LETTRES DU LOUP

1994 - 95 ...dix ans déjà...

 

Dommartin-les-Vallois, 25 / 09 / 94

 

Monsieur le Loup,

nous avons bien reçu votre lettre du 1er septembre 1994 et vous en remercions beaucoup. En effet, nous trouvons que vous êtes très gentil de nous prévenir que notre troupeau de brebis passera non loin de votre tanière.

Ne vous réjouissez pas trop vite car maintenant que nous sommes au courant de votre malveillance, nous ne manquerons pas de faire un grand détour.

Bien sûr, nous ne sommes pas bêtes au point de vous dire par où nous allons passer. Nous vous remercions également de nous préciser que vous ne pouvez mourir que d' un coup de balle ou atteint d' un coup d' épée bien asséné. Nous serons donc bien armés pour le cas où nous vous rencontrerions. Ne croyez pas que votre chance durera toute votre vie : nous sommes décidés à vous éliminer...

 

Les Moutons

 


Dommartin-les-Vallois, le 23 / 09 / 94

 

Cher Loup,

 

J' ai bien reçu ta lettre. Je te remercie de me prévenir. Dorénavant, je me tiendrai sur mes ergots !... Oh, pardon !... sur mes gardes !... Cependant, au cas où il m' arriverait malheur, je te demande une petite faveur. Cela te sera facile, puisque tu n'es pas loin de l' Alsace. Mange-moi accommodé de Riesling. Je vais te donner la recette :

- Découpe-moi en quatre quartiers - ce qui n' est pas un problème pour toi...

- Fais chauffer du beurre, mets-y mes morceaux assaisonnés de sel et de poivre - que je te fournirai.

- Ajoute des échalottes...

- Flambe le tout au cognac et mouille avec le Riesling.

- Laisse mijoter pendant trente minutes...

... Et le tour est joué !

Tu seras tellement alléché par l' odeur que je ne te parle même pas de la sauce ! Je te souhaite bon appétit !

Ne compte pas trop sur moi, cependant !

 

A jamais.

Aude, le "coq"

... que tu as de fortes chances de ne pas épingler sur ton tableau de chasse !

Dommartin-les-Vallois, le 26 / 09 / 94

 

Cher Loup des Vosges,

je ne trouve pas très prudent de ta part de nous annoncer qui seront tes prochaines victimes. Et puis nous n' arrêterons pas de t' embêter. Nous continuerons à te pourchasser jusqu' à ce que tu tombes dans l' un de nos pièges... Sinon, nous utiliserons la force.

Tu causes beaucoup de dégâts dans notre jolie forêt. Je sais que tu as besoin de te nourrir, mais tu aurais très bien pu aller ailleurs. Notre joli village, qui était tranquille et paisible, est devenu le lieu de rendez-vous de tous les "piégeurs" de loup !

Nous devons absolument t' attraper et nous ferons fonctionner nos camescopes et appareils-photos !

Alors, tu ferais mieux de te méfier ...

Ah ! Ah ! Ah !

 

Wanda,

Agent de l' Office National de la Chasse

 

Dommartin-les-Vallois, le 26 / 09 / 94

 

Cher Loup,

Mes amis et moi-même, qui sommes tous chasseurs, comprenons ton désir de liberté, mais il faut te rendre à l' évidence : dans quatre jours, c' est l' ouverture de la chasse...

Si tu ne te laisses pas capturer par les agents de l' ONF, tu seras tué par un agriculteur ou un fermier à qui appartenait le bétail que tu as dévoré. Bien sûr, tu auras perdu ta liberté, mais il faut savoir choisir...

Tu ne pourras pas vovre éternellement dans les Vosges en essayant d' échapper à l' ONF et aux chasseurs. C' est pour cela qu' il vaudrait mieux pour toi de te rendre.

Bonne chance !...

Julien et ses amis chasseurs...

Dommartin-les-Vallois, le 24 / 09 / 94

 

Ma très chère fille,

Enfin de tes nouvelles ! J' étais très inquiète... Je suis ravie de te savoir en bonne santé. A ce que j' ai lu dans la presse, tu es une vraie star... On dit que tu es très maline car tu as réussi à déjouer jusqu' à présent tous les pièges des agents de l' ONF. Ils te recherchent parce que tu fais trop de dégâts dans les troupeaux et les poulaillers. De plus, j' ai appris que, le 25 septembre, la chasse sera ouverte et que tous les chasseurs des Vosges se lanceront à tes trousses !...

N' essaie plus de te trouver des amis, car notre espèce a depuis longtemps disparu dans cette région. Tu es vraiment en danger et je te conseille plutôt de me rejoindre au plus vite... Sois prudente.

Ta maman.

 

Dommartin-les-Vallois, le 26 / 09 / 94

 

Au Loup Jean-Baptiste,

 

Je suis très heureuse de recevoir une lettre du loup Jean-Baptiste, le fameux "Loup des Vosges" !

Je suis désolée, mais je ne peux annoncer dans mon journal les prochains pièges qui vous sont destinés, ni comment "ils" essaieront de vous traquer ! J' en suis navrée, car je vous aurais volontiers aidé.

Les agriculteurs vous pardonnent. Je leur demanderai de ne plus poser de pièges et je remercierai pour vous les chasseurs de bien vouloir vous épargner.

 

Je vous salue bien bas,

 

Caroline, reporter à FIGALOUP MAGAZINE

 

 

Dommartin-les-Vallois, le 25 / 09 / 94

 

Cher Popaul, notre loup familier,

 

 

nous te comprenons, tu sais... Il y a quelques années, le même problème se posait déjà : un gros chien... Enfin la question n'est pas là. Revenons au fait. Ce n' est pas aussi simple d' agir ainsi : si tu rembourses ceux qui ont subi des dégâts et si tu promets de ne plus égorger une seule brebis - petite ou grande - moi, je suis d' accord. Mais le destin en a décidé autrement... Et tôt ou tard, le Zoo d' Amnéville t' accueillera, quoi que tu fasses. En attendant, la forêt, les animaux sauvages, les rivières et les terriers te sont encore disponibles.

 

Amicalement,

Pierre-Louis et ses amis chasseurs

 

Dommartin-les-Vallois, le 24 / 09 / 94

 

A Madame la Louve des Vosges,

 

J' ai trouvé vos propos bien insolents. Cependant, je vous accorde le mal du pays. Il est vrai que votre mari gambade quelque part au Canada. Mais je tiens à vous mettre en garde : jusqu' à présent, nous avons tenté l' impossible pour vous capturer vivante. Dès le Lundi 26 septembre, la chasse sera ouverte et, à l' issue de celle-ci, vous risquez probablement de finir empaillée, vulgairement, dans un musée zoologique. Alors, si demain, dimanche 24 septembre 1994, vous vous incliniez sous nos seringues hypodermiques, cela nous faciliterait la tâche mais aussi vous sauverait la vie.

 

Avec toutes mes Amitiés,

Le Maire de Vittel

Dommartin-les-Vallois, le 24 / 09 / 94

 

A mon frère Paul, le Loup des Vosges,

Je suis très heureuse d' avoir eu de tes nouvelles : maman et moi commencions à nous inquiéter. Je te prie de rentrer à la maison, car ici, sans toi, la vie est très difficile. Il m' est interdit, en tant que louve de chasser dans les bons secteurs et je ne pense pas que les dents de notre vieille mère supportent encore longtemps la viande dure que je lui rapporte. Enfin, s' il t' est impossible de rentrer pour quelque raison, je te recommande de prendre bien soin de toi et de changer de montagnes. Je trouve que les Vosges ne sont plus aussi fréquentées qu' avant ! A part cela, tout va plus ou moins bien...

J' ai un prétendant qui a l' air de s' accrocher !

Je t' embrasse tendrement,

 

Ta soeur Justine

Dommartin-les-Vallois, le 26 / 09 / 94

 

Monsieur le Loup,

j' ai bien reçu votre courrier. Je suis très étonné que vous m'ayez choisi, car je ne suis pas le plus riche fermier de région.

Je vous remercie de ne pas vous attaquer à mes animaux de labeur, car j' en ai besoin pour faire vivre ma famille.

D' ailleurs, si vous pouvez laisser celle-ci en dehors de cette histoire, je vous en saurai gré, car elle est craintive.

Donc, ce matin, ne vous étonnez pas si la porte du poulailler est ouverte : c' est pour que vous n' abîmiez pas mes serrures...

Quant au sac de légumes que vous avez demandé au voisin, je ne peux rien faire : M. Filou et moi sommes en mauvais voisinage depuis l' histoire du pommier qui se dresse à la limite de nos propriétés respectives.

En plus, je vous promets de ne rien dire aux agents de l'ONF. Alors, à ce matin, M. le Loup. Et surtout, ne nous réveillez pas : soyez discret.

 

Bon Appétit.

Daniel, le Fermier

 

Dommartin-les-Vallois, le 25 / 09 / 94

 

Méchant Loup !

 

 

Nous n' avons pas peur de toi et nous continuerons à te combattre ! Et si tu viens avec tes copains, nous vous tuerons tous !... Tu as déjà causé bien des désastres et cela suffit. C' est toi qui vas en subir les cruelles conséquences. Si tu as échappé aux différents pièges, tu n' échapperas pas à nos fusils. Tu ferais mieux de te méfier que d' écrire des âneries. Jamais nous n'abandonnerons la lutte. Si tu imaginais le contraire, alors c' est que tu n' y connais rien aux hommes. "Nous, trembler..." ah ! ah ! ah !

 

Les villageois

 

PS : bientôt, nous ferons une fête au village et tu y assisteras sûrement, mais dans nos assiettes !

 

 

 

Dommartin-les-Vallois, le 24 / 09 / 94

 

Cher Jean-Loup,

 

 

Bonjour à toi, cher Jean-Loup, j' ai donc lu ta lettre. Moi aussi, après un bout de temps, j' ai dû élever ce petit poulain et ces quelques petits moutons, pendant des journées entières... Je mange peut-être aussi ces animaux, mais ils sont tous à moi et non pas en partie à vous !... Vous n' avez qu' à chasser les animaux de la forêt, qui ne m' appartiennent pas ... Cherchez-vous une belle louve et avalez plutôt du chevreuil ou des escalopes de faisan, au lieu de vous en prendre à mes moutons et autres animaux domestiques !

Je vous remercie de m' avoir écrit et je vous prie de lire cette lettre attentivement.

A très bientôt,

 

Un chasseur

 

Strasbourg, le 26 septembre 1994

 

Monsieur le Loup,

Nous avons bien compris que vous espérez ne jamais nous rencontrer. cependant, sachez bien qu' il vaudrait mieux pour vous que nous vous capturions. En effet, si ce n' est pas le cas, vous allez être tué par les chasseurs qui s' impatientent avant l'ouverture de la chasse. Ils n' hésiteront pas à vous plomber le corps dès qu' ils vous apercevront entre deux buissons. De plus, ils sont très en colère, car vous avez déjà fait reculer l'ouverture de la chasse dans les Vosges !... Il n' y a plus de place pour vous, par ici.

Retournez là d' où vous venez ou alors profitez bien de vos derniers jours.

 

Maxime, directeur de l' O.N.F.

 

Dommartin-les-Vallois, le 26 / 09 / 94

 

Monsieur le Loup,

Je suis au regret de vous dire que les moutons commencent à se faire rares ici, chez moi : entre vous et les hommes, qui me les mangez tous, je n' ai plus rien...

J' ignore si vous êtes gentil ou méchant, mais tout cela ne me dit pas pourquoi vous ne me laissez pas tranquille, avec mes moutons... Je n' ai rien contre le fait de vous en donner, mais en ce moment, leur rareté est phénoménale.

Je n' y suis strictement pour rien, si tous les matins, vous figurez en première page de tous les journaux. Je ne suis qu' une modeste agricultrice, rien de plus.

 

Emmanuelle, agricultrice

Dommartin-les-Vallois, le 25 / 09 / 94

 

Cher Loup,

Il n' est pas possible que d' autres loups viennent dans les Vosges. On ne pourrait plus se promener tranquillement sans craindre l' attaque d' un loup , car ils ne sont pas tous comme toi !... Et pour les chiens, je penses que tu ne les aimes pas beaucoup. Que feras-tu si tu en rencontres un ?

J' ai entendu dire qu' une louve erre, comme toi, dans la forêt : elle aussi s' est échappée. Maintenant, les villageois ont tous peur pour leurs bêtes. Alors, essaie de manger le moins possible.

Attention : si tu restes ici, tu te feras tuer par les chasseurs, car aujourd' hui c' est l' ouverture de la chasse !

Pour l' instant, je suis gentil avec toi, mais si tu touches à une seule de mes brebis, je changerai d' attitude !

Emmanuelle, une habitante qui tient à ses bêtes...

Dommartin, le 26 / 09 / 94

 

A Monsieur le Loup,

Vous mangez nos moutons pour vous nourrir, mais ainsi, vous nous ruinez, car ces bêtes constituent notre unique ressource... Vous réclamez un vendeur de moutons ? Mais vous n' avez pas d' argent. Or, il faut bien que nous vivions : comment le pairez-vous ?

Votre corps est robuste et vous avez peut-être échappé à tous les pièges de l' O.N.F. et de l' O.N.C., mais agents et chasseurs vous réservent une surprise... Alors, vous n' aurez plus le plaisir de profiter de votre planning quotidien, de votre footing et de vos soirées à la belle étoile !...

Nous avons tous juré votre perte. Notre patience est à bout et vos jours bien comptés !

 

 

Adieu !

Les Bergers.

Dommartin-les-Vallois, le 23 / 09 / 94

 

Cher Jean-Philoup,

 

J' ai bien reçu votre lettre et vous m' étonnez fort : qui aurait pu croire qu' un loup sache lire et écrire ??

Ceci dit, il n' y a rien à craindre en ce qui concerne les pièges : aucun ne peut être vraiment nocif pour votre santé... J' aimerais juste vous rappeler que le maire, ici, c' est moi ! Donc, à propos des jumelles et de tout le reste, ne comptez pas sur moi pour donner l' ordre de les supprimer. Ah ! oui, les représailles... J' y ai songé : les GUTLER sont très bien cachés. Leur fils Marcel est aussi en lieu sûr.

Enfin, je terminerai par ceci : n' attendez pas du Ministre de l'Environnement qu' il vous fournisse de la nourriture car, à ses yeux, vous n' êtes qu' un loup de trop !

Malgré cela, je vous souhaite tout le bien possible !

 

Luc, le Maire

 

Dommartin, le 26 / 09 / 94

 

Bonjour, Antoine !

 

Je me nomme FLORENCE et votre lettre m' a beaucoup émue.

Je vous propose la solution suivante : aller vivre au Canada, dans une réserve protégée, à l' abri de la pollution. De nombreux ami(e)s vous y attendent, ainsi qu' une nourriture abondante.

A propos du " Colza", vous vous êtes trompé : cette plante n'est guère polluante !

Alors, c' est d' accord ?

 

Flo.

 

PS : vous auriez pu m' indiquer l' adresse de votre logement. Mais j' ai pu l' obtenir grâce à une facture impayée de Canal Satellite .

Dommartin-les-Vallois, le 26 / 09 / 94

 

Cher Loup Timothée,

 

je suis content que tu m' ais écrit pour exprimer tes sentiments. Mais nous demeurons très optimistes sur l' issue de notre chasse : nous te capturerons. Bientôt, nous allons instaurer un nouveau plan. Evidemment, je ne peux rien t' en dire. Nous continuerons à te traquer à l' aide de seringues hypodermiques. Nous te voulons vivant même s' il y a quelques semaines certaines personnes ont réclamé ta mort. Mais j' ai insisté pour que l' on te prenne en vie. Tu sais que tu appartiens à une espèce de loup très recherchée en France : nous ne voulons pas te perdre. Je te préviens tout de même qu' à partir de Dimanche prochain, ton sort ne dépendra plus seulement de nous : la chasse débutera, avec de vraies balles ! Nous ne pourrons plus rien faire pour toi. Tous les chasseurs voudront tuer la fameuse "Bête des Vosges" et, à mon avis, ils vont tout faire pour cela. Alors, si tu ne veux pas disparaître, je te conseille de te rendre...

Je te laisse, Loup, Salut !

 

Le lieutenant de louveterie

 

Dommartin-les-Vallois, le 27 / 09 / 94

 

Cher Loup Alexandre,

 

Nous, Agents de l' O.N.F., sommes vraiment désolés de ce qui vous arrive, à vous et à votre louveteau.

Votre réputation est vraiment mauvaise depuis des siècles. Nous sommes dans l' obligation de vous capturer, car beaucoup d'habitants ont trouvé, au petit matin, leurs moutons, vaches ou poulains baignant dans leur sang, égorgés, une épaule arrachée... Nous savons très bien que vous êtes obligé de vous nourrir, mais, de grâce, ne touchez plus aux animaux domestiques, ne volez plus de mirabelles aux pauvres fermiers. Attaquez-vous plutôt aux bêtes sauvages telles que les renards et les sangliers qui prolifèrent dans la région et nous causent beaucoup de problèmes. Dévorez plutôt les animaux chétifs et malades ; cela nous rendrait même service, ainsi qu ' aux chasseurs. De toute façon, profitez bien de votre liberté, car d'ici quelque temps vous vous retrouverez derrière les barreaux d' une cage, au Zoo, avec votre famille. Vos menaces ne nous font pas peur, car nous avons déjà dû faire face à ce genre de problème, il y a quelques années, avec l' un de vos parents.

De grâce, suivez nos conseils et vous pourrez certainement vivre en paix dans nos vastes massifs forestiers.

 

Vittel, le 25 / 09 / 94

 

Chère " Bête des Vosges",

Vous croyez que je vais devenir votre prochaine victime, eh bien détrompez-vous ! Je ne vais tout de même pas me laisser faire par un stupide animal comme vous ! Je pense plutôt que c' est vous qui allez vous faire prendre dans une si petite ville des Vosges.

En effet, tout loup que vous soyez, à un moment ou à un autre, votre attention se relâchera et vous commettrez des erreurs qui vous trahiront... Alors, ce jour-là, nous saurons profiter de cette opportunité. De plus, toute la population sera prévenue et chacun vous traquera, chacun signalera votre passage, vos cachettes... et à cela s' ajoutera le fait qu' il vous sera impossible de tuer qui que ce soit. Alors, attention, mon petit loup, regarde bien devant toi avant de tourner à droite.

 

Bonsoir... et à bientôt,

Nicolas

 

Dommartin-les-Vallois, le 27 / 09 / 94

 

Salut, le Loup,

ton petit mot nous a rassurés : nous espérons que tu es sincère. Nous non plus, ne te voulons aucun mal. Mais nous ne pouvons accepter que tu continues à dévaster ainsi nos troupeaux de moutons et de poulains. Pour toi, la vie dans un zoo ne sera peut-être pas très amusante : tu y perdras ta liberté. Mais c' est peut-être la meilleure solution pour toi et pour nos troupeaux. Tu auras sûrement de la compagnie. Ta nourriture te sera assurée ; tu n' auras plus besoin de chasser et surtout tu ne risqueras plus de perdre ta vie. Les enfants et les personnes qui te rendront visite te trouveront sûrement sympathique.

D' ailleurs, ta lettre nous a donné une bonne image de toi. Après ta capture, nous te promettons de venir te rendre visite souvent.

 

A bientôt...

Tes amis les Agriculteurs.

Dommartin-les-Vallois, le 26 / 09 / 94

 

Cher Loup,

 

 

tu m' as tué quelques brebis, mais tu veux qu' on te laisse en paix... Alors, pourquoi t' es-tu acharné sur ces pauvres bêtes, qui voulaient aussi qu' on les laisse tranquilles ? Mon voisin n' est pas très content de toi, car tu lui as occasionné beaucoup de dégâts.

Même si ce n' est rien pour toi, un poulain et quelques moutons, il faut savoir que pour les hommes, cela compte...

Jusqu' à présent, tu as échappé à tous nos pièges, mais dans quelques jours aura lieu l' ouverture de la chasse : tu ne vivras plus à ton aise... Je t' explique : les chasseurs vont te poursuivre jusqu' à te capturer.

 

Signé : le Fermier

 

SUEDE, le 25 / 09 / 94

 

Chère Louve,

 

j' aimerais bien te rejoindre, mais il se trouve que la Suède n'est pas aux portes des Vosges. Ici, au moins, il n' y a pas d'humain pour nous chasser. C' est l' état sauvage, les animaux-proies à portée de pattes. La bonne température et cette immense forêt à ma disposition doivent te faire rêver...

Depuis six mois, je suis intégré dans une meute...

Toi qui voulais parcourir le monde à la recherche d' un meilleur territoire, tu as peut-être compris qu' ici, c' est notre paradis.

surtout, ne te montre pas prochainement aux hommes qui te poursuivent... Essaie de te faire oublier. Après quelques semaines de retraite, tu pourras prendre le chemin de la Suède natale.

J' espère que je te reverrai après cette mauvaise aventure. Courage !

 

A bientôt..

ton loup Eric

Dommartin-les-Vallois, le 25 / 09 / 94

 

Cher Loup,

 

si nous écrivons des mensonges à votre propos, c' est que nous étions mal renseignés : or, nous prenons toujours appui sur ce que nous apprenons quand nous sommes sur place. Ce qui est écrit dans les journaux ne sort pas de notre imagination ! Et pour ce qui est "exagéré", nous n' en sommes pas responsables. Les articles, une fois publiés par les journaux, ne sont plus vraiment les nôtres... : en effet, arrivés au Journal, ils passent dans plusieurs mains, sont modifiés, corrigés... On leur donne plus de "croustillant" pour parvenir à provoquer des "sensations fortes"... D' autres journaux nous font de la concurrence... Alors, nous devons les égaler. De nos jours, les nouvelles vraies ne comptent plus. Il faut que les gens achètent notre journal, pas celui des autres... Aujourd' hui, hélas, le monde marche avec l' ARGENT !!... et nous avons peur des licenciements, nous !

 

Quant à la "nourriture", ce n' est pas nous qui la piégeons ! Nous ne sommes pour rien dans cette affaire !

 

Les journalistes

Dommartin-les-Vallois, le 26 / 09 / 94

 

 

Chère Louve,

 

Nous ne te voulons aucun mal, les Agents de l' O.N.F. et nous. Nous avons appelé un lieutenant de louveterie pour qu' il te recueille... C' est pour cela qu' on a prévenu les chasseurs de t'attraper vivant pour que ton louveteau naisse en paix. J' espère que maintenant tu ne ravageras plus toutes nos récoltes, car nous n' aurons plus la possibilité ni les moyens de les recommencer...

Nous sommes pauvres et c' est notre seule source de revenus. Ah, pardon ! Nous oubliions de t' informer que le poulain dévoré par toi appartenait à une petite fille qui est très triste, maintenant, ainsi que le berger propriétaire du mouton égorgé. N' aggrave pas la situation...

Au revoir,

les Agriculteurs

Dommartin-les-Vallois, le 26 / 09 / 94

 

Cher Loup des Vosges,

J' ai lu votre lettre avec plaisir. Je comprends bien votre désaccord. Si vous vous faites attraper, les chaseurs ne vous feront aucun mal. Ils vont vous endormir pour vous emmener dans un parc animalier où vous retrouverez vos amis loups. Il ne faut pas rester seul, dans la vie. Dans ce parc, on vous donnera tous les jours à manger ; ainsi, vous ne tuerez plus les animaux des agriculteurs... Les gens ont peur d' un loup seul dans la nature.

Il ne faut pas croire tout ce qui est raconté dans les journaux. Il est normal qu' on sache qui vous êtes et d' où vous venez. Je vous conseille de vous soumettre aux ordres des hommes.

N' oubliez pas que l' hiver arrive. La nourriture va se faire rare. Tenez compte de mes informations.

Si vous avez envie de me pârler, téléphonez-moi au 00-00-00-00-01 et demandez Monsieur LELOUX.

 

Un grand ami des Loups

 

PS : êtes-vous un loup ou une louve ?

Dommartin-les-Vallois, le 25 / 09 / 94

 

Cher Loup,

 

Tu sais, moi, j' aimerais bien te laisser gambader en paix... Mais je suis obligé d' obéir aux ordres que l' on me donne, sous peine de perdre ma place...

Ce sont mes supérieurs qui ne comprennent pas que tu as, toi aussi, droit à la liberté.

Il serait bon pour toi de t' enfuir, loin de ce secteur, et de retourner là d' où tu viens...

Comprends aussi les bergers de ce pays : si tu manges leurs moutons, tu leur voles une partie de leur salaire. Ils ont déjà beaucoup de mal à vivre et à vendre leurs bêtes.

Les gens aussi ont peur. Il y a beaucoup de vieilles légendes sur ton compte, comme LE PETIT CHAPERON ROUGE, LE MENEUR DE LOUPS et j' en passe... : tous ces récits te décrivent comme une bête de Diable. Je ne pense pas qu' un promeneur isolé aimerait te rencontrer sur son passage.

 

Nous te laissons donc 48 heures pour t' éloigner : va très loin, car nous n' aimerions pas te tuer.

 

Amicalement,

Denis

 


Vittel, le 25 / 09 / 94

 

Madame la Louve,

 

toi qui chasses les agneaux de ces pauvres fermiers, en disant que c' est plus facile à attraper, nous te prévenons : nous allons les parquer et les surveiller avec plus de chiens !

De plus, la chasse commencée, avec les pièges que nous tendrons et les miradors que nous élèverons, tu ne pourras plus te déplacer en paix.

Mais, si tu veux, soit tu te laisses prendre vivant et nous te confierons à un parc animalier, soit nous te laissons quelques animaux dans des pièges pour que tu survives et que tu ne t' en prennes plus aux troupeaux...

 

Clément le Chasseur

 

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