Reflets dessinés de l'altérité
BANDE DESSINEE - Minik, un inuit dans la ville

Ecrit par Jean-Marc Jacob, le 27-11-2008 00:00

Inspirés par une histoire vraie, Hippolyte et Marazano racontent en bande dessinée le destin d'un groupe d'Inuits amené à New York pour être étudiés, à la fin du XIX° siècle. Un bel album tragique...

C'était encore l'époque des grandes expéditions. Le capitaine Robert E. Peary revenait du cercle polaire arctique avec une cargaison précieuse. Parqué en soute comme des animaux, un groupe d'Inuits avait fait le voyage jusqu'à New York.
Tous ont débarqué à Brooklyn, le 1er octobre 1898. Ils sont alors une véritable attraction, avant d'être livrés, pour étude, aux scientifiques du muséum. Rapidement, les conditions de vie urbaine s'avèrent catastrophiques. Un à un, les membres de la petite communauté sont emportés par la grippe. Ils laissent seul et orphelin le jeune Minik.

Le garçon est un temps adopté par M. Wallace, qui tente de lui donner une famille et une éducation. Mais l'adaptation s'avère impossible et l'enfant va recevoir un choc terrible devant une vitrine de la section anthropologique.

Chaud et froid

Les faits réels qui servent de point de départ au scénario de l'album d'Hippolyte et Marazano ont valeur universelle. C'est l'histoire du regard de l'occident sur les peuples du monde, l'histoire d'une confiance aveugle et révolue dans la grandeur de la civilisation, dans sa science souveraine. C'est le mythe Greystoke, ce sont les pygmées de Londres, les Kanaks du Jardin des Plantes, les expositions coloniales, les Africains exhibés dans les expositions universelles. Le sujet est fort et traité avec beaucoup de délicatesse, sans pathos superflu. Curieusement, il y a quelques mois, les mêmes personnages avaient déjà inspiré une bande dessinée à Chloé Cruchaudet (Groenland Manhattan, chez Delcourt).

Ici, le récit, conduit simplement, prend corps, case à case, dans le beau travail d'aquarelle d'Hippolyte. Réaliste sans se perdre en détails et très axé sur l'expression des visages, le dessin ne prétend pas être immédiatement aimable. Il impose, très à propos, une certaine dureté.

Les couleurs sont restreintes, certaines planches allant jusqu'au pur camaïeu.

Elles opposent systématiquement les coloris orangés et bleus, le chaud et le froid, l'Arctique et l'Occident. Cette retenue et cette intelligence visuelle font de Minik une belle pièce de plus dans l'excellente collection Aire Libre de Dupuis.

Jean Marc Jacob (www.lepetitjournal.com) jeudi 27 novembre 2008