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Bartolomé de Las Casas

défenseur des Indiens

En 1492, Christophe Colomb a découvert l'Amérique. Dix ans après, de nombreux espagnols ont déjà traversé l'océan pour chercher la fortune. Beaucoup se sont installés dans une île qu'ils appellent "Hispaniola" et que nous appelons maintenant Haïti.

Quand ils arrivent, le gouverneur espagnol de l'île leur distribue des terres et même des habitants de l'île pour se charger des travaux. Les malheureux Indiens confiés aux Espagnols subissent désormais un véritable esclavage. Leurs maîtres les font travailler énormément, pour s'enrichir le plus vite possible. De très nombreux Indiens meurent épuisés par les travaux forcés ou succombent sous les coups et les mauvais traitements...

L'Amérique après les voyages de Christophe Colomb

Parmi les Espagnols de l'île Hispaniola, il y a un homme encore jeune. Il a débarqué dans l'île en 1502, âgé de 28 ans. A lui aussi on a distribué des terres et des Indiens. Il les traite aussi humainement qu'il peut. Ses affaires marchent bien ! Pendant dix ans, il mène la vie joyeuse et facile d'un gros propriétaire. Il s'appelle Bartolomé de Las Casas...

Le sermon du père Montesinos

A la fin de l'année 1511, la ville de Saint-Domingue, capitale de l'île Hispaniola, est en révolution. Beaucoup de gens sont furieux du sermon que le père Montesinos a fait dans la cathédrale, le dimanche avant Noël. Il a déclaré :

"De quel droit réduisez-vous les Indiens en esclavage ? Je vous avertis : si vous ne rendez pas aux Indiens les terres que vous leur avez volées, si vous ne leur rendez pas la liberté, nous ne pourrons pas vous pardonner vos péchés quand vous viendrez vous confesser, et nous vous interdirons de communier à la messe."

Bartolomé trouve que le père Montesinos exagère ! Il pense que les Espagnols devraient mieux traiter les Indiens qu'ils font travailler, mais qu'on ne peut pas leur interdire de réaliser de bonnes affaires dans les terres qu'ils ont découvertes.

Bartolomé devient prêtre

En l'année 1512, à 38 ans, Bartolomé devient prêtre. Il en avait toujours eu l'idée. Il va vivre dans l'île de Cuba. Accompagnant, en qualité d'aumônier, un capitaine espagnol chargé de réprimer une révolte d'Indiens, il est témoin de massacres et de cruautés qui le scandalisent.

Pourtant il accepte de recevoir du gouverneur de bonnes terres et, pour les cultiver, la population de tout un village d'Indiens... si bien qu'il recommence à faire de bonnes affaires...

La conversion de Bartolomé

En 1514, à 40 ans, Bartolomé change brusquement sa manière de penser et son mode de vie. Il a raconté lui-même comment cela s'est passé :

"Un jour, je préparais mon sermon pour la fête de la Pentecôte, et je lisais la Bible. Je suis tombé sur ce passage : "L'offrande de ceux qui commettent l'injustice n'est pas agréable au Seigneur. Celui qui offre à Dieu ce qu'il a volé aux pauvres, c'est comme s'il sacrifiait un enfant sous les yeux de son père." Alors j'ai compris que le père Montesinos avait raison. Voler aux Indiens leurs terres, réduire ces gens en esclavage, c'était une grande injustice. Il ne servait à rien de faire des prières, de se confesser, d'aller à la messe et de communier, si l'on continuait à vivre dans ce grand péché d'injustice.

J'ai continué à réfléchir, pendant des jours et des semaines. Finalement, j'ai décidé d'annoncer à tout le monde que je rendais mes terres aux Indiens et la liberté à mes esclaves. Je l'ai annoncé au cours du sermon prononcé à l'occasion de la grande fête du 15 août. Et j'ai dit à ceux qui m'écoutaient qu'ils devraient m'imiter s'ils voulaient vivre en chrétiens. Ce fut un beau scandale. On aurait dit que je leur demandais de rendre la liberté à leurs animaux domestiques." A partir de ce moment, Bartolomé se consacre entièrement à la défense des Indiens. Il retourne en Espagne, y rencontre le roi auquel il affirme que lui, le roi, a sa part de responsabilité dans les crimes et les injustices qui se commettent dans les colonies espagnoles d'Amérique. Le roi l'écoute avec attention. Il lui confie la mission de faire tout ce qu'il peut en faveur des Indiens et lui donne le titre de "Défenseur des Indiens".

Echecs et découragement

Bartolomé retourne à Hispaniola. Mais personne ne l'écoute. Il ne peut rien faire pour défendre les Indiens. Aussi, une nouvelle fois, il rentre en Espagne. Partout où il le peut, il dénonce les injustices commises par les Espagnols.

Un jour, il rencontre un évêque nommé Quevedo. Lui aussi revient d'Amérique. Mais il n'est pas d'accord avec Bartolomé. Ils décident tous les deux d'organiser une discussion devant le roi. Au cours de cette réunion, ils exposeront chacun leur point de vue. ( cf. l'ouvrage de Jean-Claude Carrière, La controverse de Valladolid, qui a été adapté à l'écran... et sera exploité en Seconde Amérique dans le cadre de la séquence "Etre autre" - convaincre, débattre et persuader- ainsi qu'en Première ES2...)

Quevedo commence à parler : " Les Indiens d'Amérique sont une race inférieure. Il est naturel qu'ils soient les esclaves des espagnols. "

Bartolomé réplique avec force : "Vous êtes dans un grave état de péché, évêque ! Vous n'avez pas fait comme le bon pasteur, qui donne sa vie pour ses brebis ! Les Indiens sont des hommes comme nous. Ils ont droit à la liberté comme nous ! Ils peuvent devenir des chrétiens comme nous. Comment supporter l'injustice qui leur est faite, alors que notre Seigneur Jésus-Christ est mort pour tous les hommes ? "

Le roi Charles - futur empereur Charles-Quint - est impressionné par les arguments de Bartolomé. Mais il est plus préoccupé de son élection comme empereur d'Allemagne que des Indiens d'Amérique. Bartolomé retourne en Amérique. Il emmène avec lui 70 agriculteurs espagnols pour aider les Indiens à mieux cultiver leurs terres. Le gouvernement espagnol lui a permis de tenter son expérience dans un vaste territoire au Venezuela.

Une nouvelle fois, c'est un échec. Les Espagnols qu'il a emmenés préfèrent s'enrichir rapidement en faisant travailler les Indiens comme des esclaves.

Bartolomé est découragé. Se souvenant alors du père Montesinos, il va le voir à Saint-Domingue et décide de devenir comme lui un père dominicain... A partir de son entrée dans cet ordre religieux fondé par saint Dominique au 13è siècle, on l'appelle le "père Bartolomé". Pendant dix ans, on n'entend plus beaucoup parler de lui. Il prie. Il étudie...

Quand le pays de la guerre devient le pays de la paix

Pendant ce temps, les Espagnols ont continué la conquête de l'Amérique. Ils ont constitué un immense empire : le Venezuela et le Pérou, l'Amérique centrale et le Mexique.

En 1535, le père Bartolomé décide de partir pour le Pérou. Son bateau s'échoue sur la côte du Nicaragua. Des Espagnols lui disent :"Si tu veux t'occuper des Indiens et les convertir au Christ, va donc dans le pays voisin du nôtre. Les gens y sont tellement féroces que nous appelons cette région : le pays de la guerre."

Ce "pays de la guerre" est celui qu'on appelle maintenant le Guatemala.

Bartolomé accepte. Il prend avec lui quelques dominicains et franciscains. Ils s'installent tout près de ce fameux "pays de la guerre". Ils rencontrent quelques uns de leurs habitants, entretiennent de bons rapports avec eux et apprennent à parler leur langue. Ils composent dans cette langue des chants qui racontent la vie de Jésus et d'autres passages de la Bible. Progressivement, ils pénètrent dans le pays. Ils sont très bien reçus par les habitants, dont ils deviennent les amis. Certains demandent le baptême.

Dix ans après, le "pays de la guerre" est devenu le "pays de la paix". Le père Bartolomé a maintenant 73 ans. Il a connu son premier grand succès. Mais ce résultat ne le satisfait pas. Il sait que partout ailleurs on continue à maltraiter les Indiens, à leur infliger des travaux forcés, à les massacrer... Il rentre une dernière fois en Espagne. Il va continuer à défendre les Indiens autant qu'il le peut. Il rédige de nombreux livres où il explique toutes les injustices commises dans les colonies espagnoles d'Amérique.

Il meurt en 1566, âgé de 92 ans.


Extraits des écrits de Las Casas

"Les Espagnols se comportèrent à la manière des tigres et des lions les plus cruels, lorsqu'ils sont affamés depuis plusieurs jours.

En quarante ans sont morts, à cause de la tyrannie espagnole, plus de douze millions d'êtres vivants, hommes, femmes, enfants.

La raison pour laquelle les chrétiens ont détruit une si grande quantité d'êtres humains a été le désir insatiable de l'or, l'envie de s'emplir de richesses."
D'après Relations des voyages dans les Indes Occidentales, Bartolomé de Las Casas
La plume des Indiens : le témoignage "in situ" de
Bartolomé de Las Casas sur le génocide perpétré lors de la conquête des Amériques est enfin traduit... :

BARTOLOME DE LAS CASAS, Histoire des Indes, Seuil 2002, trois tomes, 1077 pages... Une oeuvre monumentale sur les Indes sanglantes.

"Ceux qui sont allés là-bas et se disent chrétiens ont eu principalement deux manières habituelles d'extirper et de rayer de la face de la terre ces malheureuses nations. L'une en leur faisant des guerres injustes, cruelles, sanglantes et tyranniques. L'autre, après avoir tué tous ceux qui pourraient désirer la liberté, l'espérer ou y penser, ou vouloir sortir des tourments qu'ils subissent, comme tous les seigneurs naturels et les hommes (...). en les opprimant dans la plus dure, la plus horrible et la plus brutale servitude à laquelle on a jamais soumis hommes ou bêtes. (...) Si les chrétiens ont détruit tant et tant d'âmes et de telle qualité, c'est seulement dans le but d'avoir de l'or, de se gonfler de richesses en très peu de temps et de s'élever à de hautes positions disproportionnées à leur personne. A cause de leur cupidité et de leur ambition insatiable, telles qu'il ne pouvait y en avoir de pires au monde..."

Extrait de "Très Brève Relation de la destruction des Indes", Bartholomé de las Casas. - éd. La Découverte / Poche. - 40 Fr / 6,10 euros

CHIFFRES

44 millions d'indiens en Amérique latine

Lors de la découverte de l'Amérique, les Indiens étaient environ 100 millions sur l'ensemble du continent. Un siècle et demi plus tard, ils n'étaient plus que 4,5 millions. Ils sont aujourd'hui 47 millions dont plus de 44 en Amérique latine.

Un grand poète du Chili, Pablo Neruda, mort en 1972, a rendu hommage au père Bartolomé de Las Casas.

Lorsque l'inquiétude grandit

et franchit avec moi le seuil de ma maison,

une lumière ancienne et douce survient.

Père Barthélemy, merci pour ce soutien,

aux heures sombres de la nuit !

 

Aujourd'hui, mon père, entre avec moi dans ma maison.

Je te montrerai les lettres des hommes persécutés,

les tourments de mon peuple.

Je te montrerai sa longue souffrance.

 

Pour que je ne tombe pas,

pour que je poursuive la lutte,

mets en mon coeur le vin qui t'a accompagné dans les voyages

et le pain si nourrissant de ta douceur.


Documentation, bibliographie

Montrez-nous des chrétiens, La Diffusion Catéchistique - Lyon, Editions TARDY 1979, pages 22 à 25 (Bibliothèque Réseau Pléiade)

Bartholomé de las Casas, "Très Brève Relation de la destruction des Indes", éd. La Découverte / Poche. - 40 Fr / 6,10 euros

Bartholomé de las Casas, "Histoire des Indes", Seuil 2002, trois tomes, 1077 pages... Une oeuvre monumentale sur les "Indes" sanglantes.

Presse écrite : le quotidien Libération, Jeudi 31 octobre 2002, rubrique "Livres", pages I, II et III.

Pages web Pléiade

Histoire de Juan Diego

La gloire d'un Indien

L'oeil de la Vierge de Guadalupe

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 Liens web externes

 L'Eglise, bouclier des Indiens

Justice et paix : les mots de Dieu

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En Amérique Latine, les Indiens sont aux portes du pouvoir... Opposés à la mondialisation et luttant pour un renouveau politique, ils se font de plus en plus offensifs dans des pays comme le Mexique et la Colombie. Pour en savoir plus, cliquez sur l'image représentant la couverture du Courrier International ( août 2003 ).

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