Travaux de groupes en Seconde
Canada
2003-2004.
Textes collectifs.
Cet ensemble de
développements libres servira de
fil
conducteur pour aborder la technique de la
dissertation...
Introduction /
situation ... En
1791, Chateaubriand, alors âgé de 22 ans
et passionné de géographie et
d'histoire naturelle, s'embarque pour
l'Amérique, où il va rester cinq mois
et dont il parcourt en tous sens les régions
de l'Est, surtout dans le Nord, enivré des
beautés de la nature et des grandeurs de la
solitude... Il en rapporte de volumineuses notes,
des descriptions, récits, études,
l'embryon des Natchez, des fragments du Voyage en
Amérique,
des extraits de voyageurs et de naturalistes... En
1797, pendant son exil à Londres,
période où domine en lui un
pessimisme historique profond que
révèle son Essai sur les
Révolutions, écrit cette même
année, il rédige son roman
ATALA et des fragments de son futur
Génie du
Christianisme. De
retour à Paris, il publie ATALA
le 2 avril 1801 : des fragments de ce récit
avaient déjà paru dans le
Mercure. Ce récit est
l'évocation idyllique de la vie et de
l'âme des "sauvages", dans le goût du
temps, mais chef-d'oeuvre d'un style nouveau,
harmonieux et coloré. Le succès en
fut considérable, auprès des
lettrés aussi bien que du grand public.
Initialement, ce roman devait faire partie d'un
autre ouvrage, qui paraîtra un an
après ATALA,
le 14 avril 1802 :
Le Génie du
Christianisme,
dont le succès contribua à
répandre un catholicisme sentimental de
pauvre contenu dogmatique, mais de grande vertu
convaincante, et qui nourrit une bonne part de
l'imagination romantique. ( D'après Philippe van
Tieghem, Dictionnaire des
littératures, article "Chateaubriand", pages
822-823, QUADRIGE / PUF Paris 1984 ).
Documentation ...
Extrait d'un
article de presse. "Lorsque Chateaubriand, jeune aristocrate provincial, lit
Jean-Jacques
Rousseau, il se prend
d'affection pour une pure nature que la corruption
sociale n'a pas encore avilie. Cela le conduit
à observer avec bienveillance les premiers
soubresauts de la Révolution, dont il
perçoit néanmoins très
tôt les dérives. La Terreur ( 1792-1794 ), qui le pousse vers
l'exil, est une cassure définitive. Elle le
fait non seulement revenir vers le christianisme de
ses premières années, mais le
mène aussi en quête d'une
modération qu'il recherche dans toutes les
conceptions politiques de son époque, de la
monarchie à l'utopie et à la
démocratie. Ici apparaît la figure de
John
Milton, grand
poète anglais du XVIIè siècle,
homme d'exigence, de fidélité et de
tolérance, qui a exercé une profonde
influence sur Chateaubriand : "La
passion miltonienne de la liberté, fille de
la révélation chrétienne,
(...) parente de la passion de
l'indépendance de Rousseau (...)
agréait d'autant plus à Chateaubriand
qu'elle est le contrepoids naturel à la
passion de l'égalité, elle aussi
fille du christianisme" ... ( Extrait du récent ouvrage
de Marc Fumaroli , Chateaubriand, Poésie et
Terreur, Ed. de
Fallois ).
L'égalité, moteur de la
démocratie individualiste : Alexis de Tocqueville, un contemporain de Chateaubriand,
en a exposé mieux que d'autres la puissance
et les effets pervers. Dans son livre sur
Chateaubriand, l'académicien Marc
Fumaroli achève son parcours chez
Tocqueville et fait dialoguer après
coup les deux hommes. Un même pessimisme
aristocratique les réunit ; mais aussi
l'idée que la divine providence oriente
désormais l'histoire vers une
démocratie qui pourrait, toutefois, si les
hommes en viennent à se détourner de
Dieu, "se
dégrader et se retourner un jour en
anesthésie totalitaire de la
liberté".
in JOURNAL du DIMANCHE du 28 décembre
2003.
|
Analyses des
différents groupes
( perspectives et
problématiques choisies par les
élèves... )
Page de titre de la première
édition d'Atala, Paris, an IX (1801). (
Collection de la Vallée aux Loups
).
|
La religion façonne
l'homme
ATALA, de Chateaubriand, est
un roman controversé. A partir des
nombreux thèmes qu'on peut lui
attribuer, nous retiendrons la
problématique suivante :
quelle est
l'influence du christianisme sur des
communautés païennes, en
l'occurrence les tribus indiennes de la
Louisiane, dans le cadre enchanteur de
ces contrées sauvages et
inexplorées ? Ce sera
l'occasion d'approcher le problème
du rapport entre nature et
culture...
Le roman débute avec
les déboires d'un Indien Natchez,
Chactas, qui
va, dès les premières pages,
rencontrer la religion
chrétienne... Il la refusera tout
d'abord, par méconnaissance, mais
sa passion irrésistible pour Atala, fille d'un
chef indien ennemi des Natchez et
convertie, dévouée,
même, à l'Evangile, le
conduira à plus ample
réflexion. Cette emprise de la
religion sur le héros est
d'ailleurs perceptible tout au long du
roman : c'est là sa valeur
symbolique. Lopez, un Espagnol
qui l'a recueilli, ne parviendra pas
à le convertir, mais Atala
l'éclairera dans son ignorance et
le Père
Aubry, finalement, le persuadera...
Au travers des réflexions de
l'Indien, Chateaubriand
développe sa thèse et
tente de trouver une réponse
à sa problématique.
|
Le christianisme d'Atala est la
première tentative du jeune
écrivain de fixer des règles
par rapport à l'influence de la
religion sur la culture. La
personnalité d'Atala est, sur ce
point, intéressante. Sa croyance ne
modifiera en rien son apparence
extérieure, son intégration
dans la société
païenne, mais elle
métamorphose littéralement
sa moralité, ses opinions. C'est
une greffe de la foi chrétienne sur
les coutumes païennes.
La deuxième
expérience mise en scène par
l'ouvrage - et la plus significative - est
la création d'une Mission par le le
Père
Aubry, d'un village rural
auquel il est associé.
L'organisation du village dépend en
fait entièrement de
l'activité déployée
par le missionnaire... C'est lui qui a
apporté aux Indiens les bienfaits
du christianisme, tant la pratique de
l'agriculture qu'une richesse morale qui
anime leurs visages d'une extase
euphorique un peu naïve...
Ci-contre, page de titre de la
première édition du
Génie du
Christianisme, Paris, an X, (1802 ).
Collection de la Vallée aux Loups.
|
|
Funérailles d'Atala. Gravure de F.
Lignon d'après le tableau de
Gautherot ( Collection de la Vallée
aux Loups ).
|
Voilà le
véritable apport du christianisme
chez ces Indiens : une
naïveté joyeuse et enviable,
un simple mais incroyable état de
bonheur. Telle est l'image sublime,
magique de l'influence chrétienne
sur ces communautés païennes !
C'est un mélange des principes
chrétiens et du naturel indien,
mélange qui fonde un homme nouveau
- peut-être le prototype du "bon
sauvage" que Chateaubriand a
vainement cherché ? Il lui fallait
déceler un modèle de
perfection chez ces Sauvages... Le
christianisme semble lui en avoir
trouvé l'occasion, en guise de
"consolation"...
Comment Chactas pourrait-il
résister à un pareil
enjouement, à une simplicité
aussi inconsciente, à un sens de la
vie aussi strict et lumineux ? Le double
attrait de cette vie chrétienne
dans une mission et d'une union avec Atala finissent par
le persuader de se convertir.
|
Un événement
tragique vient pourtant perturber cet
univers enchanteur, telle une ondée
tombant soudain sur des eaux
tranquilles... Atala se meurt - et
quelle mort ! Elle a étrangement
résolu de mettre fin à ses
jours pour respecter un voeu, honorer une
promesse, le serment fait à sa
mère de préserver sa
virginité, l'empêchant ainsi
de céder à la passion de
Chactas.
C'était là son secret, une
contrainte qui lui semblait
irrévocable, alors même que
l'évêque de Québec
aurait pu la délier de ce
voeu, ce qu'elle apprendra trop tard du
Père
Aubry ... Cette religion qui
paraissait enchanteresse à Chactas est soudain
obscurcie à ses yeux par un
interdit fatal : un voile tombe sur la
perfection allégorique du
christianisme, en même temps que
succombe Atala, "victime" de
sa promesse chrétienne... Quel
surprenant paradoxe nous offre ainsi Chateaubriand... :
comme un cheveu sur la soupe, la mort
d'Atala vient
déchirer l'image paradisiaque de la
religion, alors à son paroxysme de
magie et de bienfaisance, et vient blesser
au coeur Chactas, tout
à son désir d'adopter la foi
chrétienne... Ce drame vient mettre
à bas son édifice
d'adoration au moment où sa
construction s'achevait. Serait-ce
là une conséquence de cette
mixité naïve de paganisme et de
christianisme
?
|
Atala et Chactas sur le Meschacebé.
Gravure coloriée anonyme (
Collection de la Vallée aux Loups
).
|
|
Mais revenons au
modèle de la Mission du Père Aubry,
qui représente peut-être dans
sa pureté la plus éclatante
l'idéal social et religieux de
Chateaubriand
. La différence entre les tribus
primaires d'Amérique et cette
communauté rurale est flagrante,
significative. C'est la religion
chrétienne et ses principes qui ont
fondamentalement remodelé le socle
de cette société
païenne. C'est la religion
chrétienne qui dicte leur conduite,
tant morale que sociale, aux villageois et
qui leur inspire cette joie, cette
allégresse débordante. C'est
la religion qui fonde leur
société, comme toute
société. On perçoit
cependant une nuance dans la pensée
de l'auteur : des traces de paganisme
subsistent encore au sein de cette
société originale ; cela a
son importance. Mais, encore une fois, la
religion païenne est une
religion, qui contribue à la
vie culturelle de cette communauté
particulière, à
côté du christianisme.
Peut-être
dégoûté, Chactas sera
éloigné de sa "vocation"
pendant un long moment. Sa
métamorphose morale semble pourtant
inéluctable. Il finira par
céder à l'idéal
chrétien, à un âge
avancé. Aurait-il oublié les
effets funestes sur Atala d'un voeu
chrétien perçu comme
irrévocable ? Non... La religion
chrétienne lui offre un
réconfort : l' espoir ultime de
rejoindre Atala dans
l'au-delà...
Ci-contre, pendule bronze et cuivre
représentant des scènes
d'ATALA : Atala délivre Chactas, le
convoi d'Atala ( collection privée
).
|
|
Chateaubriand arrive
à tirer plusieurs enseignements de cette
expérience passionnante. La religion, ainsi
qu'il le démontre, est le fondement de toute
société. Elle modifie à sa
façon le comportement, l'esprit de ses
adeptes. Elle façonne l'homme,
l'imprègne de son empreinte. Chateaubriand pensait
découvrir le "Bon Sauvage" en Amérique... Il l'a
bel et bien trouvé ou du moins
conçu à sa manière,
dans cet ouvrage splendide...
Ci-contre, assiette avec
représentation d'Atala racontant son
histoire au Père Aubry ( Collection
particulière ).
|
|
E., R. , A. et
A.
Illustrations extraites d'un ouvrage critique de
Henri Le
Savoureux, CHATEAUBRIAND, paru aux
éditions
Rieder, en 1930.
Est-il
possible d'évangéliser des peuplades
païennes sans détruire leur culture
?
Différents ouvrages de
Chateaubriand peuvent amener à
débattre d'un sujet très
délicat : les bienfaits de la
christianisation en Amérique...
En effet,
l'écrivain veut y montrer qu'il est possible
d'évangéliser les peuplades
païennes sans détruire leur culture.
Citons, comme ouvrage de référence,
l'illustre et incontournable roman intitulé
ATALA.
Chaque
société est basée sur ses
propres fondements religieux, mais cette culture
peut être influencée, voire
remplacée par d'autres croyances. Nous
prendrons comme point de départ une tribu
indienne qui vénère des génies
présents autour d'elle.
Les
missionnaires n'obligeaient pas les individus
qu'ils recueillaient à pratiquer la religion
chrétienne. Ils enseignaient seulement les
bienfaits, les valeurs essentielles du christianisme - tels le partage et la charité fraternelle. Les moissons
étaient déposées dans des
greniers communs afin que chacun puisse apprendre
l'économie
sociale. Puis elles
étaient partagées
équitablement.
Autre exemple :
les missionnaires affirment ne chercher à
imposer aucune loi, mais seulement vouloir
apprendre à s'aimer, à prier Dieu et
à espérer une autre vie. Mais ils
laissaient tout de même certaines
libertés, comme l'enterrement des
défunts selon les rites indiens.
|
Librairie Larousse,
1934
|
Dessin de Step. Barth.
Garnier pour la première
édition illustrée d'Atala ;
Paris, Lenormand, 1805. Reproduction in
Classiques Larousse 1935.
|
De plus, les
autochtones manifestaient à l'égard
de leur guide spirituel une très grande
estime : sur le passage du Père Aubry, les
habitants du village rural qu'il avait fondé
cessaient toute activité et les mères
élevaient leurs enfants au dessus de leurs
têtes pour qu'ils reçoivent la
bénédiction du
prêtre-patriarche.
Le baptême était aussi pratiqué
au bord d'une source et les époux recevaient
du missionnaire la bénédiction
nuptiale.
Tous ces
exemples illustrent les bienfaits de la
christianisation qui, en outre, empêche les
guerres sanguinaires entre tribus de continuer
à ravager les populations.
La
christianisation s'oppose aussi à certains
rites religieux indiens tels que l'automutilation ou les sacrifices. En effet, durant la grande
cérémonie de la Danse du Soleil, l' okeepa, qui a lieu au début de
l'été, des danseurs subissent des
épreuves proches de
l'automutilation.
Les croyances
des Indiens d'Amérique du Nord
présentent une grande diversité,
selon les territoires qu'ils occupent et les modes
de vie qu'ils adoptent. Leur société
était fondée sur des fondements
religieux bien précis. Ils croient que tous
les éléments de la nature - hommes,
animaux et plantes - sont habités par une
partie de l'énergie spirituelle de
l'univers, un grand esprit, le Manitou ou le Wakan.
|
Quant à la terre,
considérée comme la Mère
dont est issue toute chose, elle fait l'objet d'un profond
respect.
Mais ces croyances
négligeaient l'homme et son importance : elles ne
respectaient pas assez la vie et la beauté de
l'amour. Ainsi, le christianisme a apporté à
ces croyances une paix essentielle.
Chateaubriand a pu, dans
ses différentes oeuvres, démystifier le
mythe du "Bon
Sauvage" pour mettre en relief
les vertus de l'évangélisation."
M., C., J.
et A.
CONTROVERSE
Au cours de nos
investigations entièrement consacrées
à la religion chrétienne,
principalement évoquée dans le
récit de Chateaubriand,
ATALA, nous sommes
parvenues à discerner les bienfaits
apportés à la culture indienne par le
christianisme ... CEPENDANT, une de nos questions a
débouché sur une réponse
mitigée : est-il possible
d'évangéliser des peuplades
païennes sans pour autant porter atteinte
à leurs croyances et à leurs moeurs
?
Dans toute
société, qu'elle soit indienne ou
européenne, l'homme a toujours eu besoin de
croire en un être supérieur en tout
point, pour trouver non seulement une sorte de
soutien moral dans ses épreuves
quotidiennes, mais aussi un sentiment de protection
et de sécurité.
|
En
arrivant en Louisiane, le Père
Aubry, un
missionnaire français envoyé
vers le Nouveau Monde dans le but de convertir
les peuples païens au christianisme,
découvre des familles errantes dont
les traditions sont féroces et la
vie fort misérable. Il a su tirer
profit de la religion des Indiens pour
leur faire entendre des paroles de paix,
ce qui a entraîné
l'adoucissement graduel de leurs moeurs.
Ces Indiens ont ainsi appris à
vivre en communauté, en conservant
une certaine simplicité, source de
bonheur... Chateaubriand lui-même
écrit, par l'intermédiaire
du Père
Aubry :
" (...) je voyais l'Indien
se civilisant à la voix de la
religion ; j'assistais aux noces
primitives de l'Homme et de la Terre (...)
". Cette
religion a aussi entraîné
d'importants bouleversements dans la vie
des Indiens, car, comme le dit le
Père Aubry : " je ne leur ai
donné aucune loi ; je leur ai
seulement enseigné à
s'aimer, à prier Dieu, et à
espérer une meilleure vie : toutes
les lois du monde sont
là-dedans."
|
CEPENDANT, il a
quand même imposé un nouveau mode de
vie aux autochtones, à travers la religion
chrétienne. En effet, leurs journées
sont rythmées par de nombreuses
prières et sacrifices à Dieu. Or, le
Père Aubry avait-il le droit de transformer
les croyances d'un peuple au lieu de s'y conformer
? C'est pourtant ce qu'il a fait en Louisiane...
Nous remarquons
que le christianisme n'a pas toujours
été bénéfique à
ces peuples païens puisqu'il a engendré
chez eux une consécration totale à un
Dieu étranger à leur culture - et ils
seraient même prêts à sacrifier
leur vie pour lui. C'est le cas d'Atale qui, vouée à la
chasteté par sa mère, va
préférer se suicider plutôt que
de rompre sa promesse à Dieu...
De par l'action
de nombreux missionnaires tels que le père Aubry ; les moeurs et croyances de
peuples indiens ont été
entièrement abolies... On le voit bien
aujourd'hui, puisqu'il n'existe pratiquement plus
aucun peuple vivant toujours à la
façon ancestrale des Indiens...
Ainsi, on peut
en conclure que Chateaubriand n'a pas
entièrement atteint son objectif religieux,
à savoir prouver que l'on peut
évangéliser des peuplades indiennes
sans pour autant porter atteinte à leur
culture. En effet, sans vraiment le vouloir, le
père Aubry a détruit ces cultures en
influant sur les croyances des
Indiens...
L. , A. , L. et A.
|
A propos
d'ATALA, roman de Chateaubriand, inspiré par son voyage en
Amérique...
Chateaubriand s'attendait à
découvrir une Amérique
peuplée d'Indiens que tout le monde
croyait parfaits, pacifistes et en accord total
avec la nature... Nous pouvons imaginer qu'il fut
quelque peu surpris et même
déçu par la réalité.
Initialement destiné à faire partie
d'une oeuvre plus vaste,
Le Génie du
Christianisme, le récit
intitulé Atala reflète les
découvertes de son auteur sur le terrain et
illustre sa volonté de donner à cet
ouvrage des résonances religieuses...
L'histoire est centrée sur un couple de deux
Indiens que la religion oppose. L'un, Chactas, est païen,
l'autre, Atala, est
chrétienne. Chactas est un
idolâtre. Les Indiens païens voient un
esprit à vénérer en chaque
élément de la Nature. Ils se
réfèrent aux différents signes
de cette dernière pour interpréter
leur destin. C'est que la Nature occupe une place
primordiale dans leur culte. Ils vivent en symbiose
avec elle depuis toujours. Pourtant, ils tuent des
animaux pour les offrir en sacrifice - et
même des humains pour célébrer
la "fête des morts". Cette religion a
donc des aspects barbares...
|
Chateaubriand à trente ans...
Lithographie de H.
Brunet. Collection
de la Vallée aux Loups.
|
Librairie Hachette, 1935
|
La vie des Indiens est rythmée
par des rituels, depuis les pratiques les plus
banales jusqu'aux célébrations comme
le mariage. Celui-ci commence par un rituel
où deux vierges cherchent à
s'arracher une baguette de saule. Ensuite chacun se
rend sur la tombe de ses aïeuls. Les
idolâtres n'ont aucun respect pour la vie de
ceux qui appartiennent à une autre tribu que
la leur, même s'ils viennent en paix, sans
mauvaises intentions.
Atala
est une Indienne convertie par sa mère au
christianisme. Cette
croyance adoucit les moeurs de ceux qui y
adhèrent : en effet, les chrétiens ne
tolèrent pas ces massacres inutiles
appelés
"sacrifices". En outre, le christianisme est
une religion monothéiste, ce qui
facilite sa pratique, car il est plus facile de
contenter un seul Dieu
plutôt qu'une multitude. Il apparaît
également que le Dieu des chrétiens
se montre plus clément car, si l'un de ses
disciples est dans le malheur, il fera un geste
pour l'aider. Mais il faut que les autochtones
connaissent la douleur, la souffrance et les
sacrifices... Il faut qu'ils soient conscients de
leur chance lorsque, par exemple, ils trouvent
à manger, même si ce n'est qu'un
peu... Ils savent alors qu'on peut souffrir encore
plus, donc être heureux de ce qu'on a.
Pourtant, on pourrait penser que celle qui a eu le
moins de chance est Atala. Sa mère fit
une promesse pour obtenir la survie de sa fille.
Or, la parole donnée coûtera la vie
à cette dernière.
Le Père
Aubry est celui qui resserrera les liens
unissant le jeune couple. Grâce à lui,
leur amour s'épanouira, malgré le
lourd secret de la jeune fille. Le Père Aubry
représente la religion chrétienne en
terre païenne. Il est envoyé par Dieu
pour révéler celle-ci aux Indiens. En
présence d'Atala, il amènera peu
à peu Chactas
au christianisme. Il initie également
certains Indiens qui construiront une petite
chapelle dans le village.
|
On peut se demander comment deux
êtres aussi différents religieusement
l'un de l'autre ont pu s'aimer. Atala elle-même
déclarera à Chactas que jamais elle ne
pourra se résigner à épouser
un idolâtre. Malgré cela, ils
réussissent à s'aimer de toutes leurs
forces jusqu'à la mort d'Atala, ce qui
démontre que l'amour est plus fort que
tout...
On voit que Chateaubriand a fait
d'ATALA un roman
où la religion tient une place importante.
Cet ouvrage n'est donc pas un simple récit
romantique centré sur une pittoresque
histoire d'amour. Il nous montre également
que le christianisme est partout, même au
beau milieu d'une jungle, au fin fond de l'Amérique. Chactas, en
changeant de croyance, n'a en rien modifié
ses habitudes et sa culture. Par contre, cette
situation a sûrement influé sur sa
psychologie et il est peut-être devenu un
autre homme, intérieurement. En initiant les
Indiens au
christianisme, le Père
Aubry n'a pas détruit la culture
indienne. Ils continuent à vivre de la
même façon, mais la seule
différence est la foi qu'ils ont
gagnée en se convertissant au chritianisme.
Nous concluons tout ceci en affirmant la
réussite de Chateaubriand dans son projet de
démontrer que la conversion des Indiens
à la foi chrétienne ne détruit
pas leur culture.
G.,
H-B., Q. et M.
|
Gravure sur bois de Gustave
Doré
Ed. Larousse,
janvier 1986
|
"Je leur ai seulement
enseigné à s'aimer..."
Nous allons
centrer notre présentation du fait religieux
dans ATALA sur
la problématique suivante : est-il possible
d'évangéliser des peuples païens
sans pour autant détruire leur culture
?
Regardons dans
le livre : le père Aubry est, à ses débuts,
confronté à des moeurs inconnues, qui
lui semblent féroces. En effet, la religion
païenne est fondée sur diverses
divinités et sur une nature
omniprésente. Au fur et à mesure, il
constate qu'il ne pourra pas déraciner la
religion païenne de la vie des sauvages car
c'est le fondement même de leur
société. Au lieu de leur imposer la
seule foi chrétienne, il
préfère préserver les
meilleurs aspects de leurs croyances pour les
mêler à la religion chrétienne.
Ainsi, les messes sont
célébrées en pleine nature. Il
n'y a donc aucun dépaysement pour les
autochtones d'Amérique.
Par ailleurs,
le père
Aubry insère progressivement des
symboles religieux chrétiens dans la vie
quotidienne des païens. Si chaque
sépulture conserve le nom "sauvage" du
défunt enterré selon le rituel
indien, une croix est cependant plantée dans
l'enceinte du cimetière...
Le père Aubry laisse une autonomie
complète aux habitants du village qu'il a
fondé. Il se contente simplement de les
conseiller, d'intervenir quand il en ressent le
besoin. Lui-même dit : " Je ne leur ai donné aucune
loi ; je leur ai seulement enseigné à
s'aimer, à prier Dieu et à
espérer une meilleure vie ; toutes les lois
du monde sont là-dedans."
|
Il n'y a pas de
conversion obligatoire : chacun est libre de
choisir sa religion, d'intégrer plus ou
moins la foi chrétienne selon son souhait.
Après avoir entendu les paroles
passionnées du prêtre, Chactas désire mieux
connaître cette nouvelle religion. Il a vu et
compris les bienfaits du christianisme à
travers l'oeuvre du père Aubry : la paix, l'unité de la
communauté qui respecte la diversité
des êtres et de chaque être, le
progrès nécessaire pour faciliter le
bien-être matériel tout en
préservant chez les Indiens leur esprit simple et
honnête.
Comme Chactas,
les Indiens sont devenus chrétiens
presque inconsciemment. Ils respectent le
père
Aubry : ils accourent
au-devant de lui, baisent sa robe et l'aident
à marcher...
En conclusion,
nous pouvons affirmer que le roman ATALA
permet à Chateaubriand de convaincre son lecteur de
l'influence bienfaisante de la religion
chrétienne sur la culture païenne. Il
fait du père
Aubry le
représentant de l'Eglise catholique. Aussi
ce dernier est-il décrit comme un homme
saint, respecté, aimé et
admiré... Ajoutons que la vie entière
du missionnaire fut dédiée à
la conversion "pacifique" des "sauvages". Il a
réussi à leur inculquer les valeurs
de foi, de solidarité, d'amour et de
croyance en Dieu. Il a
même sacrifié sa vie pour eux
jusqu'à la fin, y compris sous la torture.
Il les a soutenus. C'est une sorte de
prophète, un nouveau Messie.
L'auteur
démontre ainsi qu'il est possible
d'évangéliser des peuplades
athées sans détruire leur culture et
en leur apportant des bienfaits. Nous
espérons vous avoir éclairé(s)
par notre réflexion.
M. , E. , L. et B.
|
J.P.
Simon, "Atala et Chactas", B.N. Estampes. Photo Jeanbor.
Ed. Bordas, janvier
1989
|
Un
sage compromis ...
En toute
époque, dans toute société,
l'homme s'est toujours interrogé sur ses
origines et sur les raisons de son existence
terrestre. De là ont émergé
toutes les religions, où l'humanité
puise les réponses à ses questions,
dans l'adoration d'un ou de plusieurs dieux. Dans
ATALA, deux de ces religions sont
confrontées : le christianisme, religion monothéiste
importée par les missionnaires
européens, et la religion païenne et
polythéiste des
Indiens d'Amérique.
|
Ainsi
Chateaubriand décrit la religion
indienne comme paraissant primitive d'un
point de vue européen et même
parfois "sauvage". Toute la vie des
Amérindiens est rythmée par
des cultes et des prières, par
exemple avent un départ à la
chasse ou pour contrer les mauvais
rêves. Cette religion reste pour le
moins barbare car tuer n'est pas
considéré comme un crime.
Chateaubriand décrit en effet des
scènes violentes, telle
l'exécution du Père
Aubry.
D'après Chateaubriand, le christianisme doit
permettre aux Indiens de se pacifier, en
instaurant une morale fondée sur
les Dix
Commandements
et la Bible en général,
tout en s'adaptant aux moeurs indiennes.
C'est ainsi que le Père Aubry va
fonder une communauté
chrétienne, vivant heureuse, comme
on le découvre dans le chapitre
"Les
Laboureurs".
Or,
les Indiens d'Amérique, ne
connaissant pas la religion basée
sur la tolérance, respectent
scrupuleusement les fondements du
christianisme. Atala est un bon exemple de
cette grande foi, puisqu'elle rejette
Chactas au nom des voeux
religieux que lui avait imposés sa
mère. Mais, si elle avait eu les
connaissances du Père
Aubry,
notamment la possibilité
d'être libéré(e) d'un
voeu par un évêque, elle
aurait pu épouser son amant
Chactas. Nous pouvons en
déduire que les bienfaits du
christianisme ne sont profitables que
lorsque les textes bibliques sont bien
interprétés. Ainsi, le mythe
du "Bon
Sauvage" est
brisé par la mise en
évidence de la naïveté
de ce peuple, qui n'a pas su se montrer
capable de bien comprendre la nouvelle
religion qui leur a été
présentée.
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Bien que
Chateaubriand nous montre, par le biais de ce
roman, les bienfaits du christianisme
européen, confronté à la
cruauté de certains rites indiens, il expose
ici le besoin pour une religion de s'adapter
à la culture de ses nouveaux
fidèles...
Chateaubriand a ainsi réussi à
montrer dans son roman la supériorité
du christianisme, par rapport à la religion
indienne, du moins dans certains domaines, tout en
relevant également certaines
supériorités de la culture indienne
sur la culture européenne. Par exemple, il
montre que la conversion d'un groupe d'Indiens au
christianisme leur a permis de délaisser
leurs moeurs sanguinaires, tout en
préservant leurs rapports
privilégiés avec la Nature et leurs
savoirs ancestraux. L'autre bon exemple de
conversion est bien sûr fourni par
Chactas lui-même, qui accepte cette
nouvelle religion davantage pour sa philosophie que
pour le culte en lui-même...
Par ailleurs,
Chateaubriand met en évidence
l'importance de ne jamais forcer la conversion des
autochtones, afin de ne pas s'exposer à leur
violence. Les missionnaires cherchent à
introduire la foi chrétienne dans la vie des
Indiens, mais sans l'imposer.
T. , A. , B. et F.
Une étincelle d'humanité et d'humilité aurait suffi ...
De nos jours,
le paganisme indien nord-américain a
quasiment disparu, submergé par le
christianisme. Il n'existe désormais plus de
tribus indiennes authentiques respectant les
coutumes ancestrales. Cette disparition est, sans
aucun doute, due à la colonisation du
XVIè siècle. Les Européens
sont arrivés sur les terres du Nouveau Monde
et y ont découvert un peuple
différent qu'ils ont décidé
d'évangéliser. Mais n'aurait-il pas
été possible et juste d'allier le
christianisme à leurs moeurs ?
Certes, il
existe plusieurs différences notables. Tout
d'abord, les Indiens païens
vénéraient de nombreux dieux, alors
que les chrétiens n'en reconnaissent qu'un.
Les Indiens associent des Génies à leur vie quotidienne et
doivent les respecter dans toutes leurs
activités : pêche, chasse... Quant aux
chrétiens, ils n'invoquent leur Dieu unique
que dans le but de le remercier.
Ensuite, les
Indiens disposaient d'un ensemble de rites qui
choquaient les colons européens. Lors de la
chasse, après avoir tué sa proie, le
chasseur mangeait le coeur de l'ours pour s'en
approprier la force. Ce genre de
procédé a semblé
extrêmement barbare et sauvage aux
Européens. De plus ce sentiment de crainte a
été renforcé lorsqu'ils ont
découvert l'usage fréquent de la
magie par les Indiens. On se souvient
des nombreuses exécutions de
présumés sorciers et sorcières
en Europe.
Cela dit, des
rapprochements nous semblent possibles entre les
deux cultures : de l'eau changée en vin, un
aveugle recouvrant la vue, un mort
ressuscité... Ces phénomènes,
qui font partie intégrante de la foi
chrétienne, relèvent du
miracle - que certains assimilent à
la magie
(1)...
Ensuite, nous
voyons des points communs entre l'organisation
hiérarchique des deux
sociétés. Effectivement, les
manitous, toujours assistants et
conseillers des chefs, nous rappellent les
évêques qui jouaient un rôle
similaire auprès des rois.
On trouve
également des rites chrétiens pouvant
paraître étranges, comme le symbole de
l'hostie qui, lors de la communion,
représente le corps et le sang du Christ
(2) ou l'utilisation intensive de
l'encens dans
les grandes cérémonies.
Enfin, les
valeurs fondamentales des deux cultures se
rejoignent : l'amour, le respect, l'amitié
sont essentiels dans les deux "camps"...
Tout compte
fait, Chateaubriand a prouvé, dans son roman
intitulé ATALA, que l'alliance entre paganisme et
christianisme était possible, car il existe
de nombreuses similitudes entre ces deux cultures.
Il aurait suffi d'une étincelle d'humanité
et d'humilité chez les colonisateurs
européens pour préserver
l'harmonie entre
les peuples.
C. , C. , P. et A.-F.
(1)
Sujet
à approfondir... Le miracle est-il le fruit d'un pouvoir
"magique" ? S'adresser au professeur de culture
religieuse.
(2) Il s'agit de la
Transsubstantiation. Cf. Eucharistie. Les protestants
n'acceptent pas le dogme de la
Transsubstantiation...
Remarque : ce travail collectif sur ATALA a
soulevé des questions - souvent inattendues
- sur certains aspects de la foi chrétienne
ou sur les rites religieux en général
et a donc servi de révélateur : " qu'est-ce qu'un
sanctuaire ?" ... " Qu'appelle-t-on
Providence ?" ... "Les croyances confèrent-elles des
pouvoirs magiques ?" ...etc ...
Cet
ensemble de développements libres servira de
fil
conducteur pour aborder la technique de la
dissertation...
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Chateaubriand sur
son lit de mort / 4 juillet 1848
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Ci-contre, lithographie de Dien ( Collection de la Vallée aux
Loups )
d'après le dessin à la mine de plomb
de Mazerolle ( Archives du Château de
Combourg ).
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