E N T R E P Ô T S ..d' A R T I S T E S

Observatoire artistique, archéologique et industriel

Reportage Photos ... Yves Clady ©.Copyright septembre 2003


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Les causes des graffiti, "picturaux" ou "linguistes", sont nombreuses et variées, à l'image de leur foisonnement sur les murs... On peut les discerner d'après leur contenu et tenter d'en esquisser l'interprétation...

Le besoin irrépressible de tracer autour de soi les marques de son passage, quelques signes de vie, et d'abord pour nous-mêmes remonte à la préhistoire... C'est dire si l'appel vient de loin ! Pourtant les murs d'aujourd'hui offrent au regard le même langage schématique, les mêmes désirs ou les mêmes rejets que les parois de l'âge paléolithique, où se rencontrent, dans un enchevêtrement parfois difficile à débrouioller, animaux et symboles sexuels parfaitement accessibles au regard et d'une stylisation poussée à l'extrême...

Il est d'ailleurs intéressant, ne serait-ce que sur le plan d'une certaine sensibilité poétique ou, plus prosaïquement, par simple humilité, de rapprocher les conditions de réalisation de ces "oeuvres" si éloignées par le temps : dans la nuit des cavernes d'il y a 20000 ou 50000 ans et dans la nuit des rues d'aujourd'hui, dans le silence et l'anonymat des unes comme des autres, ce sont les mêmes mains qui se tendent vers le support de pierre pour nous "donner à voir", dans leurs multiples registres, les résonances à la fois les plus immédiates et les plus profondes de l'imaginaire et de l'émotion, que la parole ne suffirait à exprimer...

 

Dans ce type d'expression, la liberté des dimensions, surtout à une époque où l'écriture "codée" n'existe pas encore, pallie efficacement les déficiences du langage articulé, de la voix, de la parole, pour dire "l'indicible", dans toute sa profondeur, dans toute son épaisseur...

Aujourd'hui, le graffiti "linguiste", cette parole qui s'inscrit en prolongement de la voix, est évidemment le mode d'expression le plus fréquent sur nos murs ; désir de communication qui renverse les barrières de l'interdit, il semble se situer à l'opposé du graphisme préhistorique se suffisant à lui-même...

Pourtant, il joue un rôle identique à celui qu'on attribue aux dessins et signes géométriques des "premiers hommes" : cri de révolte contre le manque de parole - et contre tous les "manques" de la parole, l'inscription brise le silence qui étouffe et si, contrairement aux graphismes du paléolithique, elle offre d'abord à "lire" une parole, très vite sa prolifération sur certains murs rend aux lettres, aux mots, aux signes, aux "figures" utilisées selon les normes du code social et linguistique en usage, toute leur "plénitude" géométrique, au delà du "sens" - mais qui parle à tous les sens, exactement comme les graphismes du paléolithique... C'est tout l'homme sur la pierre, à coeur ouvert, au delà des mots, dans le silence de ce qui s'offre au seul regard, en supplément à la parole...

Sur les vestiges d'un passé plus "récent", on peut découvrir les inscriptions des premiers "touristes" : ainsi les voyageurs romains en pèlerinage dans la haute vallée du NIL, en EGYPTE, sont nombreux à avoir éprouvé le besoin de graver le souvenir de leur passage sur le socle et les pieds du fameux colosse chantant de MEMNON,, à l'entrée de la Vallée des Rois... On connaît l'histoire de cet étrange phénomène "musical" : endommagée par un tremblement de terre, au début de notre ère, cette statue avait l'habitude d'émettre un son plaintif à l'aube, dès que les premiers rayons du soleil venaient caresser le visage mutilé d'AMENOPHIS III ... Bientôt de nombreux visiteurs, traversant la mer et remontant le fleuve, vienret rendre un véritable culte à la "statue parlante", rebaptisée du nom grec de MEMNON, fils de l' AURORE et de TITHON, roi d'Egypte et d'Ethiopie... Par les sons harmonieux que la statue émettait au soleil levant, MEMNON, tué par ACHILLE sous les murs de TROIE, voulait, d'après la tradition, saluer sa mère... L'empereur HADRIEN lui-même fit apposer, en l'an 130, sur l'une des jambes du colosse, un long poème commémorant son passage... Aujourd'hui encore on peut relever des centaines de graffiti gravés sur le socle et les pieds du monument par les pèlerins. La plupart des signataires de graffiti étaient des militaires : " Moi, Caïus Calpurnus Asper, centurion de la vingt-deuxième légion, à la deuxième heure, j'ai entendu MEMNON trois fois."

De même on a relevé deux mille graffiti de touristes antiques dans les tombes de la Vallée des Rois : toutes expriment l'admiration de leurs auteurs... ou presque... En effet, certains, tels Hypatios ou Epiphane, ne semblèrent trouver aucun charme à ces vestiges pharaoniques ; tout au plus se laissèrent-ils séduire par la pierre des montagnes... Mais ils ne purent résister à la tentation de laisser une trace écrite de leur désenchantement...

En tout cas, il est significatif qu'au pays des "dieux vivanrs", si soucieux d'assurer leur existence dans l'au-delà, au milieu de toutes les sculptures et peintures pharaoniques, à ciel ouvert ou dans la profondeur sèche des tombes royales, et quel que soit le sentiment "artistique" et religieux éprouvé, les visiteurs du début de notre ère, petits ou grands, venus recueillir le chant de l'idole en pierre, aient ressenti le besoin de "célébrer" leur passage, officiellement, comme HADRIEN, ou "sauvagement", en un geste spontané traduisant confusément le besoin de "se survivre" par ces inscriptions, à l'entrée de THEBES, la Cité des Morts...

Plus tard, au 16è siècle, d'autres promeneurs cherchant quielque frisson, sans doute plus profane, dans les longues galeries des grottes de Rouffignac, laissèrent des traces écrites et datées de leur passage, sur les parois rocheuses, parfois sur les dessins eux-mêmes, sur les figures préhistoriques de mammouths tracées au charbon de bois et qui ne commencèrent à intéresser les historiens qu'à la fin du 20è siècle ...

 

 

 

 

 

 

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Photos ... Yves Clady ©.Copyright septembre 2003


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