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Méditations...
"Plus la saison
était triste, plus elle était en rapport avec
moi : le temps des frimas, en rendant les communications
moins faciles, isole les habitants des campagnes... On se
sent mieux à l'abri des hommes.
Un caractère
moral s'attache aux scènes de l'automne : ces
feuilles qui tombent comme nos ans, ces fleurs qui se fanent
comme nos heures, ces nuages qui fuient comme nos illusions,
cette lumière qui s'affaiblit comme notre
intelligence, ce soleil qui se refroidit comme nos amours,
ces fleuves qui se glacent comme notre vie, ont des rapports
secrets avec nos destinées.
Je voyais avec un
plaisir indicible le retour de la saison des tempêtes,
le passage des cygnes et des ramiers, le rassemblement des
corneilles dans la prairie de l'étang, et leur
perchée à l'entrée de la nuit sur les
plus hauts chênes du grand Mail. Lorsque le soir
élevait une vapeur bleuâtre au carrefour des
forêts, que les complaintes ou les lais du vent
gémissaient dans les mousses flétries,
j'entrais en pleine possession des sympathies de ma nature.
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Page
dédiée à Michèle Spielmann
Chateaubriand, Mémoires
d'Outre-Tombe
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