Koutaba, au nord-ouest du Cameroun, est
devenu, en quelques années, l'un des foyers les plus
rayonnants du monachisme africain. Installés dans une ancienne
plantation de café, les moines ont décidé, avec
le soutien de leur maison-mère d'Aiguebelle, de construire
leur propre monastère. Une étape décisive pour
l'Église d'Afrique.
Le père Germain, prieur de
Koutaba, est le premier Camerounais à diriger cette fondation
depuis l'arrivée des trappistes en 1951 ; il a aujourd'hui 46
ans. La plupart des moines ont moins de trente ans et sont
Camerounais. On compte aussi parmi eux des Centrafricains, Kenyans,
Gabonais, Congolais et... trois Français.
Le père Georges, père
maître de la communauté, rappelle l'histoire de leur
installation : « Le premier noyau fondateur envoyé par
Aiguebelle s'était installé dans la forêt
à proximité de Douala. Leur mission ? Inculturer le
monachisme cistercien en terre africaine. Ce ne fut pas simple. On
venait de partout pour les rencontrer. La solitude, la
simplicité, le silence indispensables à la vie du moine
n'étaient pas respectés. II fallait s'éloigner.
C'est pourquoi, en 1968, ils se sont installés à
Koutaba, dans la savane des hauts-plateaux, à environ 1200
mètres d'altitude ».
Le monastère produit dix
à douze tonnes de café par an. Pour mener à bien
cette culture, Koutaba emploie une vingtaine d'ouvriers et deux cents
salariés pour la cueillette. Ainsi, le rayonnement de la
communauté dépasse largement la clôture
théorique du monastère. Sensible à l'état
de pauvreté des villages voisins, le monastère a mis en
place tout un réseau d'adduction d'eau et de puits. II a
également construit une école où sont
scolarisés 300 enfants. De sorte que leur insertion dans cette
région est complète et durable.
Un
modèle d'inculturation
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L'enfouissement dans la
réalité humaine et économique des hauts-plateaux
est l'un des aspects de leur immersion dans la culture africaine. Le
signe visible de cette inculturation s'exprime dans la liturgie. Ils
la repensent et la réinterprètent en utilisant les
instruments traditionnels de la culture africaine, comme les corats
et les tam-tam. La danse a également fait son entrée
dans l'office des heures. Les chants et les textes sont traduits ou
écrits en baméliké ou en béti, langues
des deux principales ethnies du pays. Est-ce du folklore ? «
Non, rétorque le père Germain, l'Église du
Cameroun a pris conscience que le mystère du Christ touche
tout l'être de l'homme : son corps et son esprit. La vie en
Afrique est célébrée par les chants et les
danses. Nous allons à la rencontre de l'invisible par la
danse. Rien de superficiel et d'exotique là-dedans
».
La notoriété de Koutaba
dépasse les frontières de la région.
Aujourd'hui, c'est toute l'Afrique Noire qui observe
l'expérience menée sur les hauts plateaux. Les demandes
d'admission proviennent de tous les pays, du Soudan à la
Côte d'Ivoire, du Rwanda au Mali. Pour l'heure, ils sont une
quarantaine qui ont été jugés aptes pour une
période d'essai mais qui attendent à l'extérieur
du monastère. « Nos locaux sont trop petits. Nous ne
pouvons pas être plus d'une vingtaine ici ».
Promiscuité, vétusté et inadaptation des locaux
ont conduit les moines à prendre la décision de
construire un véritable monastère. L'occasion pour
cette communauté de franchir une nouvelle étape dans
l'inculturation du modèle cistercien en terre d'Afrique. Leur
projet ? Concilier la « belle simplicité »
cistercienne avec l'habitat traditionnel. Ainsi, le mur d'enceinte,
le cloître, les bâtiments conventuels et l'Église
seront construits de la terre même des hauts-plateaux. Ce futur
monastère sera le premier en Afrique à s'inspirer
complètement de l'habitat traditionnel et à se
détourner résolument de modèles inspirés
de l'Europe. « Par ce monastère, nous voulons signifier
l'enracinement et la spécificité de l'Église au
Cameroun, conclut le père Germain. Fille d'Aiguebelle, fille
de l'Europe, il est temps pour Koutaba d'accéder à
l'âge adulte. À nous de savoir dessiner le visage
africain du Christ Révélé. » (Il est vivant,
04/2003)
Texte extrait du
site Observatoire
de l'Eglise en détresse
Projet Koutaba, construction en terre
d'un monastère cistercien au
Cameroun. Message reçu le Mardi
30 décembre 2003
Cher Monsieur,
J'ai eu beaucoup de joie à découvrir le
site, que je ne connaissais pas, sur Hassan
Fathy. Dans les longues années de réflexion qui
nous ont amenés à ce choix, nous avions demandé
à la communauté de Koutaba de lire au réfectoire
le livre de Hassan Fathy sur son travail à Gourna. Cela a
passionné et convaincu tous les frères. Le responsable
du projet, M. André Acetta, est un ingénieur qui s'est
spécialisé en construction en terre et a
réalisé divers ouvrages dont l'Isle d'Abeau en France.
Il connaît bien tous les travaux de Hassan Fathy et travaille
vraiment dans cet esprit de reproductibilité accessible. Au
fond, en prenant cette approche, c'est une démarche plus
longue que de bâtir vite fait un monastère mais c'est
aussi une démarche qui a tellement plus de sens pour les
frères eux-mêmes qui sont du pays, pour les jeunes qui
vont se former durant ce chantier et pour la population locale qui va
en bénéficier. Je suis certain du succès de
l'opération même si la lecture du livre de Fathy nous
laisse entrevoir qu'il y aura des difficultés en cours de
route.
Vous pourrez suivre l'évolution du projet
sur le site www.koutaba.org
Bien à vous et Bonne Année 2004
F. André
Père Abbé de l'Abbaye cistercienne
d'Aiguebelle
Voir aussi le
Bulletin ARCHI
INFOS d'avril 2004 (
version HTML + fichier enregistrable), page 6.