l'homme

ATALA, de Chateaubriand, est un roman controversé. A partir des nombreux thèmes qu'on peut lui attribuer, nous retiendrons la problématique suivante : quelle est l'influence du christianisme sur des communautés païennes, en l'occurrence les tribus indiennes de la Louisiane, dans le cadre enchanteur de ces contrées sauvages et inexplorées ? Ce sera l'occasion d'approcher le problème du rapport entre nature et culture...

Le roman débute avec les déboires d'un Indien Natchez, Chactas, qui va, dès les premières pages, rencontrer la religion chrétienne... Il la refusera tout d'abord, par méconnaissance, mais sa passion irrésistible pour Atala, fille d'un chef indien ennemi des Natchez et convertie, dévouée, même, à l'Evangile, le conduira à plus ample réflexion. Cette emprise de la religion sur le héros est d'ailleurs perceptible tout au long du roman : c'est là sa valeur symbolique. Lopez, un Espagnol qui l'a recueilli, ne parviendra pas à le convertir, mais Atala l'éclairera dans son ignorance et le Père Aubry, finalement, le persuadera... Au travers des réflexions de l'Indien, Chateaubriand développe sa thèse et tente de trouver une réponse à sa problématique.

 

Le christianisme d'Atala est la première tentative du jeune écrivain de fixer des règles par rapport à l'influence de la religion sur la culture. La personnalité d'Atala est, sur ce point, intéressante. Sa croyance ne modifiera en rien son apparence extérieure, son intégration dans la société païenne, mais elle métamorphose littéralement sa moralité, ses opinions. C'est une greffe de la foi chrétienne sur les coutumes païennes.

La deuxième expérience mise en scène par l'ouvrage - et la plus significative - est la création d'une Mission par le le Père Aubry, d'un village rural auquel il est associé. L'organisation du village dépend en fait entièrement de l'activité déployée par le missionnaire... C'est lui qui a apporté aux Indiens les bienfaits du christianisme, tant la pratique de l'agriculture qu'une richesse morale qui anime leurs visages d'une extase euphorique un peu naïve...
Ci-contre, page de titre de la première édition du
Génie du Christianisme, Paris, an X, (1802 ). Collection de la Vallée aux Loups.


Funérailles d'Atala. Gravure de F. Lignon d'après le tableau de Gautherot ( Collection de la Vallée aux Loups ).

 

Voilà le véritable apport du christianisme chez ces Indiens : une naïveté joyeuse et enviable, un simple mais incroyable état de bonheur. Telle est l'image sublime, magique de l'influence chrétienne sur ces communautés païennes ! C'est un mélange des principes chrétiens et du naturel indien, mélange qui fonde un homme nouveau - peut-être le prototype du "bon sauvage" que Chateaubriand a vainement cherché ? Il lui fallait déceler un modèle de perfection chez ces Sauvages... Le christianisme semble lui en avoir trouvé l'occasion, en guise de "consolation"...

Comment Chactas pourrait-il résister à un pareil enjouement, à une simplicité aussi inconsciente, à un sens de la vie aussi strict et lumineux ? Le double attrait de cette vie chrétienne dans une mission et d'une union avec Atala finissent par le persuader de se convertir.

 

Un événement tragique vient pourtant perturber cet univers enchanteur, telle une ondée tombant soudain sur des eaux tranquilles... Atala se meurt - et quelle mort ! Elle a étrangement résolu de mettre fin à ses jours pour respecter un voeu, honorer une promesse, le serment fait à sa mère de préserver sa virginité, l'empêchant ainsi de céder à la passion de Chactas. C'était là son secret, une contrainte qui lui semblait irrévocable, alors même que l'évêque de Québec aurait pu la délier de ce voeu, ce qu'elle apprendra trop tard du Père Aubry ... Cette religion qui paraissait enchanteresse à Chactas est soudain obscurcie à ses yeux par un interdit fatal : un voile tombe sur la perfection allégorique du christianisme, en même temps que succombe Atala, "victime" de sa promesse chrétienne... Quel surprenant paradoxe nous offre ainsi Chateaubriand... : comme un cheveu sur la soupe, la mort d'Atala vient déchirer l'image paradisiaque de la religion, alors à son paroxysme de magie et de bienfaisance, et vient blesser au coeur Chactas, tout à son désir d'adopter la foi chrétienne... Ce drame vient mettre à bas son édifice d'adoration au moment où sa construction s'achevait. Serait-ce là une conséquence de cette mixité naïve de paganisme et de christianisme ?


Atala et Chactas sur le Meschacebé. Gravure coloriée anonyme ( Collection de la Vallée aux Loups ).

Mais revenons au modèle de la Mission du Père Aubry, qui représente peut-être dans sa pureté la plus éclatante l'idéal social et religieux de Chateaubriand . La différence entre les tribus primaires d'Amérique et cette communauté rurale est flagrante, significative. C'est la religion chrétienne et ses principes qui ont fondamentalement remodelé le socle de cette société païenne. C'est la religion chrétienne qui dicte leur conduite, tant morale que sociale, aux villageois et qui leur inspire cette joie, cette allégresse débordante. C'est la religion qui fonde leur société, comme toute société. On perçoit cependant une nuance dans la pensée de l'auteur : des traces de paganisme subsistent encore au sein de cette société originale ; cela a son importance. Mais, encore une fois, la religion païenne est une religion, qui contribue à la vie culturelle de cette communauté particulière, à côté du christianisme.

Peut-être dégoûté, Chactas sera éloigné de sa "vocation" pendant un long moment. Sa métamorphose morale semble pourtant inéluctable. Il finira par céder à l'idéal chrétien, à un âge avancé. Aurait-il oublié les effets funestes sur Atala d'un voeu chrétien perçu comme irrévocable ? Non... La religion chrétienne lui offre un réconfort : l' espoir ultime de rejoindre Atala dans l'au-delà...
Ci-contre, pendule bronze et cuivre représentant des scènes d'ATALA : Atala délivre Chactas, le convoi d'Atala ( collection privée ).

Chateaubriand arrive à tirer plusieurs enseignements de cette expérience passionnante. La religion, ainsi qu'il le démontre, est le fondement de toute société. Elle modifie à sa façon le comportement, l'esprit de ses adeptes. Elle façonne l'homme, l'imprègne de son empreinte. Chateaubriand pensait découvrir le "Bon Sauvage" en Amérique... Il l'a bel et bien trouvé ou du moins conçu à sa manière, dans cet ouvrage splendide...
Ci-contre, assiette avec représentation d'Atala racontant son histoire au Père Aubry ( Collection particulière ).

E., R. , A. et A.
Illustrations extraites d'un ouvrage critique de
Henri Le Savoureux, CHATEAUBRIAND, paru aux éditions Rieder, en 1930.

Est-il possible d'évangéliser des peuplades païennes sans détruire leur culture ?

Différents ouvrages de Chateaubriand peuvent amener à débattre d'un sujet très délicat : les bienfaits de la christianisation en Amérique...

En effet, l'écrivain veut y montrer qu'il est possible d'évangéliser les peuplades païennes sans détruire leur culture. Citons, comme ouvrage de référence, l'illustre et incontournable roman intitulé ATALA.

Chaque société est basée sur ses propres fondements religieux, mais cette culture peut être influencée, voire remplacée par d'autres croyances. Nous prendrons comme point de départ une tribu indienne qui vénère des génies présents autour d'elle.

Les missionnaires n'obligeaient pas les individus qu'ils recueillaient à pratiquer la religion chrétienne. Ils enseignaient seulement les bienfaits, les valeurs essentielles du christianisme - tels le partage et la charité fraternelle. Les moissons étaient déposées dans des greniers communs afin que chacun puisse apprendre l'économie sociale. Puis elles étaient partagées équitablement.

Autre exemple : les missionnaires affirment ne chercher à imposer aucune loi, mais seulement vouloir apprendre à s'aimer, à prier Dieu et à espérer une autre vie. Mais ils laissaient tout de même certaines libertés, comme l'enterrement des défunts selon les rites indiens.


Librairie Larousse, 1934

 


Dessin de Step. Barth. Garnier pour la première édition illustrée d'Atala ; Paris, Lenormand, 1805. Reproduction in Classiques Larousse 1935.

 

De plus, les autochtones manifestaient à l'égard de leur guide spirituel une très grande estime : sur le passage du Père Aubry, les habitants du village rural qu'il avait fondé cessaient toute activité et les mères élevaient leurs enfants au dessus de leurs têtes pour qu'ils reçoivent la bénédiction du prêtre-patriarche.

Le baptême était aussi pratiqué au bord d'une source et les époux recevaient du missionnaire la bénédiction nuptiale.

Tous ces exemples illustrent les bienfaits de la christianisation qui, en outre, empêche les guerres sanguinaires entre tribus de continuer à ravager les populations.

La christianisation s'oppose aussi à certains rites religieux indiens tels que l'automutilation ou les sacrifices. En effet, durant la grande cérémonie de la Danse du Soleil, l' okeepa, qui a lieu au début de l'été, des danseurs subissent des épreuves proches de l'automutilation.

Les croyances des Indiens d'Amérique du Nord présentent une grande diversité, selon les territoires qu'ils occupent et les modes de vie qu'ils adoptent. Leur société était fondée sur des fondements religieux bien précis. Ils croient que tous les éléments de la nature - hommes, animaux et plantes - sont habités par une partie de l'énergie spirituelle de l'univers, un grand esprit, le Manitou ou le Wakan.
Quant à la terre, considérée comme la Mère dont est issue toute chose, elle fait l'objet d'un profond respect.

Mais ces croyances négligeaient l'homme et son importance : elles ne respectaient pas assez la vie et la beauté de l'amour. Ainsi, le christianisme a apporté à ces croyances une paix essentielle.

Chateaubriand a pu, dans ses différentes oeuvres, démystifier le mythe du "Bon Sauvage" pour mettre en relief les vertus de l'évangélisation."

M., C., J. et A.


CONTROVERSE

Au cours de nos investigations entièrement consacrées à la religion chrétienne, principalement évoquée dans le récit de Chateaubriand, ATALA, nous sommes parvenues à discerner les bienfaits apportés à la culture indienne par le christianisme ... CEPENDANT, une de nos questions a débouché sur une réponse mitigée : est-il possible d'évangéliser des peuplades païennes sans pour autant porter atteinte à leurs croyances et à leurs moeurs ?

Dans toute société, qu'elle soit indienne ou européenne, l'homme a toujours eu besoin de croire en un être supérieur en tout point, pour trouver non seulement une sorte de soutien moral dans ses épreuves quotidiennes, mais aussi un sentiment de protection et de sécurité.

En arrivant en Louisiane, le Père Aubry, un missionnaire français envoyé vers le Nouveau Monde dans le but de convertir les peuples païens au christianisme, découvre des familles errantes dont les traditions sont féroces et la vie fort misérable. Il a su tirer profit de la religion des Indiens pour leur faire entendre des paroles de paix, ce qui a entraîné l'adoucissement graduel de leurs moeurs. Ces Indiens ont ainsi appris à vivre en communauté, en conservant une certaine simplicité, source de bonheur... Chateaubriand lui-même écrit, par l'intermédiaire du Père Aubry : " (...) je voyais l'Indien se civilisant à la voix de la religion ; j'assistais aux noces primitives de l'Homme et de la Terre (...) ". Cette religion a aussi entraîné d'importants bouleversements dans la vie des Indiens, car, comme le dit le Père Aubry : " je ne leur ai donné aucune loi ; je leur ai seulement enseigné à s'aimer, à prier Dieu, et à espérer une meilleure vie : toutes les lois du monde sont là-dedans."
CEPENDANT, il a quand même imposé un nouveau mode de vie aux autochtones, à travers la religion chrétienne. En effet, leurs journées sont rythmées par de nombreuses prières et sacrifices à Dieu. Or, le Père Aubry avait-il le droit de transformer les croyances d'un peuple au lieu de s'y conformer ? C'est pourtant ce qu'il a fait en Louisiane...

Nous remarquons que le christianisme n'a pas toujours été bénéfique à ces peuples païens puisqu'il a engendré chez eux une consécration totale à un Dieu étranger à leur culture - et ils seraient même prêts à sacrifier leur vie pour lui. C'est le cas d'Atale qui, vouée à la chasteté par sa mère, va préférer se suicider plutôt que de rompre sa promesse à Dieu...

De par l'action de nombreux missionnaires tels que le père Aubry ; les moeurs et croyances de peuples indiens ont été entièrement abolies... On le voit bien aujourd'hui, puisqu'il n'existe pratiquement plus aucun peuple vivant toujours à la façon ancestrale des Indiens...

Ainsi, on peut en conclure que Chateaubriand n'a pas entièrement atteint son objectif religieux, à savoir prouver que l'on peut évangéliser des peuplades indiennes sans pour autant porter atteinte à leur culture. En effet, sans vraiment le vouloir, le père Aubry a détruit ces cultures en influant sur les croyances des Indiens...

L. , A. , L. et A.


A propos d'ATALA, roman de Chateaubriand, inspiré par son voyage en Amérique...

Chateaubriand s'attendait à découvrir une Amérique peuplée d'Indiens que tout le monde croyait parfaits, pacifistes et en accord total avec la nature... Nous pouvons imaginer qu'il fut quelque peu surpris et même déçu par la réalité. Initialement destiné à faire partie d'une oeuvre plus vaste, Le Génie du Christianisme, le récit intitulé Atala reflète les découvertes de son auteur sur le terrain et illustre sa volonté de donner à cet ouvrage des résonances religieuses... L'histoire est centrée sur un couple de deux Indiens que la religion oppose. L'un, Chactas, est païen, l'autre, Atala, est chrétienne. Chactas est un idolâtre. Les Indiens païens voient un esprit à vénérer en chaque élément de la Nature. Ils se réfèrent aux différents signes de cette dernière pour interpréter leur destin. C'est que la Nature occupe une place primordiale dans leur culte. Ils vivent en symbiose avec elle depuis toujours. Pourtant, ils tuent des animaux pour les offrir en sacrifice - et même des humains pour célébrer la "fête des morts". Cette religion a donc des aspects barbares...

Chateaubriand à trente ans...

Lithographie de H. Brunet. Collection de la Vallée aux Loups.


Librairie Hachette,
1935

La vie des Indiens est rythmée par des rituels, depuis les pratiques les plus banales jusqu'aux célébrations comme le mariage. Celui-ci commence par un rituel où deux vierges cherchent à s'arracher une baguette de saule. Ensuite chacun se rend sur la tombe de ses aïeuls. Les idolâtres n'ont aucun respect pour la vie de ceux qui appartiennent à une autre tribu que la leur, même s'ils viennent en paix, sans mauvaises intentions.

Atala est une Indienne convertie par sa mère au christianisme. Cette croyance adoucit les moeurs de ceux qui y adhèrent : en effet, les chrétiens ne tolèrent pas ces massacres inutiles appelés "sacrifices". En outre, le christianisme est une religion monothéiste, ce qui facilite sa pratique, car il est plus facile de contenter un seul Dieu plutôt qu'une multitude. Il apparaît également que le Dieu des chrétiens se montre plus clément car, si l'un de ses disciples est dans le malheur, il fera un geste pour l'aider. Mais il faut que les autochtones connaissent la douleur, la souffrance et les sacrifices... Il faut qu'ils soient conscients de leur chance lorsque, par exemple, ils trouvent à manger, même si ce n'est qu'un peu... Ils savent alors qu'on peut souffrir encore plus, donc être heureux de ce qu'on a. Pourtant, on pourrait penser que celle qui a eu le moins de chance est Atala. Sa mère fit une promesse pour obtenir la survie de sa fille. Or, la parole donnée coûtera la vie à cette dernière.

Le Père Aubry est celui qui resserrera les liens unissant le jeune couple. Grâce à lui, leur amour s'épanouira, malgré le lourd secret de la jeune fille. Le Père Aubry représente la religion chrétienne en terre païenne. Il est envoyé par Dieu pour révéler celle-ci aux Indiens. En présence d'Atala, il amènera peu à peu Chactas au christianisme. Il initie également certains Indiens qui construiront une petite chapelle dans le village.

On peut se demander comment deux êtres aussi différents religieusement l'un de l'autre ont pu s'aimer. Atala elle-même déclarera à Chactas que jamais elle ne pourra se résigner à épouser un idolâtre. Malgré cela, ils réussissent à s'aimer de toutes leurs forces jusqu'à la mort d'Atala, ce qui démontre que l'amour est plus fort que tout...

On voit que Chateaubriand a fait d'ATALA un roman où la religion tient une place importante. Cet ouvrage n'est donc pas un simple récit romantique centré sur une pittoresque histoire d'amour. Il nous montre également que le christianisme est partout, même au beau milieu d'une jungle, au fin fond de l'Amérique. Chactas, en changeant de croyance, n'a en rien modifié ses habitudes et sa culture. Par contre, cette situation a sûrement influé sur sa psychologie et il est peut-être devenu un autre homme, intérieurement. En initiant les Indiens au christianisme, le Père Aubry n'a pas détruit la culture indienne. Ils continuent à vivre de la même façon, mais la seule différence est la foi qu'ils ont gagnée en se convertissant au chritianisme. Nous concluons tout ceci en affirmant la réussite de Chateaubriand dans son projet de démontrer que la conversion des Indiens à la foi chrétienne ne détruit pas leur culture.

G., H-B., Q. et M.


Gravure sur bois de Gustave Doré

Ed. Larousse, janvier 1986

"Je leur ai seulement enseigné à s'aimer..."

Nous allons centrer notre présentation du fait religieux dans ATALA sur la problématique suivante : est-il possible d'évangéliser des peuples païens sans pour autant détruire leur culture ?

Regardons dans le livre : le père Aubry est, à ses débuts, confronté à des moeurs inconnues, qui lui semblent féroces. En effet, la religion païenne est fondée sur diverses divinités et sur une nature omniprésente. Au fur et à mesure, il constate qu'il ne pourra pas déraciner la religion païenne de la vie des sauvages car c'est le fondement même de leur société. Au lieu de leur imposer la seule foi chrétienne, il préfère préserver les meilleurs aspects de leurs croyances pour les mêler à la religion chrétienne. Ainsi, les messes sont célébrées en pleine nature. Il n'y a donc aucun dépaysement pour les autochtones d'Amérique.

Par ailleurs, le père Aubry insère progressivement des symboles religieux chrétiens dans la vie quotidienne des païens. Si chaque sépulture conserve le nom "sauvage" du défunt enterré selon le rituel indien, une croix est cependant plantée dans l'enceinte du cimetière...

Le père Aubry laisse une autonomie complète aux habitants du village qu'il a fondé. Il se contente simplement de les conseiller, d'intervenir quand il en ressent le besoin. Lui-même dit : " Je ne leur ai donné aucune loi ; je leur ai seulement enseigné à s'aimer, à prier Dieu et à espérer une meilleure vie ; toutes les lois du monde sont là-dedans."

Il n'y a pas de conversion obligatoire : chacun est libre de choisir sa religion, d'intégrer plus ou moins la foi chrétienne selon son souhait. Après avoir entendu les paroles passionnées du prêtre, Chactas désire mieux connaître cette nouvelle religion. Il a vu et compris les bienfaits du christianisme à travers l'oeuvre du père Aubry : la paix, l'unité de la communauté qui respecte la diversité des êtres et de chaque être, le progrès nécessaire pour faciliter le bien-être matériel tout en préservant chez les Indiens leur esprit simple et honnête.

Comme Chactas, les Indiens sont devenus chrétiens presque inconsciemment. Ils respectent le père Aubry : ils accourent au-devant de lui, baisent sa robe et l'aident à marcher...

En conclusion, nous pouvons affirmer que le roman ATALA permet à Chateaubriand de convaincre son lecteur de l'influence bienfaisante de la religion chrétienne sur la culture païenne. Il fait du père Aubry le représentant de l'Eglise catholique. Aussi ce dernier est-il décrit comme un homme saint, respecté, aimé et admiré... Ajoutons que la vie entière du missionnaire fut dédiée à la conversion "pacifique" des "sauvages". Il a réussi à leur inculquer les valeurs de foi, de solidarité, d'amour et de croyance en Dieu. Il a même sacrifié sa vie pour eux jusqu'à la fin, y compris sous la torture. Il les a soutenus. C'est une sorte de prophète, un nouveau Messie.

L'auteur démontre ainsi qu'il est possible d'évangéliser des peuplades athées sans détruire leur culture et en leur apportant des bienfaits. Nous espérons vous avoir éclairé(s) par notre réflexion.

M. , E. , L. et B.


J.P. Simon, "Atala et Chactas", B.N. Estampes. Photo Jeanbor.

Ed. Bordas, janvier 1989

Un sage compromis ...

En toute époque, dans toute société, l'homme s'est toujours interrogé sur ses origines et sur les raisons de son existence terrestre. De là ont émergé toutes les religions, où l'humanité puise les réponses à ses questions, dans l'adoration d'un ou de plusieurs dieux. Dans ATALA, deux de ces religions sont confrontées : le christianisme, religion monothéiste importée par les missionnaires européens, et la religion païenne et polythéiste des Indiens d'Amérique.

 

Ainsi Chateaubriand décrit la religion indienne comme paraissant primitive d'un point de vue européen et même parfois "sauvage". Toute la vie des Amérindiens est rythmée par des cultes et des prières, par exemple avent un départ à la chasse ou pour contrer les mauvais rêves. Cette religion reste pour le moins barbare car tuer n'est pas considéré comme un crime. Chateaubriand décrit en effet des scènes violentes, telle l'exécution du Père Aubry. D'après Chateaubriand, le christianisme doit permettre aux Indiens de se pacifier, en instaurant une morale fondée sur les Dix Commandements et la Bible en général, tout en s'adaptant aux moeurs indiennes. C'est ainsi que le Père Aubry va fonder une communauté chrétienne, vivant heureuse, comme on le découvre dans le chapitre "Les Laboureurs".

Or, les Indiens d'Amérique, ne connaissant pas la religion basée sur la tolérance, respectent scrupuleusement les fondements du christianisme. Atala est un bon exemple de cette grande foi, puisqu'elle rejette Chactas au nom des voeux religieux que lui avait imposés sa mère. Mais, si elle avait eu les connaissances du Père Aubry, notamment la possibilité d'être libéré(e) d'un voeu par un évêque, elle aurait pu épouser son amant Chactas. Nous pouvons en déduire que les bienfaits du christianisme ne sont profitables que lorsque les textes bibliques sont bien interprétés. Ainsi, le mythe du "Bon Sauvage" est brisé par la mise en évidence de la naïveté de ce peuple, qui n'a pas su se montrer capable de bien comprendre la nouvelle religion qui leur a été présentée.
Bien que Chateaubriand nous montre, par le biais de ce roman, les bienfaits du christianisme européen, confronté à la cruauté de certains rites indiens, il expose ici le besoin pour une religion de s'adapter à la culture de ses nouveaux fidèles...

Chateaubriand a ainsi réussi à montrer dans son roman la supériorité du christianisme, par rapport à la religion indienne, du moins dans certains domaines, tout en relevant également certaines supériorités de la culture indienne sur la culture européenne. Par exemple, il montre que la conversion d'un groupe d'Indiens au christianisme leur a permis de délaisser leurs moeurs sanguinaires, tout en préservant leurs rapports privilégiés avec la Nature et leurs savoirs ancestraux. L'autre bon exemple de conversion est bien sûr fourni par Chactas lui-même, qui accepte cette nouvelle religion davantage pour sa philosophie que pour le culte en lui-même...

Par ailleurs, Chateaubriand met en évidence l'importance de ne jamais forcer la conversion des autochtones, afin de ne pas s'exposer à leur violence. Les missionnaires cherchent à introduire la foi chrétienne dans la vie des Indiens, mais sans l'imposer.

T. , A. , B. et F.


Une étincelle d'humanité et d'humilité aurait suffi ...

De nos jours, le paganisme indien nord-américain a quasiment disparu, submergé par le christianisme. Il n'existe désormais plus de tribus indiennes authentiques respectant les coutumes ancestrales. Cette disparition est, sans aucun doute, due à la colonisation du XVIè siècle. Les Européens sont arrivés sur les terres du Nouveau Monde et y ont découvert un peuple différent qu'ils ont décidé d'évangéliser. Mais n'aurait-il pas été possible et juste d'allier le christianisme à leurs moeurs ?

Certes, il existe plusieurs différences notables. Tout d'abord, les Indiens païens vénéraient de nombreux dieux, alors que les chrétiens n'en reconnaissent qu'un. Les Indiens associent des Génies à leur vie quotidienne et doivent les respecter dans toutes leurs activités : pêche, chasse... Quant aux chrétiens, ils n'invoquent leur Dieu unique que dans le but de le remercier.

Ensuite, les Indiens disposaient d'un ensemble de rites qui choquaient les colons européens. Lors de la chasse, après avoir tué sa proie, le chasseur mangeait le coeur de l'ours pour s'en approprier la force. Ce genre de procédé a semblé extrêmement barbare et sauvage aux Européens. De plus ce sentiment de crainte a été renforcé lorsqu'ils ont découvert l'usage fréquent de la magie par les Indiens. On se souvient des nombreuses exécutions de présumés sorciers et sorcières en Europe.

Cela dit, des rapprochements nous semblent possibles entre les deux cultures : de l'eau changée en vin, un aveugle recouvrant la vue, un mort ressuscité... Ces phénomènes, qui font partie intégrante de la foi chrétienne, relèvent du miracle - que certains assimilent à la magie (1)...

Ensuite, nous voyons des points communs entre l'organisation hiérarchique des deux sociétés. Effectivement, les manitous, toujours assistants et conseillers des chefs, nous rappellent les évêques qui jouaient un rôle similaire auprès des rois.

On trouve également des rites chrétiens pouvant paraître étranges, comme le symbole de l'hostie qui, lors de la communion, représente le corps et le sang du Christ (2) ou l'utilisation intensive de l'encens dans les grandes cérémonies.

Enfin, les valeurs fondamentales des deux cultures se rejoignent : l'amour, le respect, l'amitié sont essentiels dans les deux "camps"...

Tout compte fait, Chateaubriand a prouvé, dans son roman intitulé ATALA, que l'alliance entre paganisme et christianisme était possible, car il existe de nombreuses similitudes entre ces deux cultures. Il aurait suffi d'une étincelle d'humanité et d'humilité chez les colonisateurs européens pour préserver l'harmonie entre les peuples.

C. , C. , P. et A.-F.

(1) Sujet à approfondir... Le miracle est-il le fruit d'un pouvoir "magique" ? S'adresser au professeur de culture religieuse.

(2) Il s'agit de la Transsubstantiation. Cf. Eucharistie. Les protestants n'acceptent pas le dogme de la Transsubstantiation...

Remarque : ce travail collectif sur ATALA a soulevé des questions - souvent inattendues - sur certains aspects de la foi chrétienne ou sur les rites religieux en général et a donc servi de révélateur : " qu'est-ce qu'un sanctuaire ?" ... " Qu'appelle-t-on Providence ?" ... "Les croyances confèrent-elles des pouvoirs magiques ?" ...etc ...
Cet ensemble de développements libres servira de fil conducteur pour aborder la technique de la dissertation...

Chateaubriand sur son lit de mort / 4 juillet 1848

 

 

A SUIVRE ...


Ci-contre, lithographie de Dien (
Collection de la Vallée aux Loups ) d'après le dessin à la mine de plomb de Mazerolle ( Archives du Château de Combourg ).

Etude de l'image : la mort d'Atala... Comparaison des jaquettes de diverses éditions récentes...

Ecrits d'invention : une autre "fin" pour Atala ?
ATALA / présentation du roman de Chateaubriand

Lien externe : résumé / sources / extrait d' ATALA

Texte intégral à cette adresse ( cliquez ) : http://hypo.ge-dip.etat-ge.ch/www/athena
Vers des écrits d'invention de la Seconde Canada 2003-2004

Vous avez dit "SAUVAGES" ? (clic) .....MAUDITS SAUVAGES (re-clic)


 Mise en page Yves Clady ©Copyright novembre 2003

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