JOSEPH DELTEIL

Biographie

"Né dans le département de l'Aude un jour de printemps, lauréat de l'Académie Française, vigneron à Pieusse."

Tel est, au frontispice de La Belle Aude ( éd. Collot, 1982 ), le portrait que l'auteur brosse de lui-même.

"Là-bas, près de Limoux, il y a un village qu'on appelle Pieusse. C'est ma patrie, ma grande. " (1)

(1) La Cuisine paléolithique, Arléa Presses du Languedoc 1990.

En fait, Joseph Delteil est né très exactement à Villar en Val, le 20 avril 1894. Ce fils de "boucassier" ( ce que traduit mal le terme "bûcheron") présente ainsi son père : "un oeil bleu dans une blouse bleue, voilà Papa. Je le revois encore à la foire de Limoux, dans sa belle blouse flottante...membre de la "charbonnerie" - vannier aussi, vigneron bien sûr ( et braconnier à l'occasion !)". Comment ce petit "carbonero" audois deviendra-t-il "Prix Fémina" en 1925, correspondant privilégié d'Henry Miller, jusqu'à sa mort, ami de Sonia Delaunay, Pierre Mac Orlan... et déjà traduit en plusieurs langues ( et en Occitan ) ? Il était parti un jour de "mameillage", en automne 1922, pour Paris, où son premier roman "Sur le Fleuve Amour", dédié " à Maman, à la Vierge Marie et au Général Bonaparte" provoqua parmi les surréalistes un véritable enthousiasme : Breton, Eluard, Desnos sont photographiés à la foire de Neuilly avec Max Ernst, autour de Delteil. Est-ce une photo de famille ? Joseph Delteil est alors chargé d'une rubrique régulière à la Révolution surréaliste. Mais très vite, "plus delteilliste que surréaliste", comme il le dit lui-même, il rue dans les brancards, trouve Breton dictatorial puis - vive la liberté ! - rejoint "ses" amis et non pas un parti, même littéraire. Il fréquente Mac Orlan, à qui il avait apporté le manuscrit de "Sur le Fleuve Amour", Aragon, un de ses lecteurs les plus enthousiastes, et surtout Sonia et Robert Delaunay ( qui est venu mourir à Montpellier, près de Delteil.)

En 1925, son troisième roman, "Jeanne d'Arc", obtient le Prix Fémina, et c'est un coup de tonnerre dans le Tout-Paris littéraire, comme la Revue Nègre avec en tête-d'affiche Joséphine Baker ! Ce que l'on sait moins, c'est que cette revue avait pour auteur une certaine Caroline Dudley, qui allait devenir..."Princesse de Chicago et Vicomtesse de Pieusse", comprenez la femme de Joseph Delteil ! D'après Delteil lui-même, elle avait lu Jeanne d'Arc en Amérique, s'était éprise...du style et s'était embarquée. Ainsi, en 1937, eut lieu le mariage civil à Suvrey ( Angleterre)... Caroline est maintenant enterrée à Pieusse, depuis Novembre 1982, aux côtés de son mari. Selon notre auteur, "l'entremetteur", ce fut le peintre Pascin, et le génie, ce fut la blanquette ! Tout Limouxin devrait le savoir... S'il ne sait pas que ce fut aussi "le mariage du Tirailleur Sénégalais avec la Négresse Blanche" car Joseph servit dans ce corps d'armée, à Saint-Raphaël.

Joseph Delteil poète ( Le Coeur Grec - couronné par l'Académie Française, écrit précisément sous les drapeaux - Le Cygne Androgyne - Ode à Limoux ), romancier, essayiste, journaliste et même auteur d'un savoureux livre de recettes audoises, "La Cuisine paléolithique", a l'étonnant mérite d'être resté jeune jusqu'à sa mort, le 27 avril 1978, près de Montpellier ( à Grabels).

"En art, un baroque ?

En pensée, un paléolithique ?

Dans la vie, un innocent ?"

Joseph Delteil lui-même écrivait en 1967 dans "La Deltheillerie" ( autobiographie pétillante ) : " Je suis euclidien, voire super-euclidien... Je suis Galiléen, je veux dire le fils de Galilée... Je suis évidemment contre la peine de mort, dans tous les cas et sans exception...Je suis évidemment pour la pilule ( une des plus grandes conquêtes modernes)".

 

 

Jacques Chancel est peut-être le seul journaliste français à être resté en contact avec Joseph Delteil de 1960 à 1978, correspondant avec lui, le "radioscopant", en 1977, dans la "Deltheillerie" des garrigues, à 5 kms de Montpellier où il se retira, vivant comme un ermite, écologiste avant le mot, dès avant la guerre de 1939, car il ne s'était guère senti à l'aise dans la vie parisienne, lui, le vigneron de Pieusse...

Mais il n'avait jamais cessé d'écrire et l'on n'a pas encore achevé de publier ( et de rééditer...) cette oeuvre immense qui fait dire à Jean Chalon : " Va-t-on redevenir Delteilien comme on l'a été de 1920 à 1930... ? se battre pour son oeuvre ?" A son enterrement, il n'y avait que des intimes, Caroline, Chancel... Maintenant les publications, les rééditions, les émissions radiophoniques et télévisées se multiplient... Saint Don Juan, Jesus II, François d'Assise sont lus et relus avec émerveillement par une génération qui découvre, sous une plume aussi truculente que celle d'un Rabelais, les idées que l'on croyait inventées...en 1968 ! L'appel à la paix, à la tolérance, à la vie, le chant du pays natal sans chauvinisme (1) , l'amour de la liberté sans violence, l'amour de la nature (2), tout cela dans une langue dont les limouxins peuvent dire : "on s'en régale"... Tout cela plaît aux jeunes de 1983. Quel plus beau nom alors pour le Collège du pays que celui de l'homme qualifié par Edouard Herriot de "SAINT LAÏQUE" ?


Madame
Claude CAMIER

Professeur de Lettres

Collège de Limoux


Notes : (1) Tout ce Midi au physique net, au coeur mi-albigeois, mi-romain, il sent les vieilles patries de la méditation et du verbe !... Faites comme Goethe : cherchez l'Orient à vos pieds. L'Orient de la France, c'est le Midi."

(2) "Toute la Bibliothèque Nationale ne vaut pas un arbre, ni une phrase de génie un gobelet d'eau"...

Dossier sur Joseph Delteil

Du côté de Delteil

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