LE LOUP DE GUBBIO

Tout le règne animal respectait saint François pour des raisons qui restent secrètes. On constate seulement que les bêtes l'aimaient. Voyaient-elles en lui une aura d'amour que nos yeux ne peuvent discerner et qui, agissant sur elles, les rendaient heureuses, peut-être sous la forme de cette auréole que nous ne voyons que dans les portraits de saints ?

Cependant, de toutes les bêtes qui eurent part à son amitié, la plus célèbre est le loup de Gubbio. Il n'en est pas, sauf l'âne et le boeuf de la crèche, que les peintres aient tant aimé représenter.

Il faut savoir, raconte un moine-écrivain de San Verecondo, que ce soir-Ià, François était en route pour Gubbio. (Gubbio est une petite cité fort ancienne dont les fortifications dévalent en zigzag le flanc du mont Igino). Un frère l'accompagnait ; lui-même, en guise de manteau, portait un vieux sac sur les épaules ; à son habitude, il chevauchait un âne, depuis qu'il avait les pieds stigmatisés. Non loin de l'abbaye, des paysans, qui l'avaient reconnu, l'arrêtèrent et lui dirent : :

" Frère François, ne va pas plus loin aujourd'hui ; reste avec nous pour la nuit ; il y a de méchants loups qui rôdent aux environs ; vous risquez, ton compagnon et toi, d'être attaqués, et l'âne d'être dévoré.

- Quel mal ai-je fait à mon frère le loup pour qu'il veuille nous mordre et manger mon frère l'âne ? répondit François. Soyez tranquilles, craignez Dieu ; bonsoir mes enfants. "... Et il continua son chemin sans encombre.

Quand il arriva à Gubbio, il n'y était bruit que de loups. L'un d'eux surtout faisait parler de lui. D'une taille et d'une férocité extraordinaires, toujours affamé, il mangeait non seulement les animaux, mais aussi les hommes et les femmes qui se présentaient. On en avait tellement peur qu'on s'armait de pied en cap pour sortir de la ville. Mais cette bête féroce s'était habituée à dévorer les gens les mieux armés, et vint le moment où presque personne n'osa plus s'aventurer hors des murs. Dieu, cependant, pour faire éclater la sainteté de son serviteur, lui inspira d'affronter ce loup furieux ; et quoique tous le conjurassent de n'en rien faire, il partit à sa rencontre avec son compagnon.

Les gens de Gubbio étaient montés sur les remparts et sur les toits pour voir ce qui allait se passer. Pleins d'effroi, ils aperçurent bientôt le loup qui, la gueule ouverte, s'élançait sur saint François ; mais d'un signe de croix, celui-ci l'arrêta et lui referma la gueule : " Viens ici, frère loup, dit-il. Au nom du Christ, je te défends désormais d'être méchant. " A ces mots, le loup, tête baissée, vint se coucher à ses pieds.

" Frère loup, continua le bienheureux, j'ai eu la douleur d'apprendre les crimes épouvantables que tu as commis dans la contrée, allant jusqu'à tuer des êtres créés à l'image de Dieu. Aussi mériterais-tu de périr dans les tourments, comme le pire des assassins, et je comprends que les gens de Gubbio te détestent. Je veux pourtant te réconcilier avec eux, de manière qu'ils n'aient plus rien à craindre de toi, et que toi non plus tu n'aies plus rien à redouter de leurs chiens ni d'eux-mêmes. " Par toutes sortes de signes, le loup témoigna de la satisfaction que lui causait ce discours.

Saint François ajouta : " Si tu consens à faire la paix, Frère loup, j'obtiendrai qu'on te nourrisse jusqu'à la fin de ta vie, car au fond, je le sais, c'est la faim qui te pousse à commettre tant de méfaits. Promets-tu de ne plus faire de mal à personne, ni aux gens ni aux bêtes ? " Le loup inclina la tête pour montrer qu'il était d'accord ; et afin de sceller son engagement, il mit sa patte droite dans la main que lui tendait le bienheureux. Celui-ci le ramena dans la ville. Le loup suivait son bienfaiteur comme un agneau. Tous deux s'arrêtèrent sur la grand-place où la population de Gubbio s'était rassemblée.

François fit alors un sermon admirable où il montra que ce sont nos péchés qui nous attirent les fléaux de Dieu en ce monde et qui, en l'autre, nous précipitent dans la gueule de l'enfer, bien plus redoutable, celle-là, que la gueule des loups les plus enragés. Il engagea ses auditeurs à la pénitence, puis il ajouta : " Mon Frère le loup ici présent jure de ne plus jamais vous nuire, si, de votre côté, vous vous engagez à le nourrir jusqu'à son dernier jour. Quant à moi, j'ai reçu un gage de sa promesse et je me porte caution qu'il tiendra parole. "

D'une voix unanime, l'assemblée jura qu'elle prendrait soin du loup. Celui-ci s'agenouilla de nouveau, et, inclinant la tête, remuant la queue, hochant les oreilles et remettant sa patte droite dans la main du bienheureux, attesta une fois encore qu'il respecterait ce traité de paix.

Il n'y manqua jamais, pendant les deux ans qu'il vécut encore. La ville pourvoyait à son entretien. Pour lui, il allait et venait librement, entrant même dans les maisons, sans molester personne, et sans que les chiens aboyassent après lui. Il mourut de vieillesse et son décès fut un deuil universel, car on avait fini par s'attacher à lui ; et surtout, à le voir se promener paisiblement dans la ville, on se rappelait saint François dont le souvenir était resté si cher aux habitants de Gubbio.


Autre version "pour les Louveteaux"

extraite de l'album Suchard "La vie fière et joyeuse des scouts" 1951

Au temps où saint François d'Assise demeurait dans la ville de Gubbio, parut dans les environs un loup monstrueux et féroce qui dévorait les hommes aussi bien que les bêtes. Les habitants terrifiés n'osaient plus aller travailler aux champs et ne sortaient que bien armés. Saint François, ayant grande compassion d'eux, décida d'aller trouver ce loup. Plaçant toute sa confiance en Dieu, il sortit de la ville, suivi de loin par nombre de gens épouvantés. A peine était-il hors des murs que le loup parut et vint à sa rencontre, la gueule écumante, les yeux sanglants de fureur ! Comme il s'approchait, saint François fit le signe de la croix et lui dit fortement : "Viens ici, frère loup, je te commande de la part du Christ de ne faire de mal à personne." A peine le saint avait-il parlé que le terrible animal s'arrêtait de courir et que, docilement, il venait se coucher aux pieds du saint. Alors, saint François lui parla ainsi : "Loup, tu fais beaucoup de dommages dans ce pays, tu es digne de la potence, mais je veux, loup, faire la paix entre eux et toi si bien que, désormais, tu ne les offenses plus et qu'ils te pardonnent tes offenses passées, et que ni les hommes ni les chiens ne te persécutent plus !" Ces paroles prononcées, le loup, par les mouvements de sa tête, faisait signe d'agréer ce que saint François disait. Alors celui-ci reprit : "Puisqu'il te plaît de conclure et de tenir cette paix, je te promets que je te ferai défrayer de tout pendant que tu vivras avec les gens de ce pays. Mais puisque je t'obtiens grâce, je veux que tu me promettes, loup, de n'attaquer plus jamais ni gens ni bêtes. "Et le loup, en inclinant la tête, fit signe qu'il promettait. Et saint François tendit la main pour recevoir la foi du loup. Celui-ci leva la patte droite de devant et familièrement la posa sur la main du saint. Alors, saint François lui dit encore : " Loup, je te commande au nom de Jésus-Christ de venir sans hésiter, nous allons conclure la paix." Et le loup, obéissant, se mit en route, doux comme un agneau. Ce que voyant les gens qui étaient là s'émerveillèrent grandement.

Alors saint François, montant sur une hauteur, se mit à parler à la foule : "Ecoutez, mes frères, dit-il, le loup qui est ici devant vous m'a promis de faire la paix avec vous et de ne vous offenser plus jamais. En retour, vous lui promettez de lui donner chaque jour le nécessaire ; et je prends caution de lui qu'il observera fermement le pacte de paix !"

Alors, le peuple, tout d'une voix, promit de le nourrir jusqu'à la fin de sa vie. Et saint François dit au loup : "Et toi, loup, promets-tu d'observer le pacte de paix ?"... Et le loup s'agenouilla et inclina la tête. Puis, levant sa patte droite, il la posa pour la seconde fois dans la main du saint.

Le loup vécut encore deux années à Gubbio ; il entrait familièrement dans les maisons sans faire de mal à personne et sans qu'il lui en fût fait, nourri courtoisement par les gens ; et, tandis qu'il allait ainsi par la ville, jamais aucun chien n'aboya contre lui . Il mourut de vieillesse et fut regretté de tous.

Bientôt des images ... pour les enfants sages !


Autres sites sur le loup de Gubbio

Etude d'une image : tableau de Merson

François et le loup



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