LETTRES DU LOUP

1994 - 95 ...dix ans déjà...

Senonges, le 19 / 09 / 94

 

Chers agriculteurs,

 

Vos moutons, vos brebis, vos agneaux, je les mangerai tous les uns après les autres... Mais vous ne m'attraperez jamais : je suis plus rusé et plus fort que les hommes ! D' ailleurs, le week-end passé, j' étais en quête de nourriture losque j' ai aperçu un agneau en train de têter sa mère brebis... Devant ce bon plat bien frais, je n'ai pas résisté.

Et puis cela fait deux jours maintenant que je n' ai plus mangé... Alors, chers agriculteurs, le matin, quand vous irez dire bonjour à vos troupeaux de bêtes, vous remarquerez des disparitions, alors que mon tableau de chasse, lui, s' est enrichi !

Ceci dit, je m' adresse maintenant à tout le monde : vos pièges ridicules, vous pouvez les garder pour les petites souris... Moi, je suis un Loup, le "Méchant Loup", prêt à dévorer tout le monde !

 

Le loup Jérôme

 

Senonges, le 19 / 09 / 94

 

Aux Agents de l' ONF,

J' ai depuis toujours une réputation de tueur impitoyable. Au Moyen-Age, déjà, mes ancêtres étaient considérés comme des "monstres", des "satans"... Ces ragots inventés par les hommes firent courir leur imagination... Exterminés à cause de la folie humaine, nous survivons difficilement, si bien qu' aujourd' hui je n' existe que dans les zoos et les contes pour enfants, où, bien sûr, je joue le mauvais rôle.

En fait, le Loup n' a rien d' un monstre. S' il tue, c'est pour vivre, car ce n' est qu' un animal ! Mais quand l' homme tue, c' est pour arracher un bout de terre aux autres, pour affirmer sa supériorité...

Alors, s' il faut vraiment que je sois capturé, au lieu de me tuer, accordez-moi le seul droit possible dans ce cas : celui de vivre dans un parc animalier...

 

Le Loup Julien

 

 

Senonges, le 19 / 09 / 94

 

Cher M. le Maire,

 

 

voilà trois mois que vous cherchez à me piéger. N' y comptez pas : je suis beaucoup plus rusé que vous. Abandonnez la poursuite, car vous n' y arriverez jamais ! Vous avez tout essayé sans aucun résultat. J' ai découvert une cachette où même les chasseurs ne parviendront pas à me débusquer. Vous voyez, vous n'avez aucune chance ! Et si vous envoyez vos chiens, j' en ferai de la chair à pâtée !...

Cependant un homme a tout de même réussi à me filmer deux fois. Je l' en félicite.

Bon, je vous laisse... J' espère que vous m'écouterez !

 

Maxime le Loup

Senonges, le 19 / 09 / 94

 

Cher monsieur,

 

Veuillez m' excuser, moi, le "Loup des Vosges", de vous poser tant de problèmes, mais il faut bien que je me nourrisse...

Cela m' embête de croquer tout le temps vos moutons, mais ils sont tellement tendres que je fais toujours mes courses chez vous ( sans payer, bien sûr ! )... Et c' est pour cela que j' ai décidé de vous rembourser. Voici mon marché :

...tous les samedis et dimanches, vous rentrerez vos moutons dans la bergerie et je prendrai leur place dans l' enclos. Vous placarderez des affiches en ville, annonçant que vous avez attrapé la " terrifiante Bête des Vosges " et que l' on peut venir la voir chez vous le week-end, sans courir le moindre danger. Je ferai semblant d' être agressif et les citadins viendront de toutes les villes pour voir la fameuse "Bête des Vosges"... L' entrée sera payante. Chaque début de semaine, vous me donnerez de quoi me nourrir, c' est-à-dire un mouton et quelques poulets, puis je repartirai pendant la semaine dans la forêt.

Au bout de quelques jours, vous gagnerez plus d' argent que vous n' en perdez en me nourrissant.

Alors, êtes-vous prêt à signer ce contrat ?

J' attends votre réponse avec impatience.

 

Le Loup Maxime

Senonges, le 19 / 09 / 94

 

 

Bonjour, Agents de l' ONF !

 

 

Je m' appelle " CHAUSSETTE" car, à ma naissance, mes pattes étaient blanches et mon corps noir. Lisant les journaux, j' ai pu éviter tous vos pièges ; quelle magnifique invention que l' information !

Je pourrais écrire un roman sur moi, mais je n' en ai pas le temps ! Mais venons-en au sujet de cette lettre...

Tout jeune, je jouais avec mes frères et soeurs, quand soudain je suis tombé dans un piège - trou... Mes parents devant partir avec la meute, ils m' ont abandonné et j' ai perdu connaissance...

Le lendemain, je me suis réveillé dans un cirque... Cinq années ont passé... Je me suis échappé à la première occasion... et me voici dans les Vosges !

Si vous pouviez me ramener dans mon pays natal, le "CANADA", je vous en remercierais du fond du coeur !

 

CHAUSSETTE, "louve"

 

 

Senonges, le 19 / 09 / 94

 

Cher Fermier,

 

cela doit vous paraître saugrenu que quelqu' un vous écrive dans une petite maison isolée du massif vosgien, mais je suis la dénommée "Louve" dont tout le monde parle. Je ne vous veux aucun mal, je viens du Canada où je vivais dans un zoo. Mon dompteur me maltraitait et me soumettait à son autorité. Arrivée en France, j' ai eu l' occasion de m' échapper et j' ai trotté jusqu' en Alsace où j' ai eu des petits. Je les ai emmenés dans les Vosges, où j' ai trouvé un terrier. Mais je ne peux m' occuper de mes huit petits : je dois chasser pour me nourrir. Je suis sincèrement désolée d' avoir mangé vos agneaux, moutons et lapins. Jadis, la fameuse "Bête des Vosges" qui a été tuée n' était point un chien mais un loup : mon arrière grand-père...

Pourriez-vous m' héberger sans en toucher mot à quiconquez ? Si vous pactisez avec moi, posez un panier près du mirador, derrière la maison, afin que j' y installe mes petits. Si vous ne pactisez pas, ils me tueront, ainsi que mes petits...

 

Amicalement, votre Louve Olivia

PS : attachez votre chien !

Senonges, le 19 / 09 / 94

 

 

Chers Chasseurs,

les habitants du village sont très mécontents : ma présence les agace !... Vous dites que je suis un tueur, un danger pour les animaux, mais je ne fais que répondre à ma faim. Les vrais tueurs sont des personnes comme vous, qui faites cela rien que pour le plaisir. Vous aussi, quand vous avez faim, vous mangez bien des poulets ou des boeufs et vous n' êtes point jetés en prison pour autant ! Alors pourquoi voulez-vous me retrouver un matin dans l' un de vos pièges ? Pourquoi suis-je pourchassé ? Pour avoir commis des crimes que vous commettez tous les jours... J' ai tué un poulain ? Vous mangez bien des côtes de boeuf ! J' ai dévoré quelques moutons ? Vous mangez aussi des lapins et des porcs !...

Vous aimeriez donc me retrouver un jour dans l' un de vos pièges ou bien avec une seringue plantée dans le flanc... Mais vous rêvez : je les connais bien, vos ruses ! Je n' approche pas les moutons que vous piégez... Vous croyiez avoir tué la "Bête des Vosges"...mais ce n' était qu' un chien ! La vraie "Bête", c' est moi ! J' ai bien vu, en lisant les journaux, que vous pensiez vous en être débarrassé. C' est alors que je me suis retiré. Rien que l'affaire de la "Bête des Vosges" a duré un an et demi... et elle n' est pas finie !

Alors ne comptez pas trop me voir gisant dans une mare de sang... Du sang, certes, vous pourrez en trouver, mais ce ne sera pas le mien.

 

Jean-François, le loup

 

Senonges, le 19 / 09 / 94

 

Chers agents de l' ONF,

je vous écris pour vous dire que je suis une grosse gourmande et que je pourrai chasser tout l' hiver. Retenez bien que je suis maline. Mais je suis obligée de tuer de pauvres bêtes,car il faut tout de même que je m'alimente, moi aussi... Si vous voulez que je cesse tout cela, apportez-moi donc de la viande bien fraîche ! Mais n'oublie pas ce que je vais vous dire :je veux rester en liberté, au lieu d' atterrir dans un zoo ! Je pense que vous vous débrouillerez tout seuls, sans avoir besoin de moi !

Je vais aussi vous parler de ma famille et de moi. J' ai six ans et je suis orpheline. J'étais fille unique. Mon père est mort quelques années avant ma naissance.Lorsque je suis née, je suis partie avec ma mère pour une autre région : les VOSGES... Là, ma mère s'est fait tuer... Je crois que c'était vers les années 77 - 78... Depuis ce jour,je gambade à travers la région.Maintenant je dois vous quitter. Et n'oubliez pas ce que je vous ai dit !

 

A bientôt ! "Louvette"

Senonges, le 19 / / 09 / 94

 

Chers Agents de l' ONF,

 

Tout d' abord, laissez-moi vous conter mon histoire : pendant de longues années, mon père, la " Bête des Vosges", m' a nourri et élevé avec des moutons et des brebis... Malheureusement, vous l' avez sauvagement tué et je me suis retrouvé tout seul dans la massif vosgien. Alors j' ai dû organiser une chasse pour survivre. Pour le poulain et les moutons dévorés, j' accepte de m' excuser auprès des fermiers à qui ces bêtes appartenaient...

Veuillez comprendre, s' il vous plaît, que si je mange ces animaux, c' est uniquement parce que j' ai faim et non pas pour mon plaisir personnel ! Alors, s' il vous plaît, laissez-moi vivre en liberté.

 

Sincères salutations,

Julien S. , le Loup des Vosges

Senonges, le 19 / 09 / 94

 

Cher M. le Maire,

je vous écris car mon désespoir va grandissant à la vue de tous ces "agents", chasseurs et particuliers qui me traquent comme un horrible monstre !

Je vais donc vous conter mon histoire, afin que vos idées s' éclaircissent d' un poil.

... Après m' être échappé d' un cirque dans lequel je me faisais battre, j' ai rencontré un sympathique ours, dans le même cas que moi.

Nous avons traversé des monts, des plaines et même des lacs avant d' échouer dans les Vosges, paradis perdu. Une nuit, l' estomac de mon ours, qui était plus glouton que le mien, cria famine. Il partit chercher à manger... Deux jours plus tard, je le vis apparaître en pleurs, portant en bouche une misérable branche de noisetier. Je pris alors la mouche devant ce paradis qui se transformait en enfer, mais ce n' était qu' un commencement. Je ramenais chaque jour des bêtes à mon compagnon et notre vie commençait tout doucement à s' organiser, quand des humains vinrent y mettre leur grain de sel...

Et là, M. le Maire, je m' adresse à vous pour m' aider. Je ne demande pas grand-chose : une louve, car, en effet, je suis un loup !... Je demande également que les fermiers et les chasseurs acceptent qu' un mouton ou chevreuil disparaisse sans qu' on parle de "crime"...

Vous vous donnez un mal de loup pour réintroduire des espèces sauvages dans les Vosges, alors soyez content de notre présence...

Amicalement et avec tout mon respect,

 

Le loup Justin

 

 

Senonges, le 19 / 09 / 94

 

Chers Messieurs les Chasseurs,

je vous prie de me laisser tranquille, car je ne tomberai pas dans l' un de vos prétendus "pièges" :

En effet, je ne peux pas tomber amoureux de votre louve, puisque j' en suis une moi-même !

D' autre part, il est inutile de me tirer dessus, puisque je cours plus vite que vos balles...

Enfin, je voulais vous dire quelque chose d' important : je suis Canadienne, j' ai traversé l' Atlantique à la nage avec mon mari, dans les années 70 et vous l'avez tué deux ans après. Pendant plus de quatorze ans, je n' ai mangé que des légumes : maintenant, j' ai envie de viande...

 

Le Loup Xavier

Senonges, le 19 / 09 / 94

Le Loup des Vosges

4, rue de la Forêt SENONGES

 

Cher Fermier,

Je suis vraiment navré de tous les dégâts que j' ai causés à votre poulailler, mais il faut vous rendre à l' évidence : je dois me nourrir. Bien sûr, vous n' êtes pas le seul à avoir eu tant d' ennuis... Dans un village, pas loin d' ici, je me suis régalé de quelques moutons et d' un poulain, mais après ce fameux festin, je suis parti en pensant aux ennuis que j' avais dû causer à leur malheureux propriétaire.

Quelquefois, sur mon chemin, je trouve de nombreux pièges que j' évite. Parfois aussi, des hommes armés de seringues essaient de m' atteindre, mais, agile, j'esquive tous leurs tirs. Bref, je ne suis pas toujours tranquille...

Vous connaissez maintenant toute mon histoire. Peut-être me reverrez-vous...

Gaëlle, la Louve Solitaire

PS : ce serait vraiment gentil de m' envoyer une compagne, car je me sens bien seul, parfois...

Senonges, le 19 / 09 / 94

 

Lettre aux chasseurs de Vittel,

Chers Chasseurs,

je sais que vous me traquez depuis plusieurs mois, à cause de mes nombreux crimes, mais il fallait bien que je m' alimente !... En tout cas, je ne suis pas près de me rendre. J' espère que vous n' abandonnerez jamais l' idée de me chasser à l' aide de seringues hypodermiques. Je me doute aussi que vous m' avez déjà vu à la télévision : un promeneur m' a filmé une ou deux fois... La première fois, je me suis trouvé nez à nez avec lui... Il a dû avoir une "trouille" inimaginable... Mais je l' ai laissé filmer, pour me faire un peu de "pub"...

Chaque jour, je découvre un nouveau paysage, tel un trésor... A force de courir toute la journée, il y a bien des fois où il faut que je me repose. Pour l' instant, je n' ai pas eu de problème, mais je crains le prochain hiver. A mon avis, il sera rude... Au fur et à mesure que j' arpente la campagne, j' admire les vallées, en vous attendant. Ne vous surmenez pas trop : vous aurez du mal à me retrouver et vous y mettrez beaucoup de temps.

Amitiés,

Le loup Nicolas M.

Senonges, le 19 / 09 / 94

 

Chers Fermiers,

ce n' est pas de ma faute si je mange vos bêtes. Si je ne me nourrissais pas, je ne pourrais pas vivre. Les poules et le poulain n' ont d' ailleurs pas suffi à me rassasier...

Le "chien" des années 70-80 avait causé beaucoup plus de ravages que moi... Bientôt, je partirai d' ici, car j' ai appris que l' ouverture de la chasse était proche.

Or, je n' ai pas envie de me faire tuer !... Vos animaux seront donc tranquilles... J' ai entendu dire que l' on veut m' attirer avec une louve.

Chers fermiers, pendant les quelques jours qui me restent, voulez-vous me donner un peu de nourriture ? Si vous le faites, je ne mangerai plus vos bêtes...

Je ne suis pas méchant : je ne me suis jamais attaqué à un homme !... N' ayez donc pas peur de moi ! Mon père, le "chien" des années 70, n' était pas méchant, lui non plus, mais on l' a tué...

Je vous quitte, à présent, et j' espère que vous allez accepter ma proposition pour la nourriture.

 

Le Loup, E. V.

 

Senonges, le 19 / 09 / 94

 

Chère Maman, cher Papa !

C' est Loup-Loup junior qui vous écrit des Vosges : belle région, mais trop peu de chasseurs ! Par contre, la nourriture y abonde ! Tenez, je finis justement une cuisse de mouton, très tendre, davantage que celles de Savoie, qui sont toujours gelées...

Vous vous demandez sans doute si je m' ennuie... Eh bien non ! Oh ! que non !... Le matin, dès le réveil, à 8 heures, je fais mon petit footing à travers la forêt, en compagnie de chasseurs assez flegmatiques... A 8 h. 30, quelques exercices de flexion et d' extension par dessus vos pièges... A 9 heures, quelques ailes de poulet, en guise de petit déjeuner, à la ferme Saint-Louis, pour bien commencer la journée... A 10 heures, un peu de lèche-vitrines dans la ville de Saint-Albret précède une pause-photo , vers 11 heures, avec Serge Méroux... Le repas de midi est constitué de quelques poules ou d' un mouton : c' est mieux que chez les moines, non ? Suit une bonne sieste digestive dans la maisonnette des chasseurs, avant le grand jeu de l' après-midi : "ils" doivent me tirer dessus et moi je dois leur voler leurs provisions... Je suis imbattable à ce jeu-là !... 1§ heures : pause-goûter avec deux ou trois petits-beurre... Vers 18 heures, je cherche un abricotier pour préparer une nouvelle journée pleine de rebondissements ...

Bon, je vous laisse... Ecrivez-moi vite...

Ah oui ! J' allais oublier de préciser mon adresse : troisième mirador à droite, sur le sentier Est...

Luc le Loup

Senonges, le 19 / 09 / 94

 

Bonjour, MM. les Agriculteurs et Chasseurs,

bientôt, je viendrai manger tout ce que je trouverai : moutons, poulains et tout le reste... Je saccagerai tout, mes chers amis ; je viendrai le soir, pendant que vous dormez sur vos deux oreilles... Pour l' instant, je reste dans la forêt, où vous pourrez toujours essayer de me retrouver : je suis trop bien caché... Inutile de poser des pièges partout : vous me croyez bête à ce point ? Vous voulez rire, messieurs ! Et dire que vous voulez m' attraper avec une louve...

J' espère que vous me comprenez bien !

Ce soir, peut-être, je viendrai manger quelques moutons et poules bien tendres... J' adore Vittel : on y trouve surtout des marais, dans lesquels j' aime baigner après un bon repas copieux.

Vous, les agriculteurs, vous devriez élever plus de moutons :

c' est ce que je préfère... Je me promène bien volontiers dans les prairies couvertes de fleurs aux mille couleurs, mais je crains le pollen, qui me pique les yeux et le nez.

Bon, il faut que je vous laisse..;

Mes amitiés,

Thomas , le "loup des Vosges"

 

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