Soeurs Bernadette / La méthode Bernadette

Au début des années 1930...
Au tournant du XXe siècle, dans la petite ville industrielle de Thaon-les-Vosges, en Lorraine, quelques jeunes ouvrières décident de se vouer secrètement à Dieu. Ces jeunes « vierges séculières », ces « suivantes du Christ » &endash; les «  soeurs Bernadette  » &endash; s'efforcent de convertir leurs camarades aux usines de blanchisserie, tout en luttant contre l'illettrisme par l'organisation de divers cours du soir. Elles mettent au point une saisissante méthode de catéchisme basée sur l'usage de dessins au pochoir : silhouettes noires sur fond blanc.

Ainsi débute l' "épopée Bernadette" : l'aventure inouïe d'une communauté de femmes qui, durant 30 ans, va penser, s'exprimer, agir et combattre en images. Car l'aventure est guerrière. Il s'agit de faire pièce aux dépravations intellectuelles, morales, politiques et artistiques du monde moderne. Sur le plan des images, il s'agit de lutter pied à pied « contre l'art matérialiste, cubiste et communiste ». Il s'agit, autrement dit, d'allumer, au coeur du XXe siècle, un contre-feu à la modernité. Blanc contre noir. Images contre images. Manichéisme primaire et naïf du début des années 30...

« L'enseignement par silhouette offre le maximum d'impression photographique sur la rétine » : les soeurs Bernadette dessinent au pochoir des images d'une singulière efficacité : images découpées au couteau et aux ciseaux. Images tranchées, singulièrement efficaces et désopilantes.

Le premier volume catéchistique est une « Vie de Jésus » en 150 images silhouettiques, soit 150 cartons à accrocher dans une salle. Datée de 1934, elle est entièrement réalisée et tirée à une dizaine d'exemplaires par la technique du pochoir. Quelques années plus tard, pour faire face aux commandes des paroisses françaises et des pères missionnaires établis dans les colonies, les images sont dessinées à l'encre noire, puis imprimées par procédé photomécanique.

Près de soixante-dix ans après leur invention, les Éditions Matière ont retrouvé ces centaines d'images et en ont (re)monté l'essentiel sous la forme d'une bande dessinée. L'extraordinaire puissance visuelle et narrative des silhouettes Bernadette est là, intacte. Par l'effet de ce montage inédit, la Méthode se raconte elle-même, met au jour le récit de son invention, dévoile ses enjeux, ses ambitions, son ascension et sa chute : l'interdit jeté sur elle par l'Église, ses vaines tentatives d'autocensure, et enfin la longue occultation dont elle a fait l'objet jusqu'à aujourd'hui...

 

Précisions sur les "Soeurs Bernadette" et leurs activités

En 1905, au moment de la séparation de l'Église et de l'État, elles s'engagent dans la lutte contre la laïcité, au point de faire figure d'héroïnes locales en maintenant coûte que coûte, clandestinement (cours donnés dans des caves, des soeurs faisant le guet pour éviter les patrouilles et les descentes de gendarmes...), l'ancien enseignement désormais interdit. C'est dès cette époque sans doute que naît la vocation militante de celles que la population de Thaon-les-Vosges nomme désormais les « soeurs Bernadette ».

Au début des années 1930, ce militantisme religieux trouve à se formaliser, à se radicaliser par la mise au point d'un enseignement catéchistique audiovisuel, dit « Méthode Bernadette ». Par cette méthode, les soeurs entendent non seulement éduquer pieusement la jeunesse, mais encore lutter avec des images contre les images du monde (presse laïque, pornographie, cinéma, art moderne...).

Au plus fort de leur activité, dans l'immédiat après-guerre et tout au long des années 1950, les Bernadette forment une communauté d'une quarantaine de femmes. En tant qu'auteur, les « soeurs Bernadette » consistent, au sein de cette communauté, en un noyau d'une dizaine de personnes réparties selon divers postes techniques. Au coeur de ce noyau se trouve le curé de Thaon-les-Vosges, l'abbé Bogard, qui décide du programme iconographique, et soeur Marie de Jésus, qui compose et dessine selon ses instructions.

Le « studio d'art religieux », ainsi animé, fonctionne durant près de 30 ans, jusqu'en 1965, à la mort de l'abbé Bogard. En 1967, la Méthode est définitivement interdite par l'Église. Soeur Marie de Jésus décède en 1969.

En 2006, les soeurs Bernadette (ayant entretemps gagné le giron de l'Église, et formant désormais congrégation) n'étant plus qu'au nombre de trois, quittent leurs locaux historiques. Elles ont pris soin, avant cela, d'autoriser et de faciliter l'élaboration d'un ouvrage aux Éditions Matière, ainsi que de faire donation d'un grand nombre de documents à la Ville de Thaon et au Musée de la photographie Nicéphore Niépce (Châlon-sur-Saône).


Directeur de la collection IMAGÈME


Images extraites de La Méthode Bernadette / coll. Musée Nicéphore Niépce
Autre fiche en vue :

Dans l'esprit des utopies... ou l'impasse totalitaire...

Soeurs Bernadette LA MÉTHODE BERNADETTE, coll. Imagème, dirigée par Laurent BRUEL

Bande dessinée / ouvrage broché / Editions Matière (cliquez) / 08/2008

Au musée Nicéphore Niépce

Procession d'images pieuses (cliquez)

Vers la page du Semainier où figure la présentation de la Méthode Bernadette... (production Pléiade)

Passages (en ombres chinoises)

Une production Pléiade

Les Silhouettes de Villé (production Pléiade)

Incognito / Codex (productions Pléiade)

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