LE LAISSER-FAIRE
Ce qu'on appelle précisément
l'éducation a pour fonction de donner figure humaine
à ce qui n'est encore à la naissance qu'un
"candidat à l'humanité". Comme toute
mise en forme, elle est douloureuse. Exigeant des
sacrifices, imposant une discipline et des apprentissages,
interdisant certains plaisirs, en proposant de nouveaux, qui
ne sont pas "évidents", reportant à
plus tard ("quand tu seras grand") certaines
satisfactions, elle ne va pas sans peine, sans efforts. Pour
l'éduqué comme pour l'éducateur.
Or, il n'y a plus d'éducateurs, sinon
"spécialisés", et pour délinquants : la
mode est au laisser-faire. Surtout pas de contraintes
("Si jamais on lui donnait des complexes !") ni de
punitions : que d'institutrices se font agresser par des
mères en colère parce que leur rejeton,
insupportable, a été puni ou simplement
réprimandé !
On ne sévit plus, on "comprend", on
console, on récompense (quoi ?), on gâte et on
pourrit.
Surprotégé, assisté,
suivi quand il devrait être guidé, le cher
petit devient un petit monstre, puis un grand. Egocentrique
et narcissique. Velléitaire plus que volontaire.
Avide de jouir sans avoir fait, incapable d'efforts, tout
juste bon à consommer (en classe à ingurgiter
des connaissances comme autrefois le lait de sa
mère). Et renâclant à la moindre
contrariété.
|
MASCHINO, Maurice T., Voulez-vous vraiment des enfants
idiots ?, Paris, Ed. Hachette, 1984
Détails
sur l'auteur, enseignant et journaliste
|
( suite de la première colonne... )
Où prendrait-il le goût du
travail ? Du travail il ne sait rien, il ne voit rien -
sinon un père qui rentre épuisé, une
mère exténuée. Métro, boulot,
dodo - ce n'est pas très excitant. Autour de lui, des
pleurs, des soupirs, des jérémiades - ou des
planqués.
LE NÉGATIVISME
Restent les élèves. Qui sont
ouverts, eux, à toutes les propositions, pourvu
qu'elles tendent à supprimer ce qui reste
d'école. A réduire au maximum les heures de
cours, la quantité des travaux à effectuer et
des livres à lire. A augmenter par contre les
congés, toujours trop rares ( novembre,
décembre, février, mars, avril, mai, juillet,
août ), toujours trop courts...
Puisqu'il faut bien, quand même, venir
au collège ou au lycée, en attendant le jour
super où l'on diplômera gratis, ils
accepteraient, à la rigueur, qu'on développe
les "activités d'éveil" (promenades, piscine,
visite de la Tour Eiffel ou des catacombes - en Terminale du
Moulin Rouge ou des Folies Bergères, sous
prétexte d'enquête sociologique), qu'on
multiplie les séances de sport, de musique, de danse
et de yoga, qu'on y ajoute quelques heures de karaté
et de moto-cross...
|